Collaborateur associé de l’Observatoire Processus communications, fait partie du comité éditorial de la revue M@GM@. Chercheur en neurosciences et sciences cognitives - Chercheur en sciences des fins de vie (inscrit à “Espace éthique Île-de-France” Université Paris-Sud) - Laboratoire LEM: Laboratoire d’Éthique Médicale et de Médecine légale: EA 4569 Descartes Paris V. Chercheur en sociologie compréhensive - C E A Q: Centre d’étude sur l’Actuel et le Quotidien (UFR Sciences Sociales) Descartes Paris V. Professeur en sciences de l’art (Tunisie & Maroc). Professeur en sciences du Design et Esthétique industrielle.
Abstract
L’humain n’est pas perdu à la faute : il est condamné à l’effort ininterrompu pour ne pas y succomber, pour ne pas rester dans l’erreur, pour ne pas accumuler les échecs et se rendre victorieux de ses pressentiments et de ses désirs de découvertes.
Une véritable théologie de la faute primitive s’est construite et a fait intégrer l’errance de l’humain, fermement dans son accès à la condition humaine, dont la destinée est exprimée par une macula fondatrice [1] par un occident, latin et anglo-saxon, profondément empreint et impliqué par les écrits du Moyen-âge européen dont ceux de saint Augustin. Cependant, toute personne, dans les différentes adéquations, sait avoir la prédisposition pour faire en sorte que le dire ou le faire pourra se transformer soit en erreur légitime ou, au contraire, en faute injustifiable et donc à priori en échec.
« L’idée que nous sommes en train de vivre la crise de la Pax Americana est désormais un lieu commun de l’historiographie du présent. Il serait tout à fait puéril de figer dans une image précise les ‘’nouveaux barbares’’, étant donné le sens négatif et trompeur que ce terme ‘’barbare’’ continue à avoir pour nous. » [2] (Umberto Eco).
Dans toute erreur décrite comme souhaitée en réponse, nous avons tous commencé avec perplexité sur des questions à propos d’autres originalités pour ainsi dire plus inattendues : c’est-à-dire dans les évolutions d’un concept de ‘’scène’’ qui se joue entre une personne avec ses dires faux et les personnes à qui vont s’adresser ces éléments entendus de discussions. B. Cyrulnik parle souvent de cette question : « Quelle est cette manière d’établir des rapports entre les humains ? Il faut que je comprenne ce qui se passe dans la vie.» [3]. Sur tous ces sujets-conventions, existent dès maintenant des doctrines ainsi qu’une ample littérature depuis nos antiquités grecques jusqu’à nos jours. La ligne directrice aura contourné certains obstacles en intégrant le fait social aux sciences des arts plastiques et à certaines sciences dures.
Au seuil de cet appel, l’attention a assuré une franche réussite dépassant les maîtrises les plus compliquées. Il est difficile de s’adresser à quelqu’un quand un fait douteux jette un trouble dans ce qui est expliqué ; alors, c’est là dans les textes reçus que nous allons parcourir les souches et les développements d’une erreur. Nous pouvons passer par le biais de ce que peut être une œuvre afin de comprendre ou estimer la philosophie et la psychologie de l’intervention, tandis que nous devenons un tiers avec lequel nous pouvons dialoguer.
Ce numéro monographique est donc le bienvenu avec la problématique qu’il fournit : hypothèses, il faut le signaler, offrant de larges passages de recherches qui réclament à être montrés et développés. En effet, si les opinions se sont très largement ouvertes sur les transgressions (péchés), si elles ont l’erreur, l’échec, l’erreur utilisée ou traitée (au demeurant de façon encore insuffisante) de l’appréhension de la faute et de ses conséquences – d’un point de vue médical, juridique, littéraire, moral symbolique, éthique... –, si les gens des sciences ont analysé bien des écarts et faiblesses, souvent productrices de sens et de progrès scientifiques, ces dites opinions n’ont pas été attachées en un même champ d’investigation, dans un espace de confrontation dialectique, la faute, l’erreur et l’échec faisant apparaître les vérités, véracités, réalités authentiques. Pour être caricaturale, les formes de ces charges n’en relèvent pas moins qu’un ensemble de réactions dubitatives entourent – de tout temps et en ce XXème siècle passé – les entreprises expérimentales célébrées en leurs temps par les Académies et le Collège de France et autres Institutions internationales.
Afin de reconnaître la compréhension des textes, le maximum est fait pour augmenter leur évaluation inhérente à la faveur d’une brèche de perspective en mettant en avant de « l’effet valeur » : c’est-à-dire la façon dont les auteurs (res) auront recherché leur système axiologique, évitant l’étymologie d’une langue (ici, le Français) incomprise et surannée. Chacun de tous les textes formulent des questions ‘’parentes’’ ou complémentaires ou dérivatives ayant toutes à voir avec des évolutions intimes, neurologiques, psychiques ou d’instructions spécifiques. Et, face à ces nouvelles esthétiques, sociologies et sémiotiques restent des développements à poursuivre.
