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Donner : cet acte devenu une ambiguïté sociale / Sous la direction de Bernard Troude / Vol.22 N.2 2024

Le don : une expérience picturale

DOI: 10.17613/8hfdv-7ap64

Radmila Urošević

magma@analisiqualitativa.com

Artiste-auteure et chercheuse. Docteure en arts plastiques et sciences de l’art, elle a réalisé sa thèse en Création-Recherche en Arts à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Membre du comité de lecture de la revue d’esthétique Couturière, elle est aussi éditrice du carnet de recherche Peintures et espaces, sujets et objets, ISSN : 3038-4451 : www.peinturespace.hypotheses.org.

 

Abstract

Cet article interroge la pratique picturale à travers la question du don. Il s’attache à mettre en relation la notion aristotélicienne de praxis (l’acte) avec celle de poïésis (production) afin de questionner le don artistique, et plus particulièrement pictural, dans ce qu’il a de transmissible et d’échangeable. En s’appuyant sur des exemples de réalisations plastiques pratiques, que j’ai pu expérimenter dans le cadre de ma recherche picturale, nous démontrons comment la praxis et la poïésis s’articulent ici, et comment le matériau pictural nous permet de penser le don avec ou sans retour de nos jours. Pour ce faire, nous mettons en perspective le don comme créateur de lien social et comme moyen de transmission dans le temps et l’espace.

 

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Whisk ferns - Fukami, Gyokuseidō, and Kanga Ishikawa. Seisen Matsuranfu : shokoku bonsai shashin. Mikawa: Gyokuseidō zōhan, 1837.

Praxis et Poïesis, une question d’échange

Dans un monde toujours plus précaire, dans la mobilité ou l’immobilité, questionner le don dans ce qu’il a de praxis (acte), et l’échange à travers la poïésis (production) picturale, nous permet d’appréhender la question du don sans retour, devenu difficile à notre époque. En effet, la praxis chez les Grecs, comme nous l’explique Aristote se distingue de la poïésis : « Production et action sont distinctes (sur leur nature nous pouvons faire confiance aux discours exotériques) ; il s’ensuit que la disposition à agir accompagnée de règle est différente de la disposition à produire accompagnée de règle. De là vient encore qu’elles ne sont pas une partie l’une de l’autre, car ni l’action n’est une production, ni la production est une action »[1] (Aristote).

Cet article s’attachera à interroger la pratique picturale, en tant que pratique du don. Don de soi, don de son travail, don de son point de vue, don de son corps au spectateur, mais également don du spectateur à l’artiste. Du don à l’échange, la peinture questionnera ici le retour ou son absence, par l’intermédiaire de la matière picturale constituant une interface entre l’artiste et le monde qui l’entoure. À partir d’expériences pratiques conduites dans le cadre de ma recherche picturale, nous viendrons mettre au jour une réflexion autour de la praxis aristotélicienne, c’est-à-dire l’acte qui a pour finalité lui-même, tel que l’acte de donner. Néanmoins, la peinture étant matière et le travail du peintre ayant une fin productrice, nous nous attacherons à questionner également la poïésis, soit la production picturale, qui elle, possède une finalité externe à elle-même et qui, par conséquent, commanderait un certain retour.

Comment le matériau pictural nous permet-il d’explorer le don, le retour et plus vastement l’échange, et comment les notions de praxis et de poïésis s’y trouvent-elles imbriquées ?

Afin de répondre à cette question, nous nous baserons sur une première expérience picturale en kit, qui interroge la peinture dans sa relation à la matérialité de l’espace, au spectateur, au corps et ainsi à l’échange. Dans un deuxième temps, nous étudierons une expérience du don direct, réalisée à la Villa Savoye au cours d’une intervention intitulée Des rouleaux dans les coins en octobre 2018. Enfin, nous nous attacherons à étudier un atelier destiné aux publics, ayant au lieu à la Villa Savoye en 2019, intitulé Dessiner et agir sur la peinture.

