Hervé Fischer - France et Canada
La crise planétaire en appelle à une campagne planétaire pour un art philosophique et éthique qui questionne la « normalité » politique, économique, sociale, mais aussi artistique qui nous a conduits à cette catastrophe. C'est le propos de mon manifeste pour un art actuel face à la crise. Les deux numéros spéciaux de M@GM@ sous le titre ART versus SOCIÉTÉ vont réunir une quarantaine d'artistes, historiens et sociologues de l'art, philosophes et écrivains d'une vingtaine de pays, qui s'interrogent sur l'évolution de nos rapports entre art et société dans leurs différentes cultures, mais qui convergent souvent dans leurs analyses souvent très critiques sur les mêmes causes mondiales. Les espoirs qu'ils évaluent et expriment diversement esquissent un panorama planétaire lucide. Soumission ou divergence ? L'art doit changer le monde. Ce sont les deux coups de gong qui résonnent dans cette publication en réponse à l'invitation d'Orazio Maria Valastro que je remercie vivement.
Read MoreOrazio Maria Valastro - Italie
Alors que la modernité a cru pouvoir se construire sur l’élimination de la pensée mythique et l’avènement d’une société du divertissement, dans les heures vides d’une humanité qui a sécularisé la conscience et nous limite à une vie quotidienne profane, l’écriture autobiographique apparaît comme une démarche poétique, mythobiographique, qui renoue avec la fragilité sacrée de la vie et nous donne accès à d’autres rythmes de vie et de pensée que ceux des contraintes triviales. Les fabulations du corps autobiographique nous dévoilent une humanité qui n’est pas réductible à la matérialité du monde. L’esthétique relationnelle de l’écriture autobiographique nous permet d’échapper au temps linéaire de l’histoire de vie et de recréer les relations et les liens dont nous nous étions privés, de les regénérer et de redécouvrir l’être-ensemble. C’est ce qui donne son caractère sacré à l’art autobiographique, à la création autopoïétique de soi, pour redevenir des êtres conscients, et métamorphoser la vie en œuvre d’art. Nous nous convertissons ainsi à la vérité de la vie. L’incertitude de notre conscience, notre sentiment du provisoire se muent en une création esthétique qui transcende notre expérience personnelle en inscrivant la vie dans le mouvement de l’écriture.
Read MoreRafael Acosta - Cuba
Ce texte analyse les différentes articulations, négations, inter-influences, significations et variations possibles de la relation entre l'art et la société. L'art dit contemporain s'est appauvri en délaissant les débats idéologico-esthétiques d'antan. Le marché l'a transformé en un simple produit financier et a conduit à une « esthétisation de la réalité » qui ruine ses fondements culturels et spirituels. Examinant l’influence du contexte sociétal et ses évolutions, l’auteur montre que la perte de sens généralisée de l'art actuel a entraîné aussi sa perte de force expressive. Or s’il perd son sens, le monde iconographique devient inutile et ne sert plus que des intérêts mesquins ou simplement utilitaires comme la publicité commerciale. Malgré le tableau profondément critique que l'auteur expose ici, il voit encore une lueur d'espoir qui pourra nous venir des artistes authentiques et de quelques penseurs qui gardent une conception optimiste du monde des images et croient encore dans la puissance idéologique de l'art.
Read MoreCarlos Altamirano - Chili
Ce texte expose ma relation avec l'art pendant la période qui va des années 1970 au Chili jusqu'à aujourd'hui. En ce sens, il constitue un exercice de mémoire sur les réflexions et les formes que mon travail a adoptées dans le cadre des conditions successives de vie que j'ai rencontrées à chaque instant et qui ne m'ont pas été indifférentes. Mon travail ne surgit pas d'un espace lointain et caché, mais de chemins partagés avec d'autres qui vivent et travaillent dans le contexte spécifique de cette histoire et de ce territoire. Je construis à partir de ce que je suis, là où je suis, qui se souvient de ce qu'il a vu et dit ce qu'il voit.
Read MoreJulien Blaine - France
Après avoir mis fin en 2005 à son activité performatrice, Julien Blaine a décidé en 2020 de mettre fin aussi à son activité d’artiste visuel et de se débarrasser de toute la production qu’il a accumulée pendant sa vie en organisant à la Friche de Marseille ce qu’il a intitulé ironiquement Le Grand Dépotoir. Il y a rassemblé et accroché toutes ses œuvres visuelles et chacun y a été invité à venir y choisir une œuvre à emporter gratuitement. La radicalité d’un tel geste et de son intitulé provocateur, qui frise avec l’autodérision de l’artiste, le mépris du sacro-saint marché de l’art et la négation du fétichisme de l’œuvre d’art, totalement inédit dans l’histoire de l’art, n’a pas manqué de surprendre et d’être salué internationalement. Julien Blaine en raconte ici le déroulé, qui a commencé de façon inattendue et rocambolesque avec la soudaine interdiction gouvernementale de tout rassemblement en raison de la pandémie de la Covid 19 et de l’instauration de la distanciation sociale et du confinement obligatoire, ajoutant du piquant à l’événement.
