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Donner : cet acte devenu une ambiguïté sociale / Sous la direction de Bernard Troude / Vol.22 N.2 2024

Analyse critique de la complexité sociale du don : la dialectique de la générosité

DOI: 10.17613/efmpa-kt264

Ala Eddine Bakhouch

magma@analisiqualitativa.com

Enseignant-chercheur en linguistique française, avec dix ans d’expérience. Il enseigne à l’Institut Supérieur des Arts et Métiers de l’Université de Gabès et est affilié à la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de l’Université de Sousse. Ses recherches, publiées dans des revues internationales, portent sur la syntaxe, la sémantique et la sociolinguistique du français. Membre d’un laboratoire international, il apporte une dimension mondiale à ses travaux.

 

Abstract

Cette chronique examine l’ambiguïté sociale entourant l’acte de donner dans les sociétés contemporaines. À partir d’une analyse interdisciplinaire, incluant des perspectives philosophiques, sociologiques et économiques, nous explorons les multiples dimensions du don, allant de ses implications économiques à ses significations culturelles. Nous mettons en lumière les tensions inhérentes entre l’altruisme désintéressé et les motivations égoïstes qui sous-tendent souvent les actes de don. En outre, nous examinons les dynamiques de pouvoir et les inégalités sociales qui peuvent influencer les pratiques de don, tout en soulignant l’importance des structures institutionnelles dans la régulation de ces comportements. Enfin, nous proposons des pistes de réflexion pour « une compréhension plus nuancée du rôle du don dans la construction de la cohésion sociale et de la justice économique ».

 

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Whisk ferns - Fukami, Gyokuseidō, and Kanga Ishikawa. Seisen Matsuranfu : shokoku bonsai shashin. Mikawa: Gyokuseidō zōhan, 1837.

Introspection critique, motivations latentes et ambiguïtés

Dans le tissage complexe des interactions humaines, il faut annoncer le concept du « don » émergeant comme une énigme multidimensionnelle, imprégnée de significations dictionnairiques et sociolinguistiques aussi riches que divergentes. Cette étude s'engage dans une exploration analytique de la dialectique inhérente à la générosité, inscrite dans les trames subtiles de la société contemporaine. En scrutant ses diverses facettes, nous sommes conviés à une introspection critique, révélant les motivations latentes et les ambiguïtés intrinsèques qui sous-tendent les actes de don. Par-delà la dichotomie simpliste entre altruisme et égoïsme, se dessinent les contours nuancés d'une réalité où le don devient le miroir réfléchissant des dynamiques de pouvoir et des inégalités sociales qui structurent notre monde.

De cette analyse émerge l'interrogation fondamentale sur la contribution du don à la cohésion sociale et à la quête incessante de justice économique. Ainsi, plongeons-nous dans les méandres de cette dialectique, cherchant à dévoiler les intrications complexes de la générosité dans le tissu social contemporain.

Définition dictionnairique et sociolinguistique du « don »

L'examen du concept de « don » requiert une approche multidimensionnelle, incluant à la fois une analyse lexicographique et une exploration sociolinguistique. Cette double perspective permet de cerner non seulement les significations formelles du terme, mais aussi ses implications et utilisations dans le tissu social.

Définition dictionnairique

Les dictionnaires, en tant que référentiels de la langue, fournissent une première approche du terme « don ». Selon le Petit Robert, le « don » est défini comme « action d’abandonner gratuitement quelque chose à quelqu’un ». Cette définition met en lumière trois éléments fondamentaux : l'acte (action), la gratuité (absence de contrepartie) et la directionnalité (d’une personne à une autre). L'analyse des définitions proposées par différents dictionnaires permet de déceler des nuances importantes. Le Trésor de la Langue Française informatisé (TLFi) élargit cette conception en précisant que le don peut être à la fois matériel ou immatériel, et peut inclure des actes comme le « don de soi » ou le « don d’organe ». Il souligne également l’aspect intentionnel et désintéressé de l’acte. De son côté, le Larousse insiste sur l’aspect de générosité et de gratuité du don, en le définissant comme « fait de donner quelque chose à quelqu'un sans rien demander en échange ». Ces définitions partagent une même essence de gratuité et de bienveillance, mais diffèrent légèrement par leur focalisation sur des types spécifiques de dons (matériels vs. Immatériels) et les implications sociales et émotionnelles associées.

