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Thrinakìa sesta edizione: premio internazionale di scritture autobiografiche, biografiche e poetiche, dedicate alla Sicilia / A cura di Orazio Maria Valastro / Vol.22 N.1 2024

La mésillusion

Carmelina Raia

magma@analisiqualitativa.com

Bourg Les Valence (Francia). Uno stralcio della prima opera classificata nella sezione Autobiografie della sesta edizione del premio internazionale Thrinakìa.

 

 

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Federico Vandi, Istituto I.S.I.S.S. Einaudi – Molari di Rimini - Sezione speciale L’isola Thrinakìa. AMIS Archivio della Memoria e dell’Immaginario Siciliano, Le Stelle in Tasca ODV.

À mes filles Barbara et Johanna

À mes petits-enfants Agathe, Paul et Julia

À mes petits-enfants pas encore nés

« L’écriture, c’est mon oxygène, je ne peux et je ne sais rien faire d’autre. L’écriture, c’est le rêve de l’écrivain : interdisez-lui de rêver, il meurt. » Gérard de Cortanze « Spaghetti ! »

Prologue

Avant même d’entamer ce récit, il est nécessaire de vous préciser que je suis une personne tout à fait ordinaire, mais issue d’une famille très particulière. Elle se compose d’un nombre considérable de cousins, cousines, oncles, tantes, frères et sœurs. Mon père, fort de ses quatre-vingt-six ans, en atteste la pérennité, s’évertuant à compléter scrupuleusement l’arbre généalogique affiché sur le mur de la salle à manger. Nous (ses enfants), curieux et attentionnés, nous nous appliquons à le convaincre de notre implication, en lui posant mille questions. Nous nous perdons immanquablement dans les branches tortueuses et consanguines de ce baobab mythique. Celles-ci s’entrecroisent, se confondent et s’emmêlent jusqu’aux ramifications de nos jeunes foyers recomposés. Oui, car nous, contrairement à nos aïeux, nous recomposons ! Ce qui complique d’autant plus la tâche de notre patriarche. En réalité, il capitule devant notre ignorance avérée. Et bien que nous soyons incapables de le satisfaire, il s’obstine, encore aujourd’hui, en l’an deux mille et des poussières, à poursuivre laborieusement cette mission. Il prétend nous restituer une trace indélébile de nos origines séculaires.

Ainsi donc, j’appris très jeune que ma mère avait épousé le fils du cousin de son père, en l’occurrence mon père, et celui de mes deux frères. Donc, mes deux grands-pères avaient la même grand-mère, puisque leur père et mère respectifs étaient frère et sœur. La sœur aînée de ma mère, elle, convola avec le cousin de ma grand-mère, elle récupéra donc en nom d’épouse celui de naissance de sa mère. Quant à la troisième des sœurs, elle garda le sien en prenant comme mari, le neveu de son père. Enfin, la dernière, conserva également son nom de baptême, puisqu’elle épousa le petit fils du cousin de son arrière-grand-père.

Vous me suivez ? Certainement pas. Si vous me répondiez par l’affirmative, j’en serais surprise. Pourtant, tout est véridique. Laissez-moi vous citer, pour m’amuser, un dernier petit exemple : le frère du mari de ma tante, cousin donc de ma mère, car neveu de son père (mon grand-père) épousa la fille de la sœur de ma grand-mère ; si bien que ma tante et cette cousine devenaient belles-sœurs. Incroyable, non ? J’imagine votre stupéfaction !

En définitive, pour pouvoir vous raconter ma famille, je tenterai d’aller à l’essentiel ; je la résumerai ainsi : un nombre pair se comptant sur les doigts d’une main, un carré parfait dans un cercle fermé, une histoire de femmes symbolisée par ma mère et ses trois sœurs, les fondations de ma lignée. Dès ma tendre enfance, ce parfait quatuor me berça de poésie, m’emporta dans des lieux réels ou imaginaires où le passé me fascinait bien plus violemment que le bombacaceae de mon père. Elles seules détenaient le vrai savoir et savaient captiver mon attention pour « ces temps anciens ». Elles me les relataient avec tant de magnificence, y versant tant de passion que je m’y plongeai avec délectation.

