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Donner : cet acte devenu une ambiguïté sociale / Sous la direction de Bernard Troude / Vol.22 N.2 2024

Le Donner sans retour chez l’acteur associatif au Maroc

DOI: 10.17613/22j1w-sy167

Mouhssine Ait-Ba

magma@analisiqualitativa.com

Doctorant en sociologie Laboratoire Sociétés, Territoires, Environnement et Pratique (STEP) Université Moulay Ismail, Meknès, Maroc.

 

Abstract

Le Donner est un acte de générosité pure où l’on offre quelque chose à quelqu’un sans attendre ni de remercier ni de contrepartie. C’est un acte altruiste qui vient du cœur et qui est fait pour la satisfaction de donner et pour le bonheur de l’autre. Ce type de geste est considéré comme une valeur humaine fondamentale qui enrichit notre développement personnel et renforce les liens sociaux. Pour cette raison, cette noble valeur humaine a attiré mon attention durant ma thèse doctorale sur les acteurs associatifs et m’ont conduit dans ce texte à mettre la lumière sur leur action associative que je le considère que comme une sorte de « Donner sans retour ». Dans ce texte je vais parler de travail bénévole en tant qu’une valeur d’humanitaire où la générosité peut avoir des bienfaits psychologiques pour le donneur, comme un sentiment de bien-être, et une augmentation de l’espérance de vie. À partir de trois expériences de l’action associative, je vais mettre en faveur les sentiment d’appartenance et de connexion entre individus grâce au travail bénévole, ce qui peut diminuer les sentiments de solitude et d’isolement et donner la vraie valeur de l’humanité. En somme ces expériences reflètent comment le Donner sans retour est une expression de l’amour et de la bienveillance qui peut transformer positivement la vie de celui qui donne et celle du receveur.

 

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Whisk ferns - Fukami, Gyokuseidō, and Kanga Ishikawa. Seisen Matsuranfu : shokoku bonsai shashin. Mikawa: Gyokuseidō zōhan, 1837.

Introduction

Quand nous voulons quelque chose de profond dans nos cœurs, nous sommes plus proches de l’esprit du monde et donc il y a toujours des esprits positifs et nous en faisons partie. C’est la spécialité de ma thèse doctorale, et ce travail de recherche va tout faire pour m’inspirer dans ma thèse, c’est son vécu plus que ces résultats. Mon directeur de thèse est toujours présent dans ce voyage, à chaque fois il m’envoie des indices pour être convaincu de mon travail. Pour ma personne, il est mon Alchimiste qui a aidé à écouter mon cœur, à lire les signes du destin et finalement à aller au bout de mon rêve.

Dans ce texte sur les traces laissées dans mon cœur par mes interviewés durant tout mon voyage, tout cet ensemble réflexif m’a conduit à mettre la lumière précisément sur l’altruisme vécu par les acteurs associatifs. Et comment ces derniers s’engagent dans des actions altruistes pour aider les personnes dans le besoin sans aucun intérêt personnel, et comment l’altruisme de ces gens représente une forme de Donner sans retour. Donner sans retour, ce geste remarqué dans l’action associative fait partie des événements vécus dans mon voyage scientifique. Au départ, ce n’était pas un objet de recherche, mais par la suite, cela devient une phénoménologie précise dans mon centre d’intérêt. Ce qui m’inspire à découvrir quelques travaux en sociologie sur l’altruisme et de partager des points de vue avec le comité de rédaction de cette monographie sur ce sujet. C’est un nouveau chemin dans mon voyage scientifique, c’est un chemin engendré par l’écoute de mon cœur, car « personne ne peut fuir son cœur c’est pourquoi il vaut mieux écouter ce qu’il dit » (Citation de P. Coelho). Dans la recherche scientifique en science sociale, on ne s’aperçoit pas toujours que l’on parcourt chaque jour une nouvelle piste de recherche dans une même ligne de prospection.

J’ai commencé ma thèse de doctorat comme une aventure personnelle identique à celle de Santiago, le berger espagnol dans ce roman de Paulo Coelho, Alchimiste[1].