« Le corps de l’homme n’est pas seulement fait de chair, d’os, de nerfs, de sang et d’eau. Il est fait aussi de questions. Combien ? Impossible de le savoir (…) Savants, experts et techniciens ont déjà maîtrisé de nombreuses questions. Il en reste beaucoup d’autres. Il en restera toujours. » [4] (Bernard Pivot).
Cette édition conseillait de ne pas tomber dans l’erreur (la première dénoncée ici) de la prolifération endémique des publications en tous genres – aidées par le numérique et Internet – par l’apport de cette analyse textuelle rigoureuse des fonctionnements en repérant par des jugements de valeur les préambules et les conclusions de chacune des formulations. Le sujet vaste a contraint, passant d’un lyrisme contemporain toujours tourné vers le ‘’contre’’ vers une formulation esthétique de la rédaction, à éviter le piège des opportunismes dont celui de la rage de ne pas concevoir les évolutions contemporaines. Finalement, il a fallu admettre que l’erreur est une notion compliquée. À la première écoute du mot « erreur », deux adjectifs liminaires seulement surviennent soit médicale, soit juridique ; sauf qu’ils ne peuvent être uniques. Il faut les complémenter avec une nouvelle idée d’errance voulue que la condition humaine contemporaine met en avant l’esclavage des productifs entretenu par les improductifs exposant cette allusion anxiogène de la dépression, passée et à venir, afin d'infliger plus de temporalité pour les travaux et pour moins de salaires. Médias et agences de cotation sont les bras armés afin de générer ce mal-être social. L’erreur commise par des spécialistes improductifs mais avares de financement devient un mensonge patronal et institutionnel, les uns et les autres pas vraiment des vrais spécialistes pour faire vivre leur société mais vivre aux dépens de celle d’autrui.
« L’histoire du mensonge ne saurait être l’histoire d’une erreur, fut-ce d’une erreur dans la constitution du vrai, dans l’histoire même de la réalité comme telle. » [5] (Jacques Derrida).
Ces territoires d'enquête sont riches de facettes et les auteurs (res) de ce numéro en définissent des lignes majeures, déclinées en ‘‘aspects pratiques et techniques’’ : on pense aux erreurs médicales et celles d’éthique, mais peut s’ajouter, selon un gradient de rétrogradation, mais productif, l’hésitation scientifique vecteur de controverse, d’erreurs, d’échecs, mais ouvrant et œuvrant vers le progrès. Je peux citer le débat sur l’erreur au cinéma de Douha Nsira ou autre aperçu ‘’fautes et erreurs de vision’’ de Raymond Guy : un domaine que les historiens de la physique et de l’art, en particulier sous la houlette enthousiaste de Aziz Noubi ont sillonné avec succès, de plus en plus, et heureusement, avec les analystes du droit et, plus récemment, avec les historiens de la littérature, les poètes et autres philosophes dans le projet de M.W Debono : « Je veux être clair dans cet énoncé et qu'il n'y ait pas d'interprétations fallacieuses à son sujet ». Tout acte poétique est comme le disait Bachelard un "engagement de l'âme". Pour authentique qu'il soit, il draine spontanément une assomption du monde dans sa globalité, appréhendant d'emblée l'univers comme un tout en y faisant figurer l'homme de l'intérieur. Le mot, le ton, la couleur, expressions se devant d'être les plus dénuées possible et s'épandant dans le poème, méritent donc en soi notre profond respect avec une ‘Lecture théologique et morale’ : il suffit de citer la première phrase de mon texte : « Imaginons ce schéma de l’erreur qui devient cet outil précieux pour une démarche compréhensive au sens weberien si nous introduisons que tout raisonnement didactique va être limité selon trois principes : dimensionnel, culturel et cognitif ». Faire valoir fort justement dans cette introduction, que l’approche de ces notions sont in essentia dans leur dénomination et en action dynamique dans l’actualisation verbale, pour reprendre un binôme aristotélicien nomen et verbum. S’est proposé tout un panel éclairant et pertinent. Côme Bommier, médecin hématologue, nous explique « Que Si la biologie va d’elle-même, la science ne va pas de soi et se confronte perpétuellement à l’irréductible question de la perspective, du point aveugle de l’observateur, de la conscience de la science (…) », les erreurs commises adviennent lors d’incompréhensions d’une profession, elle-même, et du devoir de cette profession vis-à-vis d’un public en attente de… ? Au fil des textes, Il nous faut interpréter que l’erreur – volontaire ou pas, voire un accident – démarre d’un trouble face à des dires et des non-dits, face à des comportements sociaux personnels ou en groupes, professionnels ou non. Dès l’initial naît le Verbe et du Verbe – propre de l’humain face aux animalités –s’est instituée la question d’une réalité ou irréalité soit celle du vrai ou celle du faux.