Pour décrire leur terre nourricière, elles utilisaient un même langage gorgé d’amour, de fantaisie, parfois de nostalgie. Une île, leur île, la Sicile, chaude comme un fruit mûr, embaumant l’air d’un parfum sucré. Elles me l’offraient en palabres juteuses comme des oranges, âpres comme une peau de grenade, parfois piquantes comme des figues de barbarie. Leur enfance, elles la passèrent dans un petit village de campagne à la terre aride. On y croisait des mules chargées de sacs d’amandes, traversant des ruelles poussiéreuses aux odeurs de soufre que le sirocco charriait des mines alentour. Oui, elles me baignèrent dans ce décor de couleurs dont les ocres, les terres de sienne brûlées lèchent encore mes toiles et mes pinceaux.

Ils’accrochent alors à ma vie ces lambeaux de vécus, égratignés par le temps, égrainés un à un, telles les perles d’un chapelet semées sur mon chemin.

Elles m’ont tatoué le cœur et je ne parviens toujours pas à dissocier mon présent de ce lointain passé, à me détacher de cette empreinte qui marque profondément mon corps. Je n’y peux rien. J’ai été conçue ainsi, façonnée dans le moule de mes ancêtres, sculptée dans cette terre tenace, figée comme une statue de marbre, pourtant bien vivante, afin de me souvenir que je n’existe que par elles. Leur arme est secrète et m’oblige à transcrire un parcours qui m’amène à ce que j’ai vécu, ce que je vis, ce que je suis devenue aujourd’hui.

Tout n’est, en somme, qu’une question de famille : celle qu’on s’invente, qu’on se crée, qu’on se construit, qu’on abandonne ; celle qui s’impose, qui nous a vu naître… pour en fabriquer d’autres et les détruire à leur tour. On s’agrippe à nos petites vies, le temps de quelques décennies. On s’en imprègne, puis on les délaisse sans vraiment les quitter.

À quel moment ?

À quel moment me vint cette soudaine rage d’écriture ? Je tente alors de revenir à mon « avant-maintenant » afin d’apercevoir les déclencheurs de ce besoin vital. La révélation s’immisça très tôt en réaction à des répliques telles que : « C’est comme ça et pas autrement ! ». Combien de fois avais-je entendu cette expression à laquelle je m’opposais avec ma conviction d’adolescente, en déclamant outrageusement : “C’est tellement injuste !” 

Naturellement, l’autorité parentale n’admettait aucune contestation et n’attendait aucun avis de ma part. Elle se reposait sur des valeurs inculquées depuis la nuit des temps. Louables certes. Dans mon raisonnement d’enfant, cette sentence à la lame aiguisée, me tranchait la gorge et m’inondait de larmes. Je refusais de me soumettre à ce néant, à ce gouffre d’incompréhension. J’exprimais un besoin vital de justifications. Avide de paroles, l’absence de dialogue provoquait en moi des colères sourdes. Je mimais la révolte face à ces silences imposés. Je m’essoufflais dans des soupirs et des pleurs qui ne laissaient de place qu’à la rancœur. Elle nourrissait mon intime défense. Je restais finalement muette, absente face aux peurs et aux angoisses inavouées de mes parents. Ensuite, je les maquillais en malentendus pour les transformer en suppositions virant à l’obsession.

Pourtant, même si j’en avais conclu que les questions n’impliquaient pas forcément de réponses (ou plutôt des falsifications pour les éluder), ma curiosité l’emportait face à l’offense digérée. Je réitérais insidieusement mes demandes jusqu’à épuisement. Je ne pouvais pas m’empêcher d’espérer un sésame ou un semblant de vérité.

Je procédais selon l’inspiration, la saison. En tout cas, il fallait faire preuve de beaucoup d’imagination.

En été, tous dans le même train, oncles, tantes, femmes et enfants, nous rentrions au pays. J’adorais ces départs. L’excitation qui m’avait tenaillée l’estomac tout au long des préparatifs, arrivait à son paroxysme sur le quai de la gare. Nous débarquions par dizaines, par vingtaines, sur l’esplanade du bonheur, patientant des heures interminables avant le coup de sifflet libérateur. La machine, imposante, celle qui allait nous transporter durant ce périple, se laissait faire en attendant le démarrage. Tout contenant pouvant être digéré par notre cabine s’engouffrait par les ouvertures du wagon. Fenêtres, vasistas, portes, dévoraient un nombre considérable de sacs, valises, malles et cartons bien ficelés.

Nous embarquions pour un voyage de trente-six heures qui s’éternisait en général sur quarante-huit. Ce convoi spécialement affrété pour nous (plusieurs générations d’émigrés) démarrait de là, de notre ville d’adoption, pour ne plus s’arrêter jusqu’à sa destination finale, la Sicile, soit deux mille kilomètres (1 958,3 km pour 20h16 sur internet).