Le kit de peinture, une expérience de l’échange

Entre 2014 et 2015 j’ai réalisé une série de kit de peinture à partir de peinture acrylique solidifiée. Ces kits ont été distribués à différentes personnes à travers le monde, par envoi postal. Ils étaient constitués de modules de peinture acrylique ronds, de différentes tailles et non réguliers car ils ont été réalisés à main levée et de patafix pour les accrocher. De façon aléatoire donc, j’ai créé des modules de peinture destinés à constituer un kit, et à être accrochés dans l’habitat. Le kit était fourni avec un mode d’emploi, l’objectif initial étant que chaque spectateur, que j’ai nommé dans le cadre de ce projet un contributeur à l’œuvre picturale, me retourne une photo du kit accroché librement dans son habitat ou dans un lieu de séjour (comme un hôtel par exemple). Le mode d’emploi ne demandait pas de retour autre que la photographie de l’accrochage et imposait la transmission du kit à une autre personne, qui devait à son tour l’accrocher puis retourner une photographie et ainsi de suite. Le but étant de créer une chaîne créative et coopérative. Toutefois, les contributeurs n’ont pas exactement suivi les instructions. En effet : certains ont renvoyé plusieurs photographies de différents accrochages du même kit dans l’habitat, l’un a emporté le kit avec lui en voyage dans différents endroits (Londres, Paris et Tel Aviv), qui initialement lui avait été envoyé en Irlande ; d’autres me l’ont retourné après avoir participé au projet, certains l’ont bien transmis, mais la personne suivante n’a fait aucune proposition et, enfin, certains n’ont fait aucun retour ni physique ni photographique et ont perdu le kit. Le kit a été envoyé dans différentes endroits : Nice, Paris, Cork, Lisbonne, Pise, Belgrade, Ankara et Bangkok. Le kit était gratuit, mon objectif initial était non seulement de collecter le point de vue du spectateur, mais également de questionner la transmission et l’espace habitable, ainsi que la mobilité et le topos (corps et lieu) dans l’espace. À partir de cette expérience, j’ai pu transposer certains points de vue en carte, en redessinant de façon plane les modules déformés par l’espace d’accrochage, et en recréant d’autres modules pour les réaccrocher de la même manière que le contributeur dans un autre espace, cependant à partir du dessin et non de la photographie. Il s’en est suivi pour moi un cycle poïétique, c’est-à-dire productif, m’ayant amené à créer d’autres œuvres picturales. Cette peinture modulable interroge la matière dans l’espace tridimensionnel mais également le passage de l’espace porteur à l’espace bidimensionnel du plan, et ainsi, les différentes étapes de la production picturale.

 

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Figure 1 : Radmila Urošević, Territoire, Lysianne, Pise, Italie, kit jaune et noir, modules de peinture acrylique, dimensions variables, 2014.

Ce projet s’est arrêté pour des raisons économiques. En effet, si l’échange de la matière est questionné ici par l’intermédiaire du retour photographique du spectateur, sa contribution reste gratuite et la production picturale et son envoi étaient à ma charge.  Il s’est avéré que l’échec de ce projet dans sa transmission et dans la suite du cycle créatif, échec que je ne déplore pas mais que je constate, devint une façon de questionner la perte de matière dans l’espace planétaire et la dispersion de notre corps dans l’espace, mais aussi celle de l’assimilation faite de l’œuvre d’art à un objet consommable. Ainsi que l’explique Hannah Arendt à propos des dangers de la société de masse : « La culture de masse apparaît quand la société de masse se saisit des objets culturels, et son danger est que le processus vital de la société (qui, comme tout processus biologique, attire insatiablement tout ce qui est accessible dans le cycle de son métabolisme) consommera littéralement les objets culturels, les engloutira et les détruira. […] La culture concerne les objets et est un phénomène du monde ; le loisir concerne les gens et est un phénomène de vie » [2] (Hannah Arendt).

En distribuant ces modules, j’ai fait don d’une œuvre d’art et non pas d’un bien de consommation. Néanmoins, en ne répondant pas complètement à mes instructions et en perdant le kit dans l’espace, les spectateurs l’ont finalement traité comme un objet consommable et jetable, ce qui met en cause l’objet culturel en tant qu’objet conservable et traversant les âges et qui reflète notre époque postmoderne. C’est ainsi que ce projet s’est éteint, par la dispersion des modules picturaux dans l’espace et l’absence de moyens financiers pour le poursuivre.

Si la question de l’échange poétique et poïétique prend une part importante dans ce projet, il ne faut pas en négliger la question économique. Pour ces raisons, le don sans retour économique vient être mis en évidence ici, autrement dit l’absence de paiement financier pour l’œuvre d’art, tout en interrogeant son inclusion dans le schéma de l’objet consommable, qui révèle une dichotomie et un paradoxe de notre époque. En effet, si retour il y a bien dans ce projet, il s’agit d’un retour photographique numérique, et par conséquent d’un échange poétique et spatial, qui, bien que fécond pour la pensée et les idées, ainsi que pour mon inspiration artistique et philosophique, dévoile un manque de considération pour l’œuvre à l’époque contemporaine. Si les œuvres contemporaines interrogent l’œuvre et le spectateur et la peinture en tant qu’objet et sujet, l’artiste lui n’est ni rémunéré dans le processus, ni pour son exposition, et la plupart du temps vend très peu, si ce n'est pas du tout. Aussi, devient-il de plus en plus difficile de faire don de son travail pictural, c’est-à-dire de sa production, puisqu’il n’est tout simplement pas considéré en tant que travail. En incluant la pratique artistique dans le champ du loisir, l’œuvre devient ici objet de consommation, susceptible de disparaître à tout moment, ce qui résonne avec les temps éphémères que nous vivons. Questionner la poïésis dans sa relation au don ici, viendrait questionner l’absence de rémunération des artistes pour leur exposition, qui en plus d’être temporaire, ne permet bien souvent pas non plus d’aboutir à une vente d’œuvre. En France, si le droit d’exposition existe bien (il provient du monde du spectacle), il n’est pourtant pas appliqué et la rémunération prévue depuis 2019 reste assez basse (600 euros pour une exposition personnelle et 100 euros par œuvre pour une exposition collective). En outre, le droit d’exposition ne concerne que les institutions publiques et non les institutions privées comme les galeries d’art, par exemple.