En définitive, les questions seront plus nombreuses que les réponses. En médecine ou en justice, aucune réplique recevable sinon l’adage connu : là n’est pas la question. Ce sujet très général est développé en considérant que toute existence est une incessante prise de risque, réverbération de nos vulnérabilités physiques et psychologiques. Pourtant nos collectivités technologiques paraissent ne générer que des types d’écueils inédits et des anxiétés progressives parmi les masses populaires, actuellement les plus revendicatives démontrant leurs incompréhensions, leur éloignement des lieux de décisions. Et pour ces personnes de générations antérieures rien ne va d’instinct dès que le numérique s’avère être une réponse. Kaïs Bouattour nous révèle cette situation y compris en sciences de l’Art.
Tout vient de cette communication anxiogène émise partout et en tout. Encore que de cette démarche soit apparue dans les années 1980 une sociologie du risque explorant ces intervalles de ruptures de conscience et de défiance, accès psychologiques. Une autre approche sociologique permet d’enrichir la recherche en nous intéressant aux manœuvres de détresses distinctives et à leurs acceptions. En nous appuyant sur l’examen d’abondants comparateurs concrets, ces textes nous font dresser un tableau des recherches menées et des savoirs constitués ces derniers temps autour de la notion d’erreur ; notion qui est à nos questions une réponse anthropologique autant qu’artistique, religieuse, politique, économique, juridique ou encore éthique en chacun des secteurs nommés. L’Art de l’erreur, pour la forme de ses manifestations, dépend des états psychologiques de la société : il suit nécessairement et sans pouvoir s’y soustraire les impulsions qu’il reçoit de celle-ci. Là où la vie est désorientée facilement, ce qui peut être considéré comme un art de la parole en premier puis de l’acte actif prend toujours des développements théâtreux considérables.
Un avis important qui n’est pas expliqué aux enfants et à l’éducation de certains adultes : cette démonstration faite – sans erreur – que le cerveau apprend des erreurs, celles-ci assimilées dès le plus jeune âge mais pose le problème parental de savoir gérer et positiver les imperfections. Ce mot ‘’imperfection’’ doit être intégré et saisi, déchiffré. Le texte de Clara Surel signale que même en ‘’éducation’’ et en ‘’droit courant’’ la société parentale et celle éducative mettent une pression d’absolu. Sachons reconnaître que la clémence n’existe pas devant l’erreur dans une société qui se réclame d’être stimulante, gagnante, exhaustive, l’écrit de Omar Taktak nous dit que cela débute avec le jeu. Partir de cette réflexion, cette recherche fait pointer l’erreur de Descartes démontrée par M-W Debono « Quel est l’enjeu de l’errance dans la philosophie derridienne ? » Dans un mouvement plus général, Maria Mailat nous propose l’évolution de sa recherche sans avoir « la prétention de décortiquer les erreurs des économistes, de la justice ou des sciences, dont la médecine ». L’erreur et l’errance, le titre du propos de Aziz Noubi, sont des moments de langage suivi d’action pour le premier et l’errance ouvre la voie vers une action suivie d’une logique langagière.
Errare humanum est, certes vérité, toutefois l’important est que l’évêque Augustin d’Hippone ait ajouté « sed perservare diabolicum ». L’humain n’est pas perdu à la faute : il est condamné à l’effort ininterrompu pour ne pas y succomber, pour ne pas rester dans l’erreur, pour ne pas accumuler les échecs et se rendre victorieux de ses pressentiments et de ses désirs de découvertes. Ceci étant, les formes de pardon font également partie des arsenaux - politique (des princes) ou religieux ou les propres amis-amants-parents - où la grâce et la rémission sont des droits régaliens. Ces actes de pardon font souvent l’objet d’un traitement privilégié dans la poésie, les textes littéraires. Les Sciences dures modernes ne sont pas exclues dans ces espaces de toute erreur devenues une forme de réalité sociale.
Notes
[1] Ordinairement, tout chrétien – mais aussi tout pratiquant d’une religion monothéiste, sait aussi qu’il a reçu par son baptême, la pleine possession de son libre arbitre et de cela ayant obtenu la possibilité d’un salut. Le péché est déterminé ab origine par une faute, faute qui entraîne châtiment et même punition.
[2] Umberto Eco, La guerre du faux, (1973,1977,1983), Paris, Grasset, Le livre de Poche, 1985, p.95.
[3] Boris Cyrulnik, Je me souviens …, Paris, Odile Jacob, § L’Arrestation, 2010, p.60.
[4] Bernard Pivot, Oui, mais quelle est la question ? Paris, NIL éditions, 2012, p.131.
[5] Jacques Derrida, L’Histoire du mensonge, Prolégomènes, Paris, L’Herne, 2005, p.9.