Plusieurs types de dons se distinguent également dans les glossaires où chacun se remarque avec des connotations et des contextes d'utilisation spécifiques. Le don matériel concerne la remise d’un bien tangible, tel que le don d’argent ou d’objets à une organisation caritative. Le don immatériel inclut des aspects comme le don de son temps, le don de soi (engagement personnel sans attente de retour), ou des dons plus symboliques comme les talents ou compétences : par exemple, « le don de sang » ou « le don d’organes ». Dans un contexte religieux le don peut aussi être perçu comme une offrande à une divinité et plus réaliste comme un acte de charité envers autrui ou philosophique quand l’acte du don se révèle complexe avec des formulations et des sens singuliers. Ce contrat social apparaît dans toute société ou communauté portant sur de l'utilité publique en reconnaissant un droit de nature à chacun de ses contractants. Les dictionnaires offrent également des exemples contextuels illustrant les diverses dimensions du don. Le don philanthropique implique, généralement, des fortes sommes d'argent données à diverses causes, humanitaires ou éducatives. Cette forme est un exemple pertinent comme « le don de la Fondation Bill-et-Melinda-Gates ». Les dons symboliques vont concerner des actes de générosité ayant une valeur plus symbolique que matérielle tels que les dons de temps ou d’attention à une personne ou à une cause.

Les définitions dictionnairiques – interprétations et commentaires – incluent souvent des précisions sur les aspects juridiques du don, notamment dans le cadre des dons entre vifs (transferts de biens de son vivant) et les donations (actes notariés pour le transfert de biens avec parfois des implications fiscales). Selon le Code Civil français, « une donation est un acte par lequel une personne (le donateur) transfère la propriété d’un bien à une autre personne (le donataire) sans contrepartie, souvent formalisé par un acte notarié ».

En somme, la définition dictionnairique du « don » capture l’essence de l’acte de donner de manière désintéressée et gratuite. Elle distingue plusieurs types de dons (matériels, immatériels, symboliques) et les contextes dans lesquels ils peuvent se manifester. Les aspects juridiques ajoutent une dimension de formalité et de légalité à ce concept, illustrant comment les sociétés régulent et encadrent cet acte pour en préserver la nature altruiste. Les dictionnaires offrent ainsi une base essentielle pour comprendre le « don » dans ses multiples facettes, avant d'en explorer les dimensions sociolinguistiques et culturelles plus complexes.

Définition sociolinguistique

L'approche sociolinguistique du « don » permet d'approfondir la compréhension de ce concept en explorant comment il est utilisé et perçu dans différents contextes sociaux et culturels. Selon Marcel Mauss, anthropologue et sociologue, dans son écrit Essai sur le don (1925), « le don ne se réduit pas à un simple transfert unidirectionnel ; il est souvent encadré par des normes sociales de réciprocité ». Cet auteur, pour une première fois, identifie trois obligations liées au don : donner, recevoir et rendre. Cette trilogie met en lumière le caractère complexe et structuré du don dans les relations humaines. Il nous faut ici compléter par une notion évidente et jamais reprise : l’acceptation du donner ou du recevoir. Par exemple, dans de nombreuses cultures, les dons de mariage ou les dons rituels sont chargés de significations religieuses et donc sociales. Ils servent à renforcer les liens communautaires et à exprimer des sentiments de respect ou de reconnaissance. Dans certaines sociétés africaines, le don « joue un rôle central dans les systèmes de parenté et de solidarité. Il peut s’agir de biens matériels, mais aussi de services ou de soutiens symboliques » (Pollock, 2010 : 151), comme l'assistance lors de cérémonies familiales.

Nous trouvons des exemples concrets dans la tradition des « cadeaux de Noël » en Occident, qui, bien que souvent perçus comme des gestes de pure générosité, sont également des actes sociaux régis par des attentes implicites de réciprocité et de renforcement des liens familiaux et amicaux. Comme le souligne le sociologue P. Bourdieu (1972 :125), « le don suppose et institue un échange différé ». Cette notion de « différé » souligne que le don engage les acteurs dans une relation continue et dynamique plutôt que dans une transaction ponctuelle. Un autre exemple pertinent est le « don de sang », qui, bien que souvent anonyme et altruiste, s’inscrit dans un cadre institutionnel et social de solidarité et de responsabilité collective. La gratuité du don de sang est un principe fondamental dans de nombreux pays, en opposition aux systèmes marchands, et reflète une valeur sociétale de soin mutuel.