En questionnant l’économie de l’œuvre d’art, et plus précisément ici de l’artiste peintre, nous interrogeons l’économie en général. Mon travail pictural est, en effet, dès les prémices le fruit d’une économie de moyens, parce qu’il ne nécessite que très peu de matériaux pour être produit : une bâche comme support de séchage, un pinceau ou une spatule et de la peinture acrylique. Il s’agit d’une peinture sans toile, sans châssis, qui fait également économie d’espace. J’ai élaboré cette méthode de travail face à l’absence d’atelier pour créer, d’espace de vie suffisant et de moyens financiers et matériels de création. Il faut rappeler ici qu’économie provient du grec Oikonomia (Οικονομία) qui signifie l’administration d’un foyer. Elle consiste en la production, la distribution ainsi que l’échange. Ici, questionner l’œuvre picturale dans sa relation à l’espace habitable du logement, c’est d’une part questionner l’objet culturel dans l’habitat, mais c’est aussi se rapprocher de la dimension économique du foyer. Donner sans aucun retour semble ainsi de plus en plus compliqué de nos jours, mais cela semble également de plus en plus requis de la part des institutions, qui sous prétexte d’exposition du travail artistique et par conséquent de « valorisation » ou de « promotion » des artistes, demandent à l’artiste de travailler gratuitement, et ainsi de produire à perte ou pourrait-on dire de travailler gratuitement au nom d’une notoriété supposée. Notoriété qui profite plus aux institutions que celles-ci soient privées ou publiques, qu’aux artistes eux-mêmes.

Ce projet à la fois de don et d’échange permet de mettre en perspective et en relation, les espaces, la matière, l’artiste et le spectateur. Ici, il est question d’échange à l’échelle nationale et internationale, mais notamment d’échange indirect. Indirect par ce qu’il passe par l’envoi postal, et le retour d’un témoignage et d’un point de vue visuel sous forme numérique, par le biais de la photographie. De cet échange de matière, de points de vue et d’espaces de manière indirecte, émerge une réflexion autour de l’œuvre picturale et sa relation à l’économie. En effet, si de tous temps les peintres ont su réutiliser la matière et la transformer, en repeignant leurs toiles par exemple, ils ont également de tous temps rencontrés des difficultés pour vivre de leur travail, sauf en cas de mécénat et de commandes officielles. Dès la démocratisation culturelle au XIXe siècle cependant, les artistes se mettent à participer à de nombreuses expositions par l’intermédiaire des premiers salons, dont l’intention est de montrer leur travail et de le soumettre à la critique, mais également de le promouvoir dans le but d’une vente. C’est ainsi que ce projet de kit picturaux, invite à repenser l’œuvre picturale en tant que marchandise, mais bien entendu en tant que marchandise non consommable.

Comment le don et l’échange interrogent-ils la période moderne et postmoderne ? Telle est la question qui pourrait être posée ici. L’échange entre le peintre et le spectateur invite à questionner l’œuvre picturale chez l’habitant lambda, qui bien souvent ne possède pas d’œuvre d’art originale chez lui. Nous vivions une époque où, ce qui est nommée démocratisation culturelle, devient, non seulement la croissance d’exposition non rémunérés pour les artistes, mais également l’achat de tableaux réalisés par la production de masse, de façon industrielle tels que ceux que l’on peut retrouver chez Ikea ou dans les magasins de décoration. Cette expérience picturale en kit, met donc en cause la postmodernité dans une dimension critique des conditions de son émergence et de son développement. Néanmoins, l’échange poétique et esthétique est également mis en cause, puisque qu’il est nécessairement dépendant de l’économie dans laquelle il évolue et est inclus. La question esthétique est ici essentielle, car pour ces kits j’ai choisi une esthétique simple, presque de format industriel, bien que le projet soit réalisé de façon artisanale. Je dis bien presque industriel, parce que les modules apparaissent lissés et standardisés de loin, mais lorsque l’on s’en approche et qu’on les manipule, on peut voir les mouvements et les traces de pinceau sur les modules, et constater qu’ils sont irréguliers. Ainsi, la technique ici tente de faire écho à la production industrielle et à son esthétique, sans en être nécessairement parte prenante. Elle questionne également le décor ou la décoration, destinée à penser l’espace afin de l’embellir et aborde la question de l’esthétique dans sa disparition. Penser la beauté de la matière et de sa transformation, ainsi que la beauté d’une œuvre d’art, paraît être une question de survie ici. Survie de la peinture en tant que matériau et matière de création de beauté, face aux outils numériques de plus en plus nombreux, mais également survie de l’artiste dans un monde où la précarité touche de plus en plus d’individus, dont les corps atomisés par l’outil numérique, viennent se disperser de plus en plus dans l’espace, introduisant ainsi un sentiment d’isolement croissant. Pour faire face à cette intrusion du numérique et de l’isolement croissant du peintre et de sa peinture, mais également dans tous les champs de la vie, le don apparaît ici comme un moyen de conserver la vocation poétique de la culture, qui est celle de transcender la vie, et de dépasser la survie. Nous étudierons pour poursuivre cette recherche, un exemple de don direct, réalisé au cours d’une intervention, à la Villa Savoye.