Read MoreRoger D'Hondt - Belgique
L’État Providence à court d’argent, peu disposé à subir les démarches trop critiques des pratiques artistiques, trouve de plus en plus une alternative dans le financement privé bientôt érigé en politique néolibérale de la culture qui semble avoir fait merveille aux États-Unis et qui prend volontiers le relais. Car il y trouve son compte dans un mécénat intéressé à faire valoir sa légitimité et à écarter les troublions. Mais l’art ainsi domestiqué, sans débat public, ou sans subsides publics, est comme une tragédie où l’artiste finit par ne pas quitter son atelier ou disparaît dans la foule. L’art menace alors de se retrouver dans un état comateux.
Read MoreMarie-Laure Desjardins - France
Dans son texte, l'auteur décrit comment l’art est entré dans sa vie de journaliste et comment il a élargi le périmètre de ses engagements. Elle dresse un constat sur son métier dans le monde de l’art et prend position pour une information indépendante dont l’action prioritaire est la transmission de la parole des artistes.
Read MorePhilippe Fertray - France
Le voyage fut ma première école. Je suis parti du dessin et de la peinture pour me construire une place dans le monde. L’écriture puis l’imagerie numérique sont venus ajouter quelques compétences à mes velléités de refaire le monde en mieux. Mon peu de fortune dans la société marchande et mes tendances à l’humour m’ont mené sur des scènes de théâtres où je moque désormais les agitations compulsives humaines. L’art c’est une qualité de regard que l’on veut bien porter sur le monde au service d’une quête humaniste et pacifiste. Dans cette mesure, le théâtre est un art total nourri de toutes les autres disciplines artistiques. Il n’autorise aucune tricherie. Il suppose le courage physique de se présenter aux autres tel qu’en soi-même. L’humour, quant à lui, est un moteur auxiliaire, un retour à l’enfance, une posture légère face à la lourdeur des trivialités humaines. L’humoriste est souvent un grain de sable dans la pensés dominante. Il marche sans bâton tel l’imbécile (in becilus). Il traverse le monde en chantant des chansons.
Read MoreJean-Pierre Giovanelli - France
L’époque de bouleversements que nous vivons depuis l’accélération des phénomènes de communication immédiate, de la technologie du tout numérique et du maillage multimédia des réseaux sociaux nous oblige à repenser complètement les idées auxquelles nous sommes attachés dans tous les domaines et notamment dans notre pratique artistique. Cette mutation est une révolution et le drame culturel se joue à notre insu. Jamais notre pensée n’a été soumise à une telle dépression. Effet subliminal : la technoscience numérique va permettre d’accéder par effraction à la pensée de l’autre, de la modifier à loisir pour le meilleur et aussi pour le pire, reposant en termes inédits la question majeure du rapport des artistes à la société.
Read MoreRaymond Guy - Canada
Ce texte analyse la géométrisation des structures sociales telle que l’a conçue l’artiste et philosophe Zanis Waldheims (1909-1993). Motivé par les bouleversements de sa vie suite aux tumultes politiques survenus dans son pays d’origine, la Lettonie, immigré en 1952 à Montréal (Canada), il a questionné le rapport entre l’individu et la société qu’il appelle « l’Institut » (les instances institutionnelles de la société). Il a consacré quarante ans de sa vie à créer 651 œuvres d’art géométrique, une cinquantaine de sculptures, une multitude de figures, d’esquisses et de textes qui expriment sa quête de sécurité et de paix. Waldheims croyait que la géométrisation permet une pensée plus libre et plus objective, donc plus humaniste et plus universelle de l’individu face aux forces institutionnelles qui brouillent la compréhension du « moi » par rapport à « autrui », en libérant l’esprit de la pensée linéaire et des manipulations verbales partisanes. La présente étude s’appuie sur l’analyse des œuvres et des textes de Zanis Waldheims conservés par Yves Jeanson, collaborateur et ami qui a côtoyé l’artiste pendant 19 ans.