Par essence, nous comprenons que la définition du « don » dépasse largement les simples termes lexicaux afin d’embrasser des dimensions sociales et culturelles complexes. Tous les dictionnaires, et cela dès les premiers au XVIIème siècle, fournissent une base nécessaire pour nos compréhensions, alors qu’à travers l'analyse sociolinguistique sont saisies toute la richesse et toutes les nuances du concept de « don ». Les « dynamiques de réciprocité », les « obligations sociales » et les « significations symboliques » enrichissent notre compréhension pour ce phénomène naturellement universel.

2. Les motivations et les ambiguïtés du don : altruisme versus égoïsme

L'acte de donner, souvent perçu comme une expression de générosité et de bienveillance, est empreint de motivations complexes et parfois contradictoires. Cet axe de lecture propose une exploration approfondie des raisons qui sous-tendent les actes de don, en mettant en lumière la tension entre « altruisme désintéressé » et « motivations égoïstes ».

Altruisme : un acte désintéressé ?

L'altruisme, selon le Dictionnaire de l'Académie française, se définit comme la « disposition à s'intéresser et à se dévouer à autrui ». Cette notion suggère un comportement visant à améliorer le bien-être d'autrui sans attente de récompense personnelle. En psychologie, ce concept est souvent étudié pour comprendre pourquoi certains individus choisissent d'aider les autres sans en tirer de bénéfice direct. Par exemple, un acte de charité anonyme, où le donateur ne reçoit ni reconnaissance ni remerciement, peut être considéré comme une forme d'altruisme pur. Cependant, même les actions qui semblent entièrement désintéressées peuvent comporter des motivations sous-jacentes. La satisfaction personnelle, le sentiment d'accomplissement ou la paix intérieure obtenus par l'acte de donner peuvent être des motivations puissantes. L'écrivain et philosophe Peter Singer, dans son ouvrage The Life You Can Save (2009 : 153), argumente que « même les gestes les plus altruistes sont souvent accompagnés de bénéfices psychologiques pour le donateur, tels que la réduction de la culpabilité ou encore l'augmentation de l'estime de soi. Cette perspective soulève la question de savoir si un véritable altruisme, complètement exempt d'intérêt personnel, est vraiment possible.

Égoïsme : le don comme stratégie personnelle

À l'opposé de l'altruisme se trouve l'égoïsme, que le Petit Larousse définit comme étant la « disposition à se préférer soi-même aux autres, à ne sacrifier qu'à ses intérêts personnels » (2018, p. 534). Cette conception du comportement humain suggère que même les actes de générosité peuvent être motivés par des intérêts égoïstes. Le don, dans ce contexte, devient une stratégie pour atteindre des objectifs personnels. Marcel Mauss (1925) explore cette notion en introduisant le concept de « potlatch », un système de dons réciproques où l'acte de donner crée une obligation de retour. Dans de nombreuses sociétés, le don n'est jamais totalement gratuit : il impose « une dette morale » au récipiendaire et il établit une dynamique de pouvoir et de réciprocité. Par exemple, dans certaines cultures, offrir un cadeau somptueux peut non seulement montrer la générosité du donateur mais aussi créer une pression sociale sur le récipiendaire pour qu'il rende la faveur de manière équivalente ou supérieure.

Dans les sociétés contemporaines, cette dynamique se manifeste de manière subtile mais omniprésente. Les entreprises, par exemple, peuvent faire des dons substantiels à des œuvres caritatives non seulement pour aider la communauté mais aussi pour améliorer leur image de marque, attirer des clients et/ou obtenir des avantages fiscaux. Les philanthropes célèbres comme Bill Gates, bien qu'animés par un désir authentique de faire le bien, bénéficient également d'une amélioration significative de leur réputation et d'une influence accrue sur les politiques publiques grâce à leurs contributions.

Les motivations ambiguës du don

Cette dualité entre altruisme et égoïsme se manifeste de manière particulièrement évidente dans diverses situations pratiques. Par exemple, les dons philanthropiques des grandes fortunes, bien que souvent perçus comme des actes de générosité pure, peuvent également être interprétés comme des moyens d'accroître le prestige social, d'améliorer l'image publique ou de bénéficier de déductions fiscales. Peter Singer (2009 : 159) souligne que « même les actes altruistes sont souvent accompagnés de bénéfices secondaires pour le donateur, tels que la satisfaction personnelle ou le gain de reconnaissance ». Un exemple concret de cette ambivalence est illustré par les campagnes de philanthropie des entreprises.