Des rouleaux dans les coins, un don direct à la Villa Savoye

En 2018, au cours d’une intervention à la Villa Savoye de Le Corbusier, une habitation typiquement moderne et qualifiée selon Le Corbusier lui-même de « machine à habiter », j’ai proposé une présentation de mon travail intitulée Des rouleaux dans les coins. La Villa Savoye est située au 82, rue de Villiers, en France à Poissy, dans les Yvelines. Elle a été construite entre 1928 et 1931.

Cette construction est une œuvre de l'architecte Le Corbusier, pour la famille Savoye. Charles-Édouard Jeanneret-Gris, dit Le Corbusier (1887, Suisse – 1965, France), est un architecte, urbaniste, décorateur, peintre, sculpteur et auteur suisse et français. Il est l'un des principaux représentants du mouvement moderne. Il a également travaillé dans l'urbanisme et le design. Il est connu pour être l'inventeur de « l'unité d'habitation ». Il s’agit du concept sur lequel il a commencé à travailler dans les années 1920, et qui fut l’expression d'une réflexion théorique sur le logement collectif.   Comme l’explique Sandrine Amy : « La maison, comme les standards grecs sur lesquels il fondait sa conception (le Parthénon était un idéal de perfection, un standard car universellement apprécié et reconnu) ou les objets industrialisés (autres standards), était conçue comme une ‘’machine à habiter’’ […] » [3] (Sandrine Amy).

 

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Figure 2 : Radmila Urošević, Tour dalmatienne, Anne, encre de chine sur peinture acrylique, 2018.

Cette maison bourgeoise, était destinée à la famille Savoye, qui cependant y a très peu vécu du fait de la difficulté à chauffer l’espace l’hiver. Au cours de l’Histoire, elle eut différentes fonctions, puis devient un monument à protéger. Le Corbusier y a peint les murs de différentes couleurs, et il appréciait le style épuré car il considérait que le décor n’était qu’une parade, un masque et qu’accrocher des tableaux ou décorer l’espace altérait la pureté des formes, de même que cette rationalité du standard industriel primait comme idéal. En effet : « Selon lui, la décoration des surfaces était un mensonge, un déguisement pour soi-même et pour les autres, produisant ‘’une aliénation historique et spatiale en cultivant des rêves de nostalgie face à la modernité’’ […] » [4]. Des placards métalliques y sont incrustés, et il y a une forme de rationalité industrielle s’en ressent, contrevenant par-là, à l’essence même de mon travail pictural. En effet, mon travail fait appel au sensible et à la sensibilité, de même qu’au caractère artisanal et non industriel, bien qu’il vienne questionner l’industrie culturelle, dans sa production de même que sa diffusion.

L’intervention pour le Centre des Monuments Nationaux, était une présentation de mon travail auprès des employés du CMN, au cours d’une journée où différents artistes ont également présenté leur travail. J’ai déposé des modules picturaux de ma série Rouleaux mouchetés, dans des coins de la Villa, créant ainsi un parcours allant de l’extérieur haut, le solarium, à l’extérieur bas, devant la porte de service (destinée aux domestiques) de la Villa Savoye, en passant par l’intérieur de la maison. Il s’agissait d’une forme de chasse au trésor, au cours de laquelle j’ai demandé au public de chercher les rouleaux cachés et de les ramasser. Ceux qui les trouvaient pouvaient les garder. Certains me les ont rendus, d’autres les ont conservés. L’idée ici n’était pas de reproduire le projet de kit, avec un mode d’emploi mais simplement de donner les petites peintures, initialement sans aucun retour, afin qu’elles soient dispersées mais également conservées chez l’habitant. Il s’agit de bandes de peinture acrylique blanche solidifiée, sur lesquelles j’ai dessiné des points à l’encre de chine noire, reprenant des dessins de cartes imaginaires que j’avais réalisés. Ce qui confère à ces peintures-rouleaux un caractère moucheté, d’où leur appellation. Ainsi cette expérience de la praxis du don, soit de l’acte de donner une œuvre, un morceau de mon travail au spectateur était une façon pour moi de créer du lien social, mais également de proposer un acte de don direct, de corps à corps, d’artiste à spectateur et d’espace à matière, ou de matière à espace. Comme un passage concrétisant le temps de la peinture et la mobilité des corps, dans une maison somme toute atypique et aux antipodes de mon style pictural. 