Durant ce voyage scientifique pour la préparation de mon doctorat, ma démarche en recherche scientifique s’est poursuivie ayant mon objectif final et mon “trésor désiré” de soutenir une thèse en sociologie, mais au même temps de me rechercher moi-même dans l’écriture de ma thèse en y intégrant un esprit personnel. Ce voyage doctoral a été le même que celui suivi par Santiago dans le roman, sauf que le trésor dont je rêvais était d’établir la sociologie en recherche scientifique. Pour cette raison, le sujet de recherche choisi sera la mise en évidence du travail associatif et sa relation avec la citoyenneté participante. Tout au long de ce voyage doctoral ma seule préoccupation est de respecter la méthode scientifique et de respecter cette distanciation entre le chercheur et son objet, de travailler avec l’impartialité et l’objectivité recommandées dans la sociologie. Mon approche scientifique suivie est rigoureuse dans l’investigation et la recherche, complétée de ma relation avec les enquêtés sur le terrain reste dans son cadre scientifique ; il n’y a aucune place pour l’émotion ou la subjectivité.

Il m’a fallu faire des choix stricts comme le repérage des comportements manipulateurs qui ont envahi les sociétés, repérer le comportement passif dans les communautés alors que je destine l’étude aux droits de certaines minorités, à pouvoir éviter les agressivités morales ou physiques. Il est pour ma part important de souhaiter et transmettre une évolution vers davantage de sérénité et de bienveillance confirmant l’éthique sociale. Dans la lignée découverte sur ces terrains, c’est la démarche communautaire maintenue avec l’évolution du comportement social affirmé, le seul déterminé à permettre des relatons équilibrées, respectueuses. Ce que j’ai perçu dans ces confrontations, c’est, en fait, une méconnaissance et une mauvaise transmission en famille et dans les groupes de cette volonté de sérénité communautaire par le comportement affirmé.

Cependant comme le chemin de Santiago dans la recherche de son trésor désiré, moi aussi j’ai vécu des événements émouvants, j’ai rencontré des personnes et des vies touchantes, j’ai passé des périodes qui vont changer l’itinéraire de mon programme de recherche, et à certains moments, j’ai fait quelques pauses sous forme d’une longue réflexion de ce voyage. Comme souvent, c’est le cas de chaque chercheur dans son voyage doctoral. Ce changement de direction issu de cette perturbation peut être apprécié comme un état de perturbation où je peux incorporer tous ces sentiments, qui font partie de la vie dans la recherche cependant ne reste pas un élément important dans les résultats scientifiques. Les expériences émotionnelles que j’ai vécues avec les enquêtés sont une partie importante de ma recherche, malgré que mes sentiments et mes récits n’auront à priori pas de place dans le récit de la thèse, puisque celle-ci est un produit scientifique basé sur des fondements scientifiques précis et rationnels ; néanmoins mon expérience devient une construction émotionnelle dans laquelle la subjectivité est implicitement présente. À partir de trois expériences de l’action associative, je vais mettre en faveur les sentiments d’appartenance et de connexion entre individus grâce à l’acte de Donner engendré par le travail bénévole, ce qui peut diminuer les sentiments de solitude et d’isolement et donner la vraie valeur de l’humanité.

En somme, ces expériences reflètent comment le Donner sans retour est une expression de l’amour et de la bienveillance qui peut transformer positivement la vie de celui qui donne et celle de qui reçoit. La première image de l’acte Donner se reflète dans l’action bénévolat des sœurs Franciscaines à Midelt au sud-est du Maroc. Dans cette région, les sœurs Franciscaines vivent parmi la population depuis leur arrivée à Midelt. Leur action sanitaire était bien accueillie, parce qu’elles élevaient les orphelines et soignaient les malades. L’acte de Donner sans retour chez ces sœurs se résume dans le bénévolat mené par la sœur Cécile qu’avait inventé le premier dispensaire dans la région, et la sœur Geneviève qui a continué à aider les femmes et les enfants démunis et donner par la suite une grande émergence de travail social dans la région. La deuxième image de l’acte de Donner se reflète dans l’action associative avec un esprit environnemental menée par des jeunes ruraux pour participer à la protection de leurs montagnes et pour faire face à la marée capitaliste dans la région. Cette action donne un esprit de défi chez ces jeunes pour participer à la valorisation de leur patrimoine naturel et la biodiversité de leur territoire. Ces jeunes donnent tous ce qu’ils peuvent au niveau de savoir et de formation et financement pour protéger l’environnement. La troisième image de l’acte de Donner se reflète dans l’action associative menée par un groupe des enseignants chercheurs pour améliorer la formation professionnelle et la recherche scientifique. Ces enseignants et par leurs propres moyens, ils ont créé une Université Populaire qui vise à former des futurs citoyens et de créer un espace démocratique de vivre ensemble.

Dans ce texte, sachant qu’il s’agit d’un essai de réflexion sur notre façon de vivre ensemble dans un monde capitaliste, nous essayons d’éclairer un côté sombre de notre vie sociale, un coté qui devient jour après jours un coin qui porte le déclin des valeurs de l’humanité : c’est l’absence de l’acte de Donner dans la vie sociale.