Bien que ces campagnes soient souvent présentées comme des efforts désintéressés pour améliorer la société, elles sont également conçues « pour renforcer l'image de marque de l'entreprise et accroître sa rentabilité » (Servet, 1993 :120). Une étude de la Harvard Business Review (Porter et Kramer, 2011) montre que « les entreprises qui s'engagent dans des pratiques de responsabilité sociale voient souvent une augmentation de la fidélité des clients et de l'engagement des employés », démontrant ainsi que les motivations altruistes et égoïstes peuvent coexister. Le don peut également servir à créer des obligations morales. Dans les relations d'affaires, un cadeau généreux peut mettre le récipiendaire dans une position de devoir rendre la faveur, créant ainsi un réseau de dettes morales. Cette pratique, bien que subtile, est omniprésente dans de nombreuses cultures et secteurs d'activité. Par exemple, un don dans le contexte professionnel – offrir des cadeaux coûteux ou organiser des événements somptueux pour des partenaires commerciaux – peut non seulement renforcer les relations mais aussi créer des attentes implicites de réciprocité.

Sur le plan économique, les entreprises investissent dans des œuvres caritatives non seulement pour aider la communauté mais aussi pour améliorer leur image de marque et fidéliser leurs clients. Un rapport de Forbes (2018) montre que « les entreprises qui investissent dans la responsabilité sociale voient souvent une augmentation de leur réputation et de leur attractivité auprès des consommateurs », démontrant ainsi que les avantages économiques peuvent être – sont souvent – une motivation clé derrière les dons corporatifs. En outre, dans certains contextes, les dons peuvent également servir à influencer les politiques publiques ou à obtenir des avantages réglementaires. En cela, les contributions politiques sous forme de dons peuvent donner aux donateurs un accès privilégié aux décideurs et une influence sur les décisions politiques, économiques et parfois sociales.

Cette pratique soulève des questions éthiques sur la véritable nature des motivations derrière ces dons et sur leur impact sur « la démocratie » et « la justice sociale ». En somme, l'acte de donner est profondément ambivalent. Il oscille entre un altruisme pur et des motivations égoïstes, soulignant la complexité des relations humaines et des structures sociales. Cette ambivalence révèle que le don, au-delà de son immédiate apparence de générosité, est souvent un acte stratégique visant à équilibrer des intérêts personnels et sociaux. L'analyse des motivations et des ambiguïtés du don nous invite donc à reconsidérer notre compréhension des actes de générosité, en reconnaissant la coexistence de motivations altruistes et égoïstes. Comme l'a souligné Marcel Mauss (1924 : 85), « ce n'est pas la générosité qui est rare, mais le désintéressement absolu ».

Cette dernière réflexion nous pousse à examiner de plus près nos propres motivations et à reconnaître « la complexité des dynamiques sociales qui sous-tendent les actes de don » dans notre société.

3. Le don comme reflet des dynamiques de pouvoir et des inégalités sociales

Le concept de don est souvent perçu à travers le prisme de la générosité et de l'altruisme. Cependant, une analyse plus approfondie révèle que les pratiques de don sont profondément influencées par les dynamiques de pouvoir et les inégalités sociales. En examinant comment le don peut reproduire ou exacerber des rapports de « domination » et de « dépendance », et comment il peut être utilisé comme un outil pour maintenir ou contester des structures de pouvoir, il devient évident que le don est loin d'être une simple transaction désintéressée.

Reproduction des rapports de domination

Les pratiques de don peuvent souvent servir à renforcer les hiérarchies sociales existantes. Pierre Bourdieu (1979), explore comment le don, en tant que forme de capital social, peut être utilisé afin de consolider le statut et le pouvoir d'une personne ou d'un groupe. Selon cet auteur (1979 : 105) « le don n'est jamais véritablement gratuit ; il crée une dette sociale qui renforce les relations asymétriques entre le donateur et le bénéficiaire ». En ce sens, le don peut être perçu comme un mécanisme par lequel les élites maintiennent leur position dominante en établissant une forme de dépendance chez les bénéficiaires.

Outil de maintien et de contestation des structures de pouvoir

Le don peut également être utilisé stratégiquement pour maintenir ou contester des structures de pouvoir. David Graeber (2011) offre une perspective anthropologique et historique sur la manière dont les pratiques de don et de dette ont structuré les relations de pouvoir à travers les siècles. Il soutient que

« Les systèmes de dette et de don sont souvent employés pour créer des hiérarchies sociales et maintenir le contrôle sur les groupes subordonnés » (2011 : 123).