En réalité, après seulement trois cent cinquante kilomètres, une première escale à Turin durant des heures (incertaines !) attisait notre impatience, car cette caravane (sorte de dérogation aux lois ferroviaires) n’était invitée à circuler que sous seule condition de ne pas perturber le trafic quotidien. Aussi, lors de ce premier intermède dans les sphères de la compagnie italienne, nos parents, gouvernés par la peur d’un démarrage imminent, nous interdisaient formellement de franchir la porte du réceptacle familial. De toute manière, l’angoisse de se voir happer par une foule inconnue nous figeait à l’orée de l’ouverture en accordéon. Seuls les hommes s’aventuraient sur l’esplanade afin d’oser quelques pas. Ils fumaient une cigarette, remplissaient une bouteille d’eau fraîche puis regagnaient les marches du wagon en attendant le signal annonciateur d’un nouveau départ. Tacatoum, tacatoum, l’instrument reprenait du service. Nous pouvions enfin nous approprier les lieux, tacatoum, tacatoum. Le séjour débutait vraiment, tacatoum, tacatoum. La nuit nous emportait.

« Talé, talé, lou mare » ! (Regarde, regarde, la mer !)

Aux premières lueurs, l’appel de l’azur mêlé aux odeurs d’embruns écarquillait nos pupilles encore embuées des insomnies de cette longue nuit. A Reggio di Calabre, nous commencions à jubiler. Nous allions enfin pouvoir quitter les amarres de notre couloir, pour atteindre le pont du bateau. Cette traversée d’un quart d’heure nous revigorait, nous courions au bar nous délecter d’une “arangina”, d’un café bien serré en admirant les côtes de notre île qui émergeaient.

À nouveau à Messine, l’imprévu nous infligeait des heures d’attente enfermées dans cette boîte mécanique. Il faut dire qu’il n’existait sur l’île qu’une seule voie de chemin de fer. Notre calvaire n’en était donc pas encore à son paroxysme puisqu’il nous fallait avaler les cinq cents kilomètres restants, au rythme d’un tchou-tchou lancinant. À présent, en le relatant, je sais que ce voyage épique nourrissait mes prédispositions artistiques. Il était si gai, coloré et sans pareil. C’est ainsi qu’au terme de ce long périple folklorique, nous pouvions entamer nos vraies vacances. Je savais que nos conversations se poursuivraient aux heures de sieste ou les soirs sur le trottoir, notre boudoir. Oui dans ces moments-là d’intimité affichée, la parole se déliait. Mes parents souvent absents, je me confiais plus facilement aux sœurs de ma mère et à ma grand-mère.

En hiver, je privilégiais les soirées au coin du feu, à la campagne les jours de pluies, dans nos maisons en pierres. Nous avions atterri dans ce hameau misérable, au nom singulier de Saint-Hilaire-Cusson-La-Valmite, au début des années soixante, parce que nos pères maçons, chargés de construire le mur du cimetière, eurent la fameuse idée d’acquérir, pour une poignée de francs, une bicoque à retaper. Nous y vivions en communauté quelques semaines dans l’année. À mille mètres d’altitude, nous nous habituâmes au brouillard et aux orages, alors que le soleil de notre île nous manquait tant. Là-bas, le recensement des habitants, plus rapide à évaluer que celui des vaches et des cochons, ne nous posa guère de problème. Les quelques paysans que nous côtoyâmes, nous scrutaient tels des Indiens d’un pays lointain. Ils ne nous approchaient guère. La cohabitation fut facile. Nous nous y adaptâmes. Cet endroit propice aux veillées, donc aux confidences, m’était complice.