Read MoreJean-Marc Huitorel - France
Où l’on traitera de deux domaines en apparence fort éloignés… Où il sera question de quelques points historiques, d’une modernité commune à partir de 1860. Où il faudra cependant se méfier des analogies faciles. Où l’on verra pourtant combien le sport est un formidable pourvoyeur de forme(s). Où l’on montrera qu’au-delà des objets, le sport inspire des attitudes, des agencements et toutes sortes d’œuvres dont le médium n’est pas le plus important. Où l’on remarquera cependant de nouvelles formes de rapport au réel, dans un paysage artistique aux frontières de plus en plus floues et qu’il convient cependant de toujours tracer avec un maximum de précision. Où l’on défendra une conception de l’art fondée sur sa dimension anthropologique et sur sa fonction de représentation, sur son engagement. Où il sera question aussi de jeu et de combat dans un contexte social saturé de rencontres et d’affrontements.
Read MoreUrs Jeaggi - Suisse et Allemagne
Graciela Schmilchuck - Mexique
Ces propos sont extraits d’échanges verbaux en français entre Graciela Schmilchuck et Urs Jaeggi tenus en juin 2020 à Berlin, et de textes publiés de Jaeggi, traduits de l’espagnol et de l’allemand et entrelacés par Hervé Fischer, (Arte por todos lados y proyectos, Facultad Universidad autónoma del Estado de México, 2013).
Read MorePeggy Larrieu - France
Peut-on assigner une fonction éthique à la littérature sans pour autant la dénaturer, la finaliser, la réduire à l’instrumental ? On sait depuis les travaux de Ricoeur que la fiction littéraire peut être considérée comme un « laboratoire du jugement moral » et qu’il existe des liens entre le narratif et le prescriptif. Non seulement le prescriptif est nécessairement formulé sur le mode du narratif, mais le narratif est en tant que tel porteur d’exigences éthiques. Cette approche de la littérature, impliquant le lecteur dans des conflits de valeurs et de normes et lui offrant un enseignement par expérience imaginative, est défendue par certains philosophes comme Martha Nussbaum, dont les travaux trouvent actuellement un écho important dans les études juridiques. Cela étant, peut-on considérer la littérature en elle-même comme une entreprise fondamentalement éthique ? La question doit demeurer ouverte si l’on veut éviter de faire de la littérature un catalogue de prescriptions. Son rôle n’est pas de prescrire une certaine morale. Car elle est justement un moyen pour exprimer la complexité qui caractérise la vie éthique.
Read MoreZsuzsa László - Hongrie
Artpool prend en compte le contexte social dans lequel elle opère et qu’elle doit réinterpréter perpétuellement comme un système holarchique. Un système sans hiérarchies traditionnelles, qui peut continuer à relier Artpool au monde entier aussi bien qu’à son environnement social local, comme elle le fait depuis 1982, mais de manière encore plus radicale, par des réseaux de communication de plus en plus nombreux.
Read MoreGiovanni Lista - France
Le futurisme, en tant que mouvement fondateur des avant-gardes historiques préconisant l’« art-action » fait de l’artiste un être à part entière, un militant engagé pour l’avènement d’un monde nouveau, un activiste pragmatique qui se trouve continuellement au centre d’une dialectique d’échanges entre la société et la culture, contre la vieille figure romantique de l’artiste enfermé dans son aristocratique isolement.
Read MoreClemente Padin - Uruguay
On a pensé pour diverses raisons que l’art nous permet de lutter pour défendre nos droits en raison de son caractère soi-disant subversif contre la nature arbitraire du pouvoir. Cependant, l’art est aussi innocent qu’une brique, qui permet aussi bien de construire une maison, que de casser la tête de quelqu’un. Cela a tenu au fait que le système socio-économique a réussi à transformer l’artiste, le producteur d’art, en « chien de compagnie » des puissants de ce monde. Personne ne penserait à mordre la main de celui qui le nourrit. La pandémie de la Covid-19 n’a fait qu’aggraver la situation, avec ses pertes d’emplois et d’investissements, et pire encore, l’attitude de nombreux potentats qui tournent le dos aux demandes du peuple, insensibles à la douleur et à l’oppression de leurs frères.