De manière contemporaine, les dons philanthropiques des grandes entreprises ou des individus fortunés peuvent être vus comme des stratégies pour influencer les politiques publiques ou les opinions sociales.

Par exemple, les donations des entreprises pharmaceutiques aux institutions de recherche peuvent orienter les priorités de recherche vers des domaines profitables pour ces entreprises, reflétant ainsi une forme subtile de contrôle (Anderson, 2015 : 87).

Rôles des donateurs et des bénéficiaires

Les rôles des donateurs et des bénéficiaires sont également structurés par les normes sociales et institutionnelles. Les bénéficiaires sont souvent perçus comme passifs, renforçant ainsi une dynamique de pouvoir où le donateur est vu comme celui qui a les moyens et l'autorité pour donner. Cette perception peut être déconstruite en examinant des cas où les bénéficiaires contestent cette passivité apparente.

Les mouvements de résistance dans certaines communautés marginalisées, comme exemple, utilisent le don de manière stratégique pour réaffirmer leur autonomie et leur dignité face à des structures oppressives. L'étude des dynamiques de don dans les contextes humanitaires illustre également cette complexité. Didier Fassin (2011 : 63), souligne que « les interventions humanitaires, bien qu'animées par un désir d'aide, peuvent parfois renforcer les inégalités en positionnant les bénéficiaires comme des sujets passifs de la charité internationale ». Cela montre comment les structures institutionnelles et les normes sociales régulent les interactions entre donateurs et bénéficiaires, « souvent au détriment de l'autonomie des communautés aidées ». En somme, le don ne peut être dissocié des dynamiques de pouvoir et des inégalités sociales. Il est crucial de reconnaître que les pratiques de don, loin d'être neutres, sont souvent des manifestations de rapports de domination et de dépendance. Par conséquent, une analyse critique du don doit prendre en compte non seulement les intentions des donateurs mais aussi les structures institutionnelles et sociales qui régulent ces interactions. Cette compréhension permet de dévoiler comment le don, en tant que phénomène social, peut soit perpétuer soit contester les inégalités sociales existantes.

4. Le don et sa contribution à la cohésion sociale et à la justice économique

Le don, en tant que manifestation altruiste de partage de ressources ou de services, constitue un pilier fondamental dans la construction « de la cohésion sociale et la promotion de la justice économique » (Godelier, 1963 : 30). Cet axe de lecture explore comment les actes de don peuvent renforcer les liens sociaux et encourager des pratiques de solidarité et de réciprocité au sein des communautés. En parallèle, une analyse critique des limites de ces pratiques face aux défis de la justice économique est proposée : « avec des réflexions sur la manière dont les politiques publiques et les structures institutionnelles pourraient mieux encadrer et favoriser les dons » (Strathem, 1988 : 103). Cette vue d’ensemble vient pour que les dons – en général – contribuent de manière plus équitable et efficace au bien-être collectif.

La cohésion sociale par le don : une toile de relations tissée par la solidarité

Le don est souvent perçu comme un moyen privilégié de renforcer les liens sociaux en instaurant des dynamiques de réciprocité et d'entraide au sein des communautés. Contrairement à la vision individualiste de la société, les sociologues, tel Émile Durkheim, ont souligné « l'importance des liens sociaux dans le maintien de la cohésion sociale ». Durkheim (1893 : 112) met en avant « le rôle des interactions sociales dans la création d'un sentiment de solidarité organique où chaque individu contribue au bien-être collectif ».

Ainsi, le don devient un vecteur essentiel de cette solidarité en favorisant des échanges « non seulement de biens matériels, mais aussi de valeurs et d'émotions, qui renforcent les liens entre les membres d'une société ». Prenons l'exemple des réseaux de solidarité locale qui se sont développés pendant la pandémie de COVID-19. Des initiatives citoyennes ont émergé dans de nombreuses régions, où les individus se sont mobilisés pour offrir leur aide aux plus vulnérables en fournissant des denrées alimentaires, des masques de protection ou simplement en apportant un soutien moral. Ces actions ont permis de tisser une solidarité accrue entre la communauté, renforçant ainsi le sentiment d'appartenance et de solidarité.