Plus tard, j’ai adressé un mail aux participants afin de demander une photographie du rouleau conservé dans l’habitat ou au travail. D’une part, par curiosité visuelle et d’autre part, afin d’interroger la limite du don sans retour et la conservation de l’œuvre. Seule une participante a répondu à l’appel et a envoyé une photo de son module, qu’elle conserve sur son bureau chez elle (figure 2). Elle l’a intitulé Tour Dalmatienne, et parfois elle l’appelle aussi Tour Cosmos, ainsi qu’elle l’écrit dans son courriel : « la ‘’Tour Dalmatienne’’, qui orne le coin gauche de mon bureau à la maison et qui me permet d’évader mon regard parfois pour un temps d’imaginaire où elle s’appelle ‘’Tour Cosmos’’ » [5]. La participante a ici renommée la peinture, et l’a photographiée en partie déroulée, à la façon d’une tour, qu’elle projette sur l’œuvre. Cette réinterprétation suscite en moi une fierté, d’une part parce que la détentrice de cette peinture a su se l’approprier, mais a pu y projeter son point de vue, son imaginaire, et le transcrire en me transmettant son image. En quelques sortes, la peinture lui a inspiré une autre œuvre, et une idée. Une autre participante, employé au Centre des Monuments Nationaux conserve le module de peinture dans son bureau professionnel sur son étagère à livres. Elle me l’a montré au cours de l’une de mes visites, néanmoins elle n’a pas souhaité retourner de photographie, ni ne l’a réinterprété. Ceci implique la notion de choix dans l’échange et de bonne volonté du spectateur, qui désire ou non s’impliquer dans l’œuvre de l’artiste à une autre échelle que celle de la conservation. Là encore, l’œuvre est morcelée et dispersée dans les espaces à différents endroits, comme autant de matière à penser et à travailler qui se perdent ou bien se transforment. L’œuvre par son intégration à l’espace familier, domestique et habitable, vient poser une fois de plus la question de l’œuvre picturale dans le logement et questionne ainsi le quotidien. Celui du peintre mais aussi du spectateur et la nécessité de l’objet culturel dans notre quotidien, de même que la nécessité de l’inutile pour penser ou plutôt « l’utilité de l’inutile », comme est intitulé le livre de Nuccio Ordine [6]. Face à cette rationalité industrielle, à ce paramètre introduit par l’industrie culturelle, à travers l’architecture mais plus encore l’outil numérique, autrement dit les espaces que nous côtoyons quotidiennement qu’ils soient physiques ou statiques, tridimensionnels ou bidimensionnels, l’inutile apparaît de plus en plus utile. La nécessité de penser l’expérience du sensible, du beau et de l’objet à contempler et à penser, face au pragmatisme rationnel et quantifiable partout, paraît aller à contre-courant de ce monde. C’est pour ces raisons que penser l’expérience du don de son travail au monde, de son imaginaire, d’un prolongement du corps de l’artiste, vient poétiser l’acte de donner. Ainsi que l’écrit Raoul Hausmann : « La peinture et la plastique ont pour but de cristalliser la réalité spirituelle, la trace de l’infini dans l’identité, la position de l’homme dans le monde des relations, dans lequel il ne sera plus naïvement égocentrique en formant le faîte de la pyramide, mais auquel, par son étendue dans toutes les directions, il sera forcé de participer » [7] (Raoul Hausmann).

Cette expérience du don, rétablit une réflexion autour de l’inclusion de l’artiste dans le monde où même sa place est interrogée, en tant que producteur de la culture de demain, mais aussi en tant que travailleur, ou selon les formules d’Hannah Arendt dans Condition de l’homme moderne, sa place en tant qu’animal social - donc politique [8] - en tant qu’homo faber (producteur) et animal laborans (travailleur) [9]. Dans un monde où la marchandise est dans tout et partout, et où toute valeur devient monnaie d’échange, sauf celle du labeur, l’expérience du don vient questionner notre condition d’habitant sur terre, et notre humanité sans cesse confrontée et mise en cause depuis la période moderne. On pourrait dire ici, que nous questionnons même la modernité poussée à son terme, dans laquelle la contemplation du beau semble être relayée à une supercherie ou à un trucage superficiel. N’est-ce pas précisément parce qu’une telle contemplation ne peut être ni paramétrée, ni quantifiée, ni monnayée, qu’elle est considérée comme inutile ?