Oui, nous vivions ensemble, au quotidien, toute l’année. Nous ne connaissions pas les retrouvailles. Il ne se passait pas un seul jour sans nouvelles de la communauté familiale. Elles se communiquaient soit par l’intermédiaire de nos pères qui travaillaient ensemble, soit par les allées et venues dans nos appartements contigus ; puis plus tard par le téléphone. Une sorte de consentement mutuel, non établi, indispensable, régi par nos propres lois, nous obligeait à rester en contact permanent. Évoluer seul paraissait inconcevable. Notre unité était fraternelle ,donc plurielle, multiple de deux, trois, quatre, etc. L’intimité n’était pas de mise. L’ayant compris, je proposais la moindre de mes interrogations ou de mes inquiétudes à l’assemblée. Cela provoquait irrémédiablement un raz de marée dans le cerveau de ma mère. Elle dévisageait mes tantes, évitait mon regard innocent. Ensemble, elles pouffaient de rires, se jetaient quelques clins d’œil malicieux, avant d’acquiescer à ma demande. S’il ne s’était agi que de savoir comment naissaient les bébés, j’aurais excusé la pudeur émanant de leurs propos, l’embarras que mes doutes provoquaient. De toute façon, elles persistaient à conclure le moindre sujet dans « les choux ». L’essentiel pour moi était que la magie commence. Je piaffais d’impatience. Elles possédaient cette capacité merveilleuse : l’art de conter en travestissant la vérité. Pour cela, elles employaient des expressions de leur cru qui masquaient les non-dits en un merveilleux conte de fée. Elles m’endormaient, telle la belle au fond du bois, si bien qu’au final, j’en avais oublié ma question principale. Elles me grugeaient facilement, car elles avaient instauré un code secret dans lequel je m’égarais. Par exemple, elles utilisaient des nominatifs issus de personnages représentatifs de leur entourage. Leurs défauts, leurs vices, leurs moindres manies n’échappaient pas à leur examen critique. Elles excellaient dans cette pratique coutumière. Dans leur répertoire, Cuncetta était la star. Si elles prononçaient son prénom, elles sous-entendaient que le spectre de la médisance rôdait dans les parages. Il était recommandé de parler à voix basse. Si elles nommaient Minicutsa, elles pointaient du doigt les défauts de ce personnage dans l’entêtement qui me caractérisait à cet instant précis. J’appris au fil du temps à déchiffrer ce singulier langage.

Pour l’heure, leur complicité évidente m’évinçait de leurs manigances. Mais, j’obtenais souvent ma récompense à force de lamentations. Mon harcèlement venait toujours à bout de leur résistance. Enfin, elles se lançaient dans une nouvelle aventure et je gobais leurs propos comme des paroles de vérité. Il me fallait aussi user de subterfuges pour retenir leur attention. Je m’appliquais à les séduire. Je désirais tant leur compagnie. Elles se plaisaient à me faire languir avant de dérouler leur puits de science imaginative. J’étais comblée. Les meilleurs moments étaient ceux, où sans le vouloir, elles embarquaient tout le monde à bord. Petit à petit, nous formions avec mes cousins et cousines, une couvée autour d’elles. Enfin, nous nous retrouvions dans les sphères d’univers merveilleux où évoluaient nos aïeuls. Elles prônaient leur mérite, leur courage, parfois leurs mésaventures, sûrement pas leur défaite.

Généralement, Agata choisissait le héros de nos escapades. Elle ouvrait le bal : « Pippino lu Strattu voulait faire l’américano ». Dans notre petit village perché sur les hauteurs de la campagne sicilienne, tu imagines bien qu’il était la risée de tous les habitants. Il s’était mis en tête de chanter le répertoire de Celentano dans toutes les ruelles et même sur la place principale. Chaque soir que Dieu fit, il prenait sa guitare, s’habillait de circonstance et commençait sa sérénade. Il jurait qu’un jour, un étranger le remarquerait. Et Dieu sait si tout l’été, il y en avait des étrangers ! Mah ! Des émigrés ! Comme nous aujourd’hui, venant à chaque saison de France ou d’Allemagne. Partis bergers ou paysans, ils en revenaient ouvriers ou maçons. Des imprésarios, on n’en a jamais vu « a lu pais ! » (au pays).

Maria enchaînait : « Pippino était allé à l’école jusqu’à l’élémentaire ; il savait lire et écrire, mais pas la musique. Il n’avait même pas idée qu’elle se lisait. En tout cas, il arrêta vite de fréquenter les bancs de l’école et se mit à chanter (plutôt que de travailler aux champs), jours et nuits sans relâche, et Mamma Mia ! son répertoire s’étoffa, et alors… canta ! canta ! Pippino ! (chante ! chante ! Pippino). » En harmonie, elles entonnaient des refrains de Celentano, Caruso ou Dalida : « Gigi l’amoroso, tilalala, O sole mio ». Nous reprenions tous en chœur, en dansant et riant.

- Que s’est-il passé ensuite ? Racontez-nous la suite, s’il vous plaît ! S’il vous plaît ! Daï, dimelo, zia, mama ! (allez, dites-le-moi, ma tante, maman). Je les suppliais, mais elles retournaient à leurs fourneaux. L’odeur de la sauce tomate, du basilic et du romarin nous enivrait. La faim l’emportait irrémédiablement sur la fin du récit.