Le Donner dans le bénévolat des sœurs Franciscaines à Midelt

La première expérience qui a attiré mon attention au début de ma recherche, c’est le bénévolat effectué par les sœurs franciscaines en 1926 en la région Midelt. Ces sœurs ont été accueillies par la population locale, qui les appelait “Temrabout”. Elles se sont installées à Tachawit et Tatawin, des petits villages de montagne situés à environ 15 kilomètres du Centre Midelt, et elles ont vécu dans les mêmes conditions de vie difficiles dont les habitants locaux vivent. Elles travaillent dans le dispensaire de la ville et dans les crèches. En été, elles suivent les familles des bergers nomades vers les montagnes, et elles continuent les soins médicaux et le soutien aux enfants dans les tentes. Ainsi, leur travail a été la forme initiale du volontariat et un exemple de Donner sans retour dans la région. Ces sœurs avaient une réputation fabuleuse par le soutien qu’elles apportaient à la population locale, elles aidaient les jeunes mères en difficulté en leur apprenant la broderie et d’autres enseignements. Dans mon approche socio-historique de travail associatif à Midelt, j’ai remarqué la répétition des personnalités marquées dans la mémoire collective des habitants : il s’agit de la Sœur Geneviève Prat parce qu’elle était un exemple d’une femme associative bénévole. Geneviève Prat a œuvré pendant des décennies avec abnégation et compétence dans la région de Midelt entre 1965 et 1966. Elle a formé pas mal de générations, elle a guidé, orienté et inculqué à des élèves marocains le sens des responsabilités, les vertus de l’effort et de la patience. Sa perspicacité était déterminante pour le devenir de beaucoup d’entre eux qui sont actuellement de hauts cadres dans le Maroc. Elle s’est intéressée aux familles pauvres et à leurs enfants. Par son intermédiaire, un nombre considérable d’enfants montrant des malformations faciales ont retrouvé la joie de vivre. En 1996, elle a fondé l’association Al Amal, dédiée à l’aide de l’enfant en difficulté à Midelt. Les membres de l’association sont inspirés par sœur Geneviève et s’évertuent à donner le meilleur d’eux-mêmes afin de poursuivre ce qu’elle a toujours fait. Elle a fondé des manifestations qui ont une portée très significative, à savoir l’université d’été.

Cette manifestation tisse des liens d’amitié entre les jeunes marocains et les jeunes français. Par cette initiative, elle a collaboré au dialogue interculturel entre le nord et le sud, dialogue fort nécessaire en ces moments difficiles que vit l’humanité. Elle a insisté sur la formation des animateurs, pour développer les acquis, en matière d’encadrement pédagogique et d’animation culturelle. Elle a toujours cru que la continuité de tout travail bénévole ne peut se faire sans des animateurs compétents et ayant l’esprit de Donner. Pour elle, le diplôme seul ne veut rien dire. Ce qui compte, c’est la vocation et le travail sur le terrain. Elle a été distinguée par sa personnalité et sa capacité à lancer et à réaliser de grands projets de développement social afin qu’elle puisse organiser durablement l’aide aux plus défavorisés, en particulier les femmes et les enfants. La sœur religieuse a inspiré les nouvelles générations autochtones qui seront plus tard les nouvelles élites des acteurs associatifs de la région[2].

La deuxième personnalité c’est Sœur Cécile qui s’est installée à Midelt en 1961, où elle a travaillé comme infirmière dans une clinique locale. Les procédures de santé de sœur Cécile ont été très acclamées dans cette institution, où elle s’est occupée des orphelins et des patients. En 1969, Cécile a mis en place la clinique mobile afin de réduire la souffrance et le manque de soins subis par les bédouins. Le début du travail de l’association dans sa forme moderne a mélangé ce qui était sain et social dans sa relation avec la solidarité consacrée dans les enseignements de la religion chrétienne. Par conséquent, la société s’est inspirée de certaines formes de pratique, qui seront plus tard ancrées dans la dimension éducative et adoptées par les élites nationales de la région après avoir bénéficié des expériences des sœurs des religieuses de la région[3].