Read MoreHervé Fischer - France et Canada
Moira Cristiá - Argentine
La RedCsur fonctionne comme un corps en mutation, une organisation de connexions et d’affections qui a cherché à articuler sa position géopolitique dans un champ d’horizontalité. Là, les façons de faire, de penser, de désirer et de travailler ensemble peuvent se développer dans un espace d’écoute réciproque, pour celles et ceux qui ne sont plus parmi nous et pour ceux qui sont à venir, où les spectres du passé peuvent venir se loger dans le présent non synchrone que nous habitons, et nous léguer les puissances qui sommeillent et que nous cherchons à réactiver. Le Réseau est un exercice actif d’imagination politique qui organise ses forces à partir des frontières en competition : il ne construit donc pas de positions dans l’espace à partir d’antagonismes limités et fermés, mais il fait face aux différences du contingent et de l’instable, en tension dans les marges du possible. Le Réseau est l’inachevé, c’est le possible. C’est ce qui a été, ce qui peut être (et ce qui sera).
Read MoreGuy Sioui Durand - Canada
Cet essai discute du fait social total qu’est la Technologie. Elle « est désormais avec nous et en nous ». Proposant une définition de société globale anthropocène technologique capitaliste hypermoderne toxique, j’analyse les deux grands défis d’autodestruction qu’elle nous pose : l’environnement planétaire et les dénis et oublis culturels du réel. J’énonce mon parti pris pour l’art écologique, sans autre alternative, en insistant sur mon ancrage éthique et esthétique, la résurgence de la vision du monde et des luttes militantes de celles et ceux que j’appelle les Chasseurs / Chamanes / Guerriers de l’art autochtone, tant en contextes réels que comme réalités virtuelles.
Read MoreAlain Snyers - France
L’artiste à travers sa pratique de l’art qui agit dans l’espace social occupe ainsi de ce fait une position d’abord d’observateur puis, selon son positionnement, de critique. Cette « fonction » particulière et engagée affirme la volonté non seulement d’indépendance mais aussi et surtout celle de la liberté de création. Par le langage de la création, l’artiste est en mesure de porter un regard critique sur son environnement social et d’initier des formes artistiques liées au fonctionnement des sociétés démocratiques. Parmi la diversité des pratiques artistiques possibles, l’intervention urbaine, manœuvre ou performance, peut se lire et se comprendre comme l’expression de quelques fondamentaux de l’idéal démocratique. Le développement de ces pratiques éphémères au moment notamment de la Guerre froide au cours des années 70, illustre les liens entre expression artistique et aspirations démocratiques. Les fondements de ces multiples démarches et expérimentations, au-delà de leurs formes et esthétiques, demeurent toujours d’actualité, ce qui les définit comme un genre artistique véritablement transversal.
Read MoreDenys Tremblay - Canada
Nous sommes dans le « siècle des lumières périphériques ». Femmes, autochtones, noirs, régions, sexualités alternatives, et tous ceux vivant en périphérie des dominateurs du statu quo, revendiquent leur juste place au soleil. Les artistes n’échappent pas à ce « périphérisme obligé » car le système de l’art d’aujourd’hui n’est là que pour donner un « supplément d’âme » aux riches et à la finance. L’artiste s’appuie sur l’évolution de certaines pratiques environnementales en art, dont la sienne, pour découvrir de nouvelles éthiques de la mise en forme dans la singularité collective. Le travail des novateurs sera dorénavant de tenter d’hybrider le réel et l’art afin qu’ils « s’augmentent » et qu’ils se réparent mutuellement en mouvements simultanés. L’auteur anticipe « une vision périphérique structurée de l’art », une « roivolution » permettant d’éviter le transfert d’une oppression par une autre censée la corriger. Plus, il propose une déclaration des devoirs des artistes périphériques.
Read MoreHoracio Zabala - Argentine
L’auteur interprète l’influence du ready-made de Marcel Duchamp sur l’art contemporain, aujourd’hui fondé sur le principe « tout se vaut » et « tout est art ». Affirmer l’absence de critères artistiques empêche la compréhension des différences, tend à ignorer et à dissoudre la perception critique de la culture, et en particulier à banaliser l’expérience esthétique des œuvres d’art. Aujourd’hui, tout doit être visible, négociable et communicable. Mais, notre propre conscience nous dit que c’est le moins visible, le plus négligé, qui demeure le plus durable et le plus imprévisible. Si l’art n’apporte pas des alternatives incontournables à l’abus de pouvoir des médias de masse, ce sont ceux-ci qui vont prendre sa place et disqualifier les questions que pose l’art. Si l’art n’introduit pas des facteurs de différenciation dans les œuvres, s’il ne se soustrait pas à l’abus de pouvoir que les industries médiatiques exercent, ce sont les produits de ces industries qui remplaceront l’œuvre d’art et disqualifieront la réflexion sur l’art.
Read MoreHervé Fischer - France et Canada
Appel à signature.
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