L’interrogation autour des limites du don sans aucun retour rejoint l’interrogation autour de cette impossibilité ou bien même de cette incompatibilité et différence entre praxis et poïésis qu’Aristote distingue. Ici, ce qui est donné est une production picturale, soit le fruit du travail de l’artiste, qui à la fois cherche à établir un contact et une interaction entre son intériorité propre, sa perception du monde et l’extériorité de ce même monde qui l’entoure, mais aussi un lien avec le spectateur, qui lui, in fine, donne en retour son point de vue et sa participation.

Néanmoins, si le don direct de l’artiste établit ici une interaction de corps, c’est par le don indirect du spectateur, l’envoi de l’image de la peinture selon son interprétation, que s’établit une interaction d’esprit. Dans les deux cas, cette interaction passe par l’objet concrètement manipulable et visuel. Aussi, la poïésis est-elle interrogée par la praxis poétique ? Ce sera celle d’un acte a priori désintéressé, celui du don, qui pourtant vient questionner cette modernité dans laquelle tout semble dû mais rien n’est gratuit. Si ce n’est la main d’œuvre de l’artiste qui, quant à lui, doit trouver des stratégies pour la réalisation, la conservation de son œuvre, sa diffusion et même des nouvelles formes d’esthétiques et de création économiques, afin de dépasser sa propre survie.

À présent, nous étudierons l’expérience du don pictural à travers l’exemple d’un atelier réalisé au cours d’une exposition s’étant, également, déroulée à la Villa Savoye de Le Corbusier.

Dessiner et agir sur la peinture ou faire travailler le spectateur : un atelier du don

À l’occasion de l’exposition collective Cohabiter à la Villa Savoye [10], à Poissy, j’ai proposé un atelier au public. Cet atelier était libre et se déroulait toute la journée, c’est-à-dire sans ma supervision. Les instructions étaient indiquées sur le cartel descriptif. Il était intitulé : Dessiner et agir sur la peinture. À partir de peintures acryliques solides et rondes, aux couleurs dégradées de rouge, bleu et jaune (les couleurs du séjour de la Villa Savoye), j’ai demandé au public d’agir sur la peinture. Plus exactement, il s’agissait de se servir de ces peintures comme d’un support pour dessiner dessus, percer, découper ou encore y ajouter des éléments. Bien qu’utilisant les mêmes moyens de production mis à disposition sur la table de travail, les résultats proposés par les participants furent différents. J’invitais ainsi le spectateur à devenir acteur de l’œuvre et de se mettre à la place de l’artiste au travail, en réalisant sa propre œuvre à partir du support peinture. Les visiteurs pouvaient partir avec leurs réalisations, et symboliquement avec un morceau de couleur ou de mur de Le Corbusier. Ici, faire travailler le spectateur, c’était d’une part l’inciter à établir un contact avec la matière, peut-être pour mieux la penser, mais aussi l’amener à prendre la place de l’artiste. Toutefois, le spectateur repartait avec sa couleur, sa peinture, sa création, sans avoir à l’acheter. C’est ainsi que dans ce projet, c’est l’économie de moyen et de création qui est questionnée, de même que le processus de travail artistique et créatif. Par l’intermédiaire du don de l’œuvre fabriquée, à partir d’une matière première, par le spectateur lui-même, c’est plutôt ici le spectateur, acteur de l’œuvre qui est rémunéré en repartant avec l’objet pictural finalisé par ses soins. Le don de la peinture, servant de matière première à la création, pour laquelle l’artiste ne reçoit pas de rémunération, devient la rémunération du contributeur au travail.

 

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Figure 3 : Radmila Urošević, Dessiner et agir sur la peinture, atelier destiné au public, dans le garage de la Villa Savoye de Le Corbusier, Poissy, CMN, 2019.

Par-delà la question de la rémunération ou l’absence de rémunération de la création artistique, ce projet interroge l’importance de penser la matière première et le matériau de création de l’artiste qui, transformé par le travail de l’artiste devient œuvre d’art. Autrement dit, les moyens de cette création et sa portée. C’est par cette transformation de la matière picturale que nous créons. Le peintre peint la peinture et l’offre au monde comme autant de ses propres morceaux de vie, ou des morceaux de son propre corps dans l’espace. Cette autre expérience du don ici, vient questionner l’art en tant que travail, et l’artiste laborans, qui donne matière à voir, à toucher, à manipuler et à penser au spectateur. Spectateur qui repart avec un souvenir de la Villa Savoye et de son propre labeur, comme un souvenir d’un temps précis et encadré. La question du souvenir fait écho à celle du don, du don de soi, par son implication dans le travail pictural, et par cette personnalisation de l’œuvre promue par la période contemporaine, qui paraît être une façon de s’approprier l’œuvre artistique plus aisément. Ici, le rapport s’établissant par le don est non seulement visuel et charnel, mais aussi empathique. C’est-à-dire par l’invitation à prendre la place de l’artiste, l’atelier invite le spectateur à faire acte sur l’œuvre, autrement dit praxis sur la poïésis, ou la production picturale et ainsi, à lui aussi donner un peu de son esprit, de ses idées, et de son travail. Plus encore que d’échange par le don, ici c’est l’échange par la production directe qui est interrogé.