Protéger la montagne comme un acte collectif de Donner

L’acteur associatif se comporte avec un esprit altruiste dans tous les problèmes qui menacent l’humanité surtout ceux qui touchent son environnement. Il y a des acteurs associatifs qui défendent farouchement toutes les menaces climatiques sans aucun intérêt personnel, leurs effets déployés restent un acte altruiste pour l’Humanité. Ces acteurs jouent un rôle essentiel dans la protection des montagnes et la préservation de leur environnement à travers la sensibilisation et l’éducation. Ils organisent des campagnes de sensibilisation de la communauté locale sur l’importance de préserver l’environnement montagnard et sa biodiversité et ils participent aux prises de décision en contribuant à l’élaboration des politiques locales et nationales liées à la protection des montagnes à travers la participation à des réunions et des comités consultatifs. Parmi ces associations, j’ai constaté la présence d’une coalition civile pour la montagne, il s’agit d’une alliance nationale qui comprend plus de 120 associations nationales des quatre blocs de montagne qui ont uni leurs efforts pour devenir un acteur majeur dans la défense des droits économiques et sociaux et influencer les décideurs.

Cette coalition a travaillé pour exiger l’élaboration de politiques spécifiques pour les régions de montagne en fonction de leurs caractéristiques géographiques, économiques, sociales et culturelles. La coalition a préparé un projet de loi-cadre sur les zones montagneuses et un projet de mémorandum sur les politiques publiques intégrant les demandes des habitants des montagnes afin de protéger la sphère environnementale, sociale, économique et culturelle des montagnes. La coalition fait campagne vers l’adoption d’une loi garantissant la réalisation du développement durable dans ses multiples dimensions pour les régions montagneuses. Le texte vise à adopter et à mettre en œuvre une politique publique abordant les questions liées aux régions montagneuses, facilitant une contribution à la promulgation de nouvelles lois et législations qui doivent tenir compte de la spécificité spatiale des régions montagneuses, à renforcer le rôle de soutien de la société civile et à unifier les efforts des différents acteurs. Pour ces acteurs de cette coalition, la coalition est une façon pour améliorer les relations interpersonnelles entre eux, et un espace qui rend leurs interactions plus saines et positives. Grâce à la coalition, ces acteurs développent leurs compétences personnelles et renforcent l’estime de soi pour eux, ils contribuent à un impact social positif d’une manière désintéressée pour résoudre des problèmes sociaux et soutenir des causes importantes. Tout cela appartient aux fonctions de Donner.

Pendant la pandémie de la COVID 19 et son temps de fermeture totale, la coalition a contribué à apporter un soutien financier à 90 familles de montagne qui ont ainsi bénéficié d’une subvention financière atténuant l’impact de la pandémie sur leurs revenus déjà modestes. La coalition a conclu des partenariats avec un groupe de sympathisants et une entreprise manufacturière pour distribuer 300 fours aux habitants montagneux, afin de répondre aux besoins de ces habitants. Pour le bois de chauffage pendant l’hiver, dans le but de rationaliser l’utilisation des poêles à bois, ces fours répondent à l’objectif d’un chauffage propre et de préservation du bois. La coalition a profité de cette occasion pour inciter les habitants à instituer un usage rationnel du bois de chauffage et en leur rappelant leur rôle essentiel dans la préservation de la forêt.

À travers d’une politique étatique sous le nom Ateliers(Aourash), une association locale à la province Midelt, qui appartient à la coalition civile pour la montagne, a posé les premières pierres d’un grand projet visant la gestion intégrée des ressources en eau et de la biodiversité dans le bassin du Ziz, à partir de Ksar Anfarkal dans la commune d’Ait Yahia, province de Midelt. Cela se fait en soutenant les efforts de lutte contre l’érosion des sols et de renforcement du couvert végétal en adoptant une approche basée sur la mobilisation des différents acteurs institutionnels, civils et populations. Cette approche établit une vision nouvelle et innovante qui cherche à guider les politiques publiques et à fournir des modèles pratiques qui contribuera à développer des solutions radicales aux problèmes de l’eau et aux capacités d’adaptation au changement climatique dans les oasis s’étendant de la montagne au désert. J’ai assisté aux déroulements des débats pour avoir mis ce projet en œuvre. Les acteurs associatifs engagés dans ce projet apportent leur savoir d’une manière altruiste et mettent à profit leur savoir donner. Ils font tous les efforts nécessaires pour protéger leurs montagnes. Les résultats de ce projet sont de longue durée : c’est-à-dire que tous les acteurs savent que tous les efforts déployés serviront aux générations futures. Pour eux, il s’agit d’un acte altruiste de double face, premièrement pour protéger leur patrie ancestrale et deuxièmement pour protéger les générations futures aux dangers des changements climatiques.