Les limites du don dans la quête de justice économique

Cependant, bien que le don puisse favoriser la cohésion sociale, son efficacité dans la promotion de la justice économique est sujette à débat. La justice économique vise à garantir une répartition équitable des ressources et des opportunités, ce qui nécessite souvent des interventions structurelles et des politiques publiques ciblées. Dans cette optique, le don individuel peut sembler insuffisant pour remédier aux inégalités systémiques. Le sociologue Pierre Bourdieu a souligné dans ses travaux sur la reproduction sociale que les pratiques de don peuvent refléter et perpétuer les inégalités de classe et de statut. P. Bourdieu (1979 : 72) démontre comment les goûts culturels et les pratiques de consommation sont façonnés par la position sociale, créant ainsi des barrières invisibles qui renforcent les privilèges des classes dominantes. De la même manière, les dons philanthropiques peuvent être orientés selon les intérêts et les valeurs des donateurs, ce qui peut conduire à une allocation inégale des ressources.

L'intégration des dons dans les politiques publiques pour une justice économique renforcée

Afin que les dons contribuent de manière plus équitable à la justice économique, il est nécessaire d'élaborer des cadres institutionnels et des politiques publiques qui favorisent une redistribution plus juste des ressources : « Les gouvernements peuvent jouer un rôle crucial en mettant en place des mesures incitatives pour encourager les dons vers des causes prioritaires, telles que la lutte contre la pauvreté ou l'accès à l'éducation et aux soins de santé » (Dupont, 2022 : 91). À titre d'exemple, des nations telles que la France « ont mis en place des incitations fiscales sous forme de réductions d'impôts » (Leblanc, 2023 : 87) pour les dons octroyés aux associations caritatives, encourageant ainsi individus et entreprises à soutenir financièrement des initiatives à vocation sociale. Par ailleurs, il faut préconiser des modalités de dons plus participatives et démocratiques, où les bénéficiaires sont activement impliqués dans le processus décisionnel.

Cette approche permet non seulement de répondre « de manière plus adéquate aux besoins réels des communautés », mais également de renforcer le sentiment de justice et d'équité. En conclusion, le don contribue à la cohésion sociale en favorisant des échanges de solidarité et de réciprocité au sein des communautés. Néanmoins, pour qu'il participe également à la justice économique, il convient d'instaurer « des mécanismes institutionnels » et « des politiques publiques » favorisant une redistribution plus équitable des ressources et des opportunités. Ainsi, les dons peuvent devenir un levier puissant pour la promotion du « bien-être collectif » et « la construction d'une société plus juste et solidaire ». (Dupont, 2022 : 70)

5. Investigation, impact du don, la promotion de la cohésion sociale, justice économique

Synthèse

Nous avons essayé d’explorer les multiples dimensions du concept de don à travers une lentille sociologique. Initialement, nous avons entrepris une étude approfondie « des définitions dictionnairiques et sociolinguistiques » du don, mettant en lumière sa nature complexe et plurielle. Ensuite, nous avons examiné les motivations sous-jacentes du don, soulignant les ambiguïtés entre l'altruisme et l'égoïsme qui influencent souvent les actes de générosité. Le troisième axe explore le don comme un miroir des dynamiques de pouvoir et des inégalités sociales, révélant comment les pratiques de don peuvent refléter et perpétuer les hiérarchies existantes. Enfin, cette investigation se focalise sur l'impact du don dans « la promotion de la cohésion sociale » et de « la justice économique ».

Conclusion

L'étude du don nous a révélé une dialectique complexe entre générosité et intérêts personnels, entre solidarité et inégalités sociales. Si le don peut être un puissant instrument de cohésion sociale et de redistribution des ressources, il est également soumis aux tensions et aux contradictions inhérentes à la structure sociale. Les motivations qui sous-tendent les actes de don sont souvent façonnées par des dynamiques de pouvoir et des inégalités économiques, ceci suscite des interrogations quant à l’efficience réelle du don en tant qu'outil de justice sociale. Cependant, malgré ces défis, le don demeure un pilier fondamental de la vie sociale, capable de susciter l'empathie, de renforcer les liens communautaires et de répondre aux besoins des plus démunis. Pour maximiser son impact positif, il est essentiel d'adopter une approche critique et réfléchie du don, en tenant compte de ses implications sociales et économiques.

En résultats probants, nous pouvons reconnaître la complexité du don et en travaillant à atténuer ses inégalités inhérentes De ces deux observations, nous pouvons véritablement aspirer à une société plus juste et encore plus solidaire.

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