En invitant le spectateur à prendre la place de l’artiste, nous mettons en exergue la question de la place de l’artiste dans la société postmoderne, où celui-ci ne devient plus qu’un concepteur, la plupart du temps, ou un directeur si ce n’est dirigeant, conducteur de l’œuvre qui sera réalisée par d’autres ensuite.

Cette transformation de la fonction et de la place de l’artiste, qui à la fois en bas de l’échelle sociale donne gratuitement sont travail, et en haut de l’échelle sociale dirige des artistes techniciens ou des spectateurs appelés acteurs de l’œuvre, qui ne seront pas pris en compte comme contributeurs au travail final, questionne la relation économique qui unit l’artiste à son œuvre, et la société à deux vitesses qui s’établit dans ce contexte social. En outre, elle invite à penser la perte de contact avec la matière qui se développe entre l’artiste et son œuvre, autrement dit la perte de son savoir-faire manuel, dont il se dépossède lui-même pour ne plus se concentrer que sur le protocole, tel que dans le travail de Claude Rutault (1941-2022). Il s’agit d’un artiste contemporain français. Il se définit comme peintre, mais il ne peint pas ses œuvres lui-même, et il ne participe pas non plus à la supervision de leur production. L’essentiel de sa pratique réside dans l’écriture et dans un ensemble de règles, de mises en garde, d’instructions et de procédures appelées « définitions/méthodes » [11]. Dans le respect de ces méthodes, une galerie, un collectionneur ou une institution (qu’il nomme des « preneurs en charge ») accepte d’actualiser, selon sa propre expression une œuvre donnée. Ainsi ce qui est vendu n’est pas l’œuvre elle-même, mais le protocole à suivre pour réaliser l’œuvre qui sera ensuite détruite à la fin de chaque exposition. On remarque un grand nombre de développement de ces pratiques protocolaire à notre époque. Comme si l’artiste n’était plus l’artisan de son œuvre, mais le dirigeant, le concepteur ou le superviseur de cette dernière. Aussi, la pratique artistique et la production sont-elles remises en cause, en tant que résultat du labeur de l’artiste, notamment en peinture, puisque l’exemple de Rutault nous montre que même le peintre ne peint plus, mais qu’il fait peindre à d’autres. Néanmoins, dans le cadre du travail de Rutault, le protocole est acheté par le collectionneur ou l’institution en charge de restituer l’œuvre. Il y a par conséquent une rémunération attribuée à l’artiste superviseur.

Ainsi, mon travail pictural par l’expérience du don de mon art au spectateur vient mettre au jour les disparités sociales et économiques qui règnent au sein du monde artistique et culturel, et par là-même la condition de l’artiste, notamment du peintre qui vient être dépossédé de son caractère producteur. C’est encore l’animal laborans, et l’homo faber qui sont mis en cause ici, à travers la question du don. Toutefois, l’échange n’étant pas économique, il reste cependant ici matériel, et le retour existe bien à chaque fois, qu’il soit : par l’idée, l’image, le don de soi, ou encore la réinterprétation de l’œuvre picturale, l’artiste reçoit un retour du spectateur. Donner son œuvre d’art sans aucun retour reviendrait à se débarrasser de la question du processus inscrit dans le résultat de l’œuvre picturale, c’est-à-dire de la peinture en tant que production. En peinture particulièrement, cette question traverse les âges, et toute la difficulté est de montrer ce processus dans la réalisation picturale. C’est par l’analyse du résultat que l’on peut remonter le fil du processus et mieux comprendre la peinture. À notre époque, le processus disparaît visuellement de plus en plus, que ce soit par le biais du lissage des pratiques par des techniques industrielles, ou par l’abandon de la pratique manuelle au profit de la direction de la production de l’œuvre, dont la réalisation sera déléguée à un autre. Ce qui tend à distinguer le travail manuel du travail intellectuel, pour autant pour exprimer une idée ne nous faudrait-il pas nécessairement apprendre des techniques, comme l’écriture par exemple ?