L’acte de Donner dans cette action associative est un acte basé sur un effort d’aujourd’hui pour un bon retour demain : c’est la principale motivation des acteurs associatifs dans leur contribution pour des projets environnementaux sur du long terme. Pour cette raison, il a été nécessaire pour eux de créer une nouvelle génération des citoyens amis de l’environnement. Tout cela conduit l’équipe du projet a organisé un groupe d’ateliers de sensibilisation à l’efficacité énergétique au profit des élèves d’un groupe d’écoles bénéficiaires. Ces ateliers visent à sensibiliser les jeunes, et à travers eux les autres citoyens, à l’importance d’adopter des normes d’efficacité énergétique dans la construction, ainsi qu’à accroître la conscience collective de la nécessité de réduire la facture énergétique en rationalisant l’utilisation de l’énergie afin de préserver l’environnement et soutenir les capacités de leur pays à s’adapter au changement climatique.

Donner un savoir aujourd’hui, c’est sauver un citoyen demain

Créer une institution non officielle et non lucrative dans le domaine de l’enseignement se considère comme un acte humanitaire où se trouvent des acteurs bénévoles donnant leurs expériences professionnelles sans aucun profit ou une attente d’un quelconque retour. C’est le cas de l’université populaire marocaine, une initiative citoyenne et innovante. Cette université s’engage dans la démocratisation de l’éducation et du savoir dans le cadre d’un vivre ensemble et d’entraide pour construire une citoyenneté active. Les fondateurs de cette institution visent à mobiliser les citoyens à recréer des liens d’empathie, de solidarité et de partager les valeurs démocratiques ouvertes et inclusives. L’Université Populaire Marocaine est une expérience que j’ai vécue durant deux ans comme bénéficiaire de ses services, et deux ans comme un doctorant chercheur qui observe son parcours, puisqu’il s’agit d’une organisation non gouvernementale s’inscrivant dans un travail associatif apportant sa contribution à la participation citoyenne au Maroc. Les acteurs de cette organisation, quel que soit leur niveau professionnel, s’inscrivent avec leurs propres moyens et leurs propres budgets dans un mouvement d’éducation populaire à travers des ateliers, des conférences, des tables rondes et des initiatives citoyennes pour participer aux débat politiques et sociétaux. Ces acteurs donnent une alternative inclusive et un espace de réflexions à tous les individus de la société contribuant par là à la création d’un espace sous forme d’un interlocuteur constructif des institutions et une entité qui contribue à éclairer les décideurs, notamment sur le sens des valeurs universelles et leurs articulations avec la construction d’un Maroc juste, responsable, démocratique et citoyenne.

Leurs principaux intérêts s’articulent dans la création d’une génération marocaine citoyenne, et pour cette raison ils donnent le plus possible de leurs efforts altruistes.  

L’Université Populaire Marocaine est considérée comme une extension de nombreuses expériences éclairées à l’intérieur et à l’extérieur du Maroc, fondées sur le droit universel et absolu à la connaissance, à l’acquisition et aux transmissions, à l’échange de l’éducation, de la formation et de l’apprentissage dans toutes leurs dimensions sans aucun critère d’exclusion ou conditions de toute nature (âge, niveau d’éducation, environnement social, situation économique…) donc sans aucune discrimination. Elle est également considérée comme un acteur éducatif et culturel qui contribue efficacement au développement des connaissances pour tous, un pont entre les cultures et un échange de connaissances libre et interactif qui diffère de l’éducation formelle. Cette université vise à établir un espace de « démocratie de la connaissance », qui offre des possibilités de formation indépendante aux militants de la société civile et à tous les élus sociaux, économiques, politiques, étudiants et autres, dans le cadre d’une université moderne dans laquelle les idées, les expériences, les approches et les programmes éducatifs et pédagogiques interagissent et font de la diversité cognitive et du pluralisme culturel une richesse et une force pour la coexistence et la paix et la sécurité, en lien avec les particularités de notre société et les aspirations de ses groupes qui souffrent de pénuries dans le domaine de la formation, de l’encadrement et de l’éducation.

Cette organisation tire sa référence des valeurs de différence, de formation libre, des droits de l’homme et de la démocratie dans toutes ses multiples dimensions, et de toutes les multiples expériences des sources arabes, amazighes, et sahraouies, et de leurs sources africaines. Une autre source est celle de Daniel Innerarity qui part du concept que le savoir, dans une démocratie, est à comprendre non pas seulement de manière référentielle, par rapport à ce qu’il fait connaître, mais dans sa fonction pratique au sein de la société : c’est un instrument pour vivre ensemble, « le dispositif le plus puissant lorsqu’il s’agit de configurer un espace démocratique de vie commune entre les êtres humains »[4].

