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Thrinakìa sixième édition: prix international d'écritures autobiographiques, biographiques et poétiques dédiées à la Sicile / Sous la direction de Orazio Maria Valastro / Vol.22 N.1 2024

Calme

Francesco Di Riso

magma@analisiqualitativa.com

Neuchâtel (Svizzera). Uno stralcio della terza opera classificata nella sezione Racconti autobiografici della sesta edizione del premio internazionale Thrinakìa.

 

 

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Erica Fornaciari, Istituto I.S.I.S.S. Einaudi – Molari di Rimini - Sezione speciale L’isola Thrinakìa. AMIS Archivio della Memoria e dell’Immaginario Siciliano, Le Stelle in Tasca ODV.

Cet été à Salina, me retrouvant seul en fin de journée, au milieu de gens que je ne connaissais pas, je pris la décision d’être au moins seul avec quelqu’un que je connaissais, moi-même. Je décidai donc d’aller sur une plage plus reculée.

Tout endroit reculé est difficile d’accès sinon où en serait l’intérêt ? Pour cela il fallait passer par un sentier sinueux entouré d’oliviers.

Je marchai entre ces arbres probablement centenaires, calme ; des petites branches et feuilles craquant sous mon poids venaient compléter l’harmonie de la nature dont les autres instruments étaient le mouvement irrégulier des branches au gré du vent, le bruit lointain de la dispute entre la terre et la mer et de petits animaux qui couraient je ne sais vers où, et je ne sais vers quel but.

J’arrivai vers le théâtre à ciel ouvert qui se trouve au-dessus de la plage. Un très bel endroit, la peinture écaillée, l’usure de la scène montraient la vie de ce lieu, mais plus captivant encore, était ce qui se trouvait derrière. Le théâtre étant au bord d’une falaise, il offrait une vue incroyable sur la mer et sur l’île de Filicudi caractérisée par sa forme de femme enceinte. C’était magique, ce qui est loin fascine toujours car on ne peut le saisir, ou le voir en détail, comme les étoiles.

C’était fascinant, et après avoir fait une pause hors du temps pour regarder ce paysage hors d’atteinte, je me remis en route pour rejoindre la plage qui était désormais proche.

Pour y arriver il fallait tout d’abord descendre une longue série de marches. Pas à pas je distinguai mieux le bruit du clapotis de l’eau et la forme des pierres qui composaient la plage ; je continuai à les observer jusqu’au moment où je posai mes pieds sur les premières pierres et devins partie du décor que j’observais quelques minutes auparavant.

Sans plus attendre je me jetai à l’eau, une eau chaude comme devrait l’être chaque ventre d’une mère. Je m’éloignai petit à petit du rivage, un rivage que je connaissais, qui était tout ce que j’aimais, tout ce que je détestais, tout ce que j’étais, pour aller vers un endroit inconnu dont je n’attendais rien, dont je ne pouvais être déçu.

Je continuai de m’éloigner de la côte au même rythme que le soleil s’approchait de la mer. À cent mètres du rivage, le soleil entra dans l’eau, je m’arrêtai pour regarder ce baiser entre le père et la mère de toute vie. Le soleil descendait et comme s’il était maître de mes émotions, ma colère, mon stress, ma joie, ma tristesse descendaient aussi, pour me laisser seul avec le sentiment le plus noble qui soit, la paix intérieure.

La lumière disparaissait petit à petit, et comme le monde est bien fait, pour éviter que j’oublie le sentiment de sécurité émanant de la lumière du soleil, peu à peu les étoiles s’allumaient.

Et avec l’admiration de qui ne peut rien faire mais juste subir, j’observai ce monde qui me dépassait, un monde qui ne s’intéressait guère à moi et qui se contentait juste d’être.

Le soleil disparu, je me retrouvai dans le noir et je ne vis rien devant moi, or c’était un noir rassurant. Comme un animal qui ne se projette pas dans l’avenir, je ne me projetais pas en avant, j’étais où j’étais et si j’y étais c’est bien que c’était ma place et qu’il n’était pas nécessaire de regarder en avant pour en trouver une autre.

En dessous de moi, du noir ou un vide infini, cela revenait au même. C’était beau, c’était apaisant, la paix donnée par l’ignorance et l’insouciance. Ne rien voir me remplit de calme, du moins temporairement, je ne réfléchissais plus, car de toute façon il n’y avait rien sur quoi réfléchir, et le fait d’être dans l’eau me rendait aussi léger physiquement que mentalement ce qui m’aida à lâcher prise.

Le ciel et la mer confondaient leur couleur sombre et la ligne d’horizon était devenue abstraite. Le temps lui aussi l’était devenu, s’il s’écoulait vite ou lentement, je ne le savais pas, je savais juste qu’il s’écoulait mais sans laisser de trace.

Levant la tête vers cette nuit étoilée, je vis la Grande Ours, ma constellation préférée, et la seule que je connaisse, c’est sans doute pour cela que c’est ma préférée. Des points pas spécialement liés entre eux mais qui pour une raison faisaient sens dans tant de cerveaux humains. Et parce que toutes les belles choses ont une fin, je décidai de revenir lentement au rivage.

Et en nageant doucement, pour éviter de déranger le monde et pour éviter de me déranger moi-même, je suis retourné sur la côte. Une fois sorti de la mer et posé mes pieds sur les pierres encore chaudes, je pris mes affaires, quittai la plage et remontai les escaliers.

Une fois en haut, je me retournai une dernière fois pour voir ce havre de paix et me dit: « Qu’est-ce que j’irais faire au paradis si je peux venir ici ? ».