La question du don en art n’est pas chose évidente, néanmoins tout au long de ces pages nous voyons que le don est interrogé dans sa dimension spatiale et temporelle. Qu’il s’agisse de l’espace en trois dimensions ou de celui en deux dimensions, le don s’inclut dans le domaine de l’art par la question du travail non rémunéré, mais également par la question du don de l’œuvre au monde. Si le travail de l’artiste peut être rémunéré durant son temps de vie, son œuvre doit pouvoir résister à la corruption du temps, et c’est donc un don intemporel qui est fait au monde, à travers l’œuvre picturale. Plus qu’un simple don de soi et de son corps, l’artiste donne à voir, regarder, contempler et penser sa vision du monde dans lequel il évolue, qui vient par l’objet culturel traverser les âges. Ainsi, si le don matériel du peintre se fait uniquement dans l’instant, elle remet en cause son inclusion dans le monde à une échelle spatio-temporelle, en tant qu’objet invitant à penser la vie future, par la prise en compte de l’œuvre passée. C’est à travers le don de son œuvre que le peintre peut traverser le temps, et par l’acte de donner que la question de la conservation est posée dans mes expériences picturales. Donner, nous l’avons dit, est aussi une façon de faire conserver l’œuvre par d’autres, pour des questions pratiques d’espace mais aussi d’un point de vue plus philosophique, pour des questions de transmission de l’œuvre, car si elle est conservée, c’est pour être transmise, et ainsi donnée à nouveau. En ce sens, donner ce serait traverser l’espace, mais aussi traverser le temps.

Don pictural, matière, contexte économique

Pour conclure cet article de recherche à la fois pratique et théorique, nous avons vu que l’acte de donner et le don de l’œuvre se trouvent être remis en question à notre époque. À travers l’expérience du don pictural, passant par la matière, nous questionnons à la fois l’acte et la production et leur rapport au contexte socio-économique.

Ces trois expériences artistiques, questionnent l’artiste peintre en tant que créateur, producteur et travailleur, mais également en tant qu’animal social et ainsi politique. Le peintre, comme tout individu est également membre de la société et en ce sens, il participe à la vie culturelle, sociale et économique du monde qui l’entoure et dont il est dépendant. Par son œuvre, il fait acte de don au monde afin d’y chercher ou d’y affirmer sa place. Dans ces expériences artistiques, nous explorons le don comme moyen de connexion au monde qui nous entoure, comme moyen d’échange humain mais aussi comme moyen de résistance à une vie trop paramétrée, trop furtive ou peut-être pas assez habitable. L’œuvre picturale est ici, ce qui nous permet de dépasser la simple survie, imposée par la consommation et le divertissement ou bien le loisir, et de tenter de s’inclure dans le monde en « faisant monde ».

Ainsi, la poïétique artistique et la poétique spatio-temporelle viennent être mises en évidence par l’intermédiaire de l’acte de donner. Un acte dont la finalité est la réflexion sur lui-même, dans un monde toujours plus rapide et éphémère. Une praxis qui a pour but elle-même, en traversant le temps, comme faire le bien est le but même de cette action, mais qui fait émerger les nombreuses contradictions qui se posent de nos jours. Par la poïésis et sa finalité externe à elle-même, cet article met au jour les paradoxes existants et visibles dans le milieu de l’art, dans lequel, l’acte et la production se retrouvent pris dans le fil de la question sociale.

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Notes

[1] Aristote, Éthique à Nicomaque (348-355 av. J-C), Livre VI, 2, Paris, Vrin, coll. « Bibliothèque des textes philosophiques », 2012, p-p. 298-299.

[2] Arendt, Hannah, La crise de la culture, Huit exercices de pensée politique (1961), Paris, Gallimard, coll. « Folio essais », 2013, p.260.

[3] Amy, Sandrine, Les nouvelles façades de l’architecture, Appareil [En ligne], Numéro spécial | 2008, mis en ligne le 30 juin 2008, consulté le 15 juillet 2024. URL : appareil.revues.org ; DOI : 10.4000/appareil.287, §17.

[4] Ibid., §26.

[5] Anne, employée au service médiation culturelle et lien social, département des publics du Centre des Monuments Nationaux, Hôtel de Sully, Paris. Les propos de la participante-contributrice accompagnaient son envoi photographique, en 2018.

[6] Ordine, Nuccio, L’utilité de l’inutile, Paris, Les belles lettres, 2013.

[7] Hausmann, Raoul, Présentisme, in Courrier Dada, Paris, Le Terrain Vague, 1958, p.93.

[8] H. Arendt utilise le terme social, pour remplacer le terme politkon (politique), que l’on trouve chez Aristote, car à son époque le terme social n’existait pas.

[9] Arendt, Hannah, Condition de l’homme moderne (1958), Paris, Pocket, coll. « Agora », 2013.

[10] Cohabiter à la Villa Savoye, le 7 novembre 2019, exposition collective pour restitution de résidence, Villa Savoye Poissy, CMN.

[11] Rutault, Claude, Définitions Méthodes 1973-1979, Paris, Intelligence Service Productions, 1979.

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