Ces acteurs éducatifs jouent un rôle fondamental dans l’évolution de l’humanité avec leur état d’esprit altruiste. Ces sociétaires/acteurs favorisent une société plus équitable et inclusive, en offrant des opportunités éducatives à tous, indépendamment de l’origine sociale, économique ou culturelle de chacun/chacune. Ils renforcement des valeurs humanistes telles que le respect, la tolérance et la solidarité, essentielles pour construire une société pacifique et harmonieuse. Donc, leur acte altruiste offre un cadrage au donner sans retour qui contribue à vivre ensemble.

Donner, un acte altruiste qui devient une alternative sociale dans un monde libéral

Ce qui est remarqué dans les trois expériences précédentes de l’action associative est une inspiration pour les nobles sentiments de solidarité, d’entraide et de bénévolat, et une action humanitaire de l’acte de donner, surtout lorsque sont touchés les trois piliers élémentaires de l’humanité : l’éducation, la santé et l’environnement. Les acteurs associatifs de cette simple initiative sont sensibles envers des situations pénibles concernant d’autres personnes et, ils sont persuadés qu’une élémentaire consolation aux malheurs des autres peut engendrer une forme d’altruisme chez eux. Cette empathie, pour eux, n’est pas nécessairement motivé par un intérêt personnel, ils peuvent agir pour le bien d’autrui sans attendre de récompense directe ou un retour bénéfique. L’altruisme est vu comme une fin en soi, indépendante des gains personnels. Dans ce sens, on peut mettre la lumière sur leurs actions que nous pouvons considérer comme des actions humanitaires et altruistes, ordinaires. Les acteurs associatifs s’engagent dans des actions altruistes afin d’aider les personnes dans le besoin.

À tout instant, ils ont à fournir des secours en cas de catastrophe, à distribuer de la nourriture, à offrir des soins médicaux des aides paramédicales. Ils cherchent à Donner un service sans attendre un retour d’intérêt personnel. Leurs communes participations à des actions collectives pour améliorer la société, comme les manifestations, les campagnes de sensibilisation et les mouvements sociaux, sont souvent motivés par l’altruisme envers une cause ou une communauté, la gratuité de leur savoir-faire envers autrui dans le besoin

Leurs offres caractérisent des dons financiers aux organisations caritatives dédiées aux causes sociales et aux projets communautaires. Par le crowdfunding de plus ne plus installés donner de l’argent pour soutenir des initiatives humanitaires dirigés vers des profits à autrui dans la détresse en tout. Parfois, ces altruistes cherchent à compléter un égoïsme personnel dans leurs actes magnanimes qui restent généreux. Toutefois, ce ne sera pas toujours le cas dans la totalité de la population donatrice. À un moment donné, l’altruisme peut-être une valeur sociale acquise dans un temps pour et par la socialisation, notion mentionnée par Émile Durkheim dans l’idée de la solidarité organique[5]. Cette solidarité, caractéristique pour une cohésion sociale, se fonde sur la diversification et sur l’interdépendance des individus entre eux ; ce qui favorise le clivage du travail et des espaces travail, des espaces de vie courante.

Dans le cas marocain, il existe des phénomènes qui reflètent la socialisation de l’altruisme surtout lorsque nous lisons et prenons consciences de ce concept dans des textes religieux. La religion, par exemple, montre que celles et ceux qui préfèrent les gens à eux-mêmes, même s’il y a pénurie chez eux, se prémunissent contre leur propre avarice, et finalement ceux-là sont ceux qui réussissent. Ce qui donne par la suite une forte présence des expressions altruistes dans des actes sociaux dans la société marocaine.

C’est le cas par exemple d’une solidarité nommée “Taymate”. Il s’agit d’une sorte de fraternisation qui a pour but de rendre les hommes solidaires et de leur imposer le devoir de conseil et d’aide[6]. L’exemple même se perçoit chez les habitants de haut Malouya où cette fraternisation était vécue d’une manière sacrée quand les habitants donnent un serment au nom d’une fraternité pour avoir demandé une chose. En vertu de cette solidarité, les tâches individuelles étaient réalisées collectivement : la construction de maisons, le labourage et l’entraide étaient également présents lors des mariages, des funérailles et même lors des châtiments. Ce qui montre et prouve que la satisfaction d’un besoin égoïste n’est pas toujours la vraie motivation pour créer un acte altruiste, mais parfois il s’agit d’un véritable altruisme.