Spaghetti final

Avant de terminer ce récit, il est essentiel de vous rappeler que je suis une personne tout à fait ordinaire, fille d’immigrés siciliens, née en France dans les années soixante, mariée à l’église, divorcée, mère possessive, grand-mère complice, avec des joies, des peines, des amours et des chagrins semblables à ceux des gens “normaux”, tout en ayant connu le paradis sur Terre.

Gérard de Cortanze dans son livre intitulé “Spaghetti !” prétend que : “on écrit parce qu’on a sans doute des comptes à régler avec soi-même ; parce qu’on a une faille ; qu’on éprouve une douleur bizarre qui ne vous quitte jamais ; parce que c’est complètement vital.” et il poursuit : « On passe toute sa vie à chercher la cicatrice qui est en soi, avec la certitude de ne jamais la trouver, car l’écriture s’arrêterait immédiatement si la clef donnant accès au coffre de pirates était découverte. Mais, je pourrais apporter d’autres réponses à cette récurrente, toutes aussi valables, parce que cela me rend heureux, parce que si je ne l’écrivais pas, l’histoire de ma famille resterait lettre morte, parce que j’ai la faiblesse de penser que dans cette histoire, si romanesque, des lecteurs peuvent retrouver aussi leurs propres questions… Cet héritage étrange est ma fierté et mon sel, le centre vivant de ma littérature. En parlant de mes ancêtres, je me trouve ; en en faisant des êtres de fiction, j’accomplis un devoir de mémorisation familiale qui me confère une ossature. Je suis Français d’origine italienne, comme sept millions d’autres. »

En rentrant de mon dernier séjour en Sicile, je découvris par hasard cet auteur. J’étais stupéfiée par la force des mots qu’il employait. Alors que je m’acharnais à écrire depuis maintenant plusieurs années sur mes origines et mon mal-être, lui les résumait en quelques lignes. Déjà le titre « Spaghettis » m’avait fait sourire, il me paraissait si « sauce tomate » comme je surnommais toutes mes lectures. Tous ces livres accumulés que je dévorais et dont forcément l’histoire se déroulait en Italie, de préférence dans le Sud. En réalité, j’eus un véritable coup de foudre pour l’écriture de cet auteur qui semblait avoir transcrit mes propres pensées. C’est à moi qu’il s’adressait, c’était certain.

C’est pourquoi aujourd’hui, pour terminer mon propre récit, je m’autorise et m’approprie certaines de ses citations parce qu’elles me paraissent non seulement gorgées de sensibilité, d’émotion et de vérité, mais surtout parce qu’elles parlent à mon cœur. Si je les recopie, les fais miennes, c’est parce que j’ai réalisé à la fin de ce parcours que « en faisant l’inventaire des êtres et des choses, l’écrivain appréhende d’abord sa propre réalité, part à la recherche de son identité, tente de donner une définition irréfutable de ce qu’il perçoit de l’existence » comme le dit si justement M Cortanze.

Et, donc, je souhaitais le remercier de m’avoir rassurée, confortée, encouragée dans l’idée qu’écrire était pour moi vital. Mes remerciements s’adressent aussi à tous ces auteurs qui ont donné un sens à ma vie et m’ont insufflée le courage d’écrire : Alberto Moravia, Giovanni Verga, Giuseppe Tomasi di Lampedusa … Mais encore à ces femmes auteurs qui ont osé et ont même parfois dû se battre pour imposer leur vérité. Je n’en citerai que quelques-unes pour qui j’ai tant d’admiration : Goliarda Sapienza, Natalia Ginzburg, Milena Agus, Maria Messina, Grazia Deledda, Helena Ferrante, Elsa Morante...

Enfin, je dédie ces lignes à tous les membres de ma famille – et dieu sait s’ils sont nombreux ! mais plus particulièrement à mon père mon roc, ma force, lui qui m’a transmis le virus de la généalogie ; à mes grands-pères et grands-mères qui ne sont plus là ; à ma mère pour sa grande mémoire et son amour inconditionnel ; à ma tante Agata, à ma marraine Maria, à ma tante Giovanna qui m’ont régalée de leurs récits ; à mes cousines Liliane, Louise et Antonia les complices et sœurs de ma vie ; à ma petite cousine élodie qui par sa sensibilité m’a prouvé sa confiance ; à Marie, mon ex et toujours belle-sœur, complice des grands moments, amie et meilleure correctrice ; à mon ex-mari pour m’avoir beaucoup inspiré ; à mon compagnon de tous les jours, mon instant présent, mon soutien à toute épreuve ; à mes frères parce que je les aime et enfin merci à toutes les amies qui ont accepté de me lire et me relire et à tous celles et ceux que je pourrais avoir oubliés.

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