Dans son modèle, Batson ne conteste ni la réalité ni l’importance des motivations égoïstes, mais il fait place à une voie complémentaire, représentant un altruisme véritable[7]. Dans cette voie, la perception du besoin d’autrui suscite une réponse émotionnelle de préoccupation empathique, puis cette réponse entraîne une motivation altruiste vers une diminution du problème de l’autre personne, et cette motivation se traduit par un aide visant à l’efficacité. Bertrand Russell indique dans ses développements qu’une philosophie morale – et politique – rationaliste œuvre pour la paix, comprises les éthiques sociales de l’intellection d’autrui[8]. L’économiste Jacques Attali a mentionné dans ses travaux sur la notion de consolation les effets de l’altruisme sur les relations sociales dans les sociétés traditionnelles, Il considère ces effets comme une sorte d’une “vague compassionnelle”[9]. Ce penseur examine les formes d’altruisme dans l’histoire de la consolation, dès les premiers rites des sociétés anciennes jusqu’au sociétés contemporaines. Il considère que le besoin fondamental d’être consolé est à la base d’un possible progrès humain et que tout ce que nous faisons vise principalement à nous consoler. J. Attali s’engage pour une consolation éthique et il explore comment la consolation a façonné l’histoire. Selon lui, la vague compassionnelle est une disposition de consolation de la société à la société qui fait face à l’incapacité du pouvoir de l’État ou de l’Église à consoler le peuple en représentant une quête universelle de réconfort face à l’adversité et à la finitude humaine. Selon cet auteur, cette consolation conduit à un altruisme qui sera le moteur de l’économie de demain, ce qui est mentionné aujourd’hui par l’économie sociale et solidaire.

L’altruisme marqué dans le social peut engendrer une nouvelle économie qui vise à dépasser les théories économiques contemporaines héritées d’Adam Smith, qui a considéré l’intérêt personnel comme le principal moteur et un critère d’interprétation de l’économie ; sauf que ses théories rejettent ainsi l’altruisme qu’elles jugent non opérationnel alors qu’il est considéré comme un moteur d’intérêt collectif. Qu’elles soient d’inspiration néo-classique, libérale ou néomarxiste, toutes ces théories ne parviennent pas à expliquer les relations réciproques entre l’intérêt individuel et l’intérêt collectif. La théorie de l’intérêt repose sur une fausse évidence. Il faut lui opposer l’axiome selon lequel l’individu en société est initialement altruiste et devient secondairement “égoïste”. Ce changement de perspective ne contredit pas la primauté de l’économique, mais permet de le concevoir comme une catégorie universelle de l’Histoire, dont la première forme fut l’échange symbolique[10]. Cela était remarqué dans l’action menée par les jeunes ruraux à Midelt afin de lutter contre l’épuisement et la contrebande des herbes médicinales et aromatiques. Ces jeunes offrent des formations gratuites aux coopératives forestières locales pour éviter chaque mauvaise exploitation des leurs ressources forestières par les grands vendeurs. Mis en cause, ces derniers exploitent les licences accordées aux coopératives par le Département des Eaux et Forêts afin d’exploiter aléatoirement la filière des herbes médicinales, dans l’absence de projets de valorisation. Leur action altruiste vise à protéger la biodiversité de leur territoire.

Dans le même sens, ces jeunes exploitent leurs efforts pour repenser les traditions envers l’environnement de la région. Ils mettent leurs savoir à la portée des habitants via le Donner des formations associatives pour avoir un développement durable aux ressources matérielles de la région. Il s’agit ici d’un intérêt collectif où l’altruisme devient comme un égoïsme collectif. Par ailleurs, l’altruisme devient une contrepartie de l’intérêt qui est maintenant considéré comme une menace pour les liens sociaux car il est rapporté à un égoïsme individuel qui isole les individus entre eux, par exemple l’intérêt des habitants de montagne engendre un égoïsme individuel chez eux, chacun veut profiter le maximum possible de la récolte des herbes médicinales et aromatiques sans aucune prise en considération de la protection de son territoire. Alors que dans l’égoïsme collectif, l’altruisme devient un objet commun entre les individus, et l’intérêt de chaque élément de la société se rassemble avec l’intérêt collectif. Cette intersection entre l’intérêt individuel et l’intérêt collectif se fait seulement par la valorisation des valeurs sociales contre les valeurs économiques. Ces jeunes ruraux savent bien la valeur des valeurs sociales et pour cette raison, ils ont profité la socialisation primaire des habitants pour construire un nouveau comportement visant à profiter des ressources naturelles, de leurs territoires sans aucun gaspillage, un comportement basé sur la morale puisque la morale est une science fondamentale qui constitue la société en la protégeant de l’égoïsme. Mais, toujours la question de rapport entre la morale et l’altruisme se pose dans les relations sociales : est-ce-que l’Homme par sa morale est toujours altruiste ? Durkheim conteste l’idée que l’altruisme représente une forme supérieure de moralité, distincte et ajoutée à la moralité plus égoïste des débuts de l’humanité. Il établit un lien étroit entre la vie sociale et l’altruisme, en utilisant le concept de solidarité mécanique. Selon Durkheim, la conscience collective est beaucoup plus développée dans les sociétés primitives que dans les sociétés modernes : ce qui réduit vraiment la part personnelle dans les représentations. Il en conclut que l’altruisme domine presque entièrement la conduite individuelle dans ces sociétés[11]. Pourtant de temps à autre, il serait erroné de penser que l’égoïsme a pris de l’ampleur dans la société moderne, bien que l’individualisation a augmenté la place des représentations personnelles. Le domaine des représentations collectives s’est également élargi, ce qui empêche de tirer des conclusions hâtives sur ces sujet dont celui du Donner.

Façon de donner sans le dire

Pour conclure, l’altruisme, cette façon de donner sans le dire, peut être un moyen efficace de contrer les dangers du capitalisme. La promotion de la solidarité sociale s’éprouve en renforçant les liens sociaux et en encourageant la coopération entre les individus, réduisant ainsi l’écart entre riches et pauvres et incitant à la justice sociale.

L’altruisme peut réduire l’exploitation, en adoptant les valeurs altruistes, les individus et les entreprises peuvent se concentrer sur le bien-être de la société plutôt que de rechercher uniquement le profit, surtout celui immédiat, réduisant ainsi l’exploitation des travailleurs et de leurs ressources. Enfin, soutenir l’économie locale en encourageant le soutien aux entreprises voisines et aux initiatives communautaires renforce assurément l’économie locale tout en réduisant la dépendance de chacun envers les grandes entreprises.

Les individus et les entreprises peuvent être amenés à prendre des décisions écologiquement et socialement durables, réduisant ainsi les dommages environnementaux et sociaux résultant du capitalisme. Nous avons aujourd’hui besoin d’une promotion réelle de la durabilité grâce à l’acte du Donner.

Bibliographie

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Mouhib, Mohamed. Midelt esquisses historiques. Dar al hadaf, 1999.

Russell, Bertrand, La conquête du bonheur, Paris, Payot, 2001.

Steiner, Philippe. Altruisme, égoïsme et individualisme dans l’École durkheimienne in European Journal of Sociology / Archives Européennes de Sociologie, 2009, vol. 50, no 1, p. 35-59.

Torrel, Roland. Théories de l’intérêt-altruisme et primat économique in Cahiers de sociologie économique et culturelle, 1984, vol. 1, no 1, p. 123-131.

Notes

[1] Coelho, Paulo, Alchimiste (1988), Paris, Édit. Française, LGF, coll. Livre de poche, 2002.

[2] Majid, Bilal., Mouhib, Mohamed. Midelt : Points de vie. Bouregrag, 2023.

[3] Bocognano, Simone . Bucoliques, berbères... Itto, fille de l’Atlas. Le Fennec, 2010.

[4] Champeau, Serge. (2012). Sommes-nous dans une « démocratie de la connaissance » : À propos de : Daniel Innerarity, La democracia del conocimiento. Por una sociedad inteligente, Paidós, 2011. p. 11 Raison publique, 17, 263-275. Url : doi.org/10.3917.

[5] Durkheim, Émile, De la division du travail social, (1893), Paris, P.U.F, 10ème édition,1978. La solidarité organique y est conceptualisée dans cet ouvrage fondateur.

[6] Mouhib, Mohamed. Midelt esquisses historiques. Dar al hadaf, 1999.

[7] Deschamps, Jean-François, Finkelstein, Rémi. Existe-t-il un véritable altruisme basé sur les valeurs personnelles ? in Les cahiers internationaux de psychologie sociale, 2012, vol. 93, no 1, p. 37-62.

[8] Russell, Bertrand, La conquête du bonheur, Paris, Payot, 2001, Œuvrant pour la paix et l’amour. On pourrait dire que sa philosophie a pour matrice son pacifisme, fondé sur son horreur de la violence, de la tyrannie et du fanatisme.

[9] Attali, Jacques. Peut-on prévoir l’avenir ? Fayard, 2015.

[10] Torrel, Roland. Théories de l’intérêt-altruisme et primat économique in Cahiers de sociologie économique et culturelle, 1984, vol. 1, no 1, p. 123-131.

[11] Steiner, Philippe. Altruisme, égoïsme et individualisme dans l’École durkheimienne in European Journal of Sociology / Archives Européennes de Sociologie, 2009, vol. 50, no 1, p. 35-59.

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