Quelle mouche a donc piqué le XXIe siècle naissant ? Il y a longtemps que l’on n’avait pas vu autant de fées voltiger dans l’air du temps. Le Petit Peuple féerique n’a certes jamais vraiment déserté la littérature depuis qu’il y est entré triomphalement avec les recueils de Charles Perrault et des frères Grimm, les premières réécritures de Ludwig Tieck et les créations d’Andersen. Mais il est passé par des phases successives de dédain et d’engouement. Le merveilleux fonctionne comme un langage avec son lexique – les personnages, leurs attributs, les décors – et sa grammaire – les histoires. Ses évolutions racontent celles de son temps avec une acuité d’autant plus vive qu’elles s’inscrivent de façon naturelle dans une perspective de long terme. Les inflexions et les ruptures, les innovations comme les reprises, sont d’autant plus repérables qu’elles se détachent, pour ainsi dire, sur un fond de pratiques antécédentes. L’étude culturelle de ces phénomènes à l’époque contemporaine s’inscrit dans une approche sociohistorique, que le contexte de la mondialisation des productions de masse favorise en affranchissant pour partie de leurs contextes nationaux les œuvres plébiscitées de par le monde.
La série Kaamelott reste fidèle à l’esprit des textes médiévaux, au sens où les personnages merveilleux demeurent des figures secondaires, limitées à des rôles d’adjuvant ou d’opposant sur le chemin du héros. Toutefois, la série d’Alexandre Astier accentue l’ancrage terrestre de ces figures d’un autre monde. Même si leur apparence met en évidence leur caractère surnaturel, leurs propos et leurs comportements sont chaque fois orientés dans une perspective humaine : Kaamelott insiste sur la faillibilité – et donc, sur la part humaine – des personnages merveilleux. La série n’efface pas la magie, mais la subordonne aux enjeux terrestres, lesquels sont prioritaires dans la narration et permettent de faciliter le processus d’identification du spectateur. Si les fées sont des personnages secondaires, leur intervention apparaît toutefois comme décisive dans le parcours et le règne d’Arthur. Ainsi, Kaamelott fait le choix d’un merveilleux certes divertissant, mais avant tout orienté vers des problématiques humaines.
Avec October Daye, Seanan McGuire propose une émigration du folklore des îles britanniques vers la fantasy urbaine américaine. La présence des fées et de leurs contes dans un contexte urbain moderne (souvent américain) est même devenu extrêmement courant, en revanche, une utilisation aussi rigoureuse de folklore spécifiquement gaëlique est beaucoup plus rare. Une œuvre de fantasy atypique, et pas seulement parce qu’elle compte des protagonistes asexuels et transgenres, saluée à raison par la critique pour son univers complexe et son style envoûtant. Un livre qui nous apprend que chaque cœur est un portail, que les squelettes dansent, que « réel » est un vilain mot et que nous seuls avons le pouvoir de décider comment l’histoire se finit.
Au début des années 2000, Léa Silhol s’est imposée comme l’une des voix les plus originales de la fantasy française. Son œuvre, au style recherché, plonge dans les racines du folklore et des mythes pour mieux nous proposer une vision magnifiée de la féerie, emplie de glamour, de fureur, d’intrigues et de cruauté. La fantasysilholienne apparaît sans conteste comme une fiction mythopoétique, dont l’histoire des fées, commencée dans le passé et se perpétuant dans le présent, constitue le cœur. Ce type d’œuvre, à son meilleur, devrait conduire le lecteur à examiner l’importance de la mythologie dans son propre développement spirituel, moral et créatif.
Un lieu - et un genre – topique pour le déploiement contemporain des nouvelles fééries noires paraît sans conteste résider en poétique sérielle : le temps court de l’épisode marié au temps long de la saison, puis de la série accomplie, donne le rythme d’un épanouissement progressif et significatif, et renouvelle par là même nos attentes et notre rapport aux créatures qui s’y ébattent ; ce préambule souhaite signaler qu’à de nouveaux avatars d’archétypes anciens, ici féériques, il convient d’associer des formes de consommation culturelle et/ou formulaire elles aussi émergentes et différemment « énergiques ».
Les trois contes retenus pour cette étude délaissent cette vision passive de la femme et proposent une analyse des nouveaux rapports de force masculin-féminin. Il faudra donc se demander par quels moyens les guerres contre les dominations sexuées (ici masculines et symbolisées par le loup-barbu dans La Petite à la Burqa rouge, par Barbe-Bleue dans le conte éponyme de Ben Jelloun, et par l’interdiction d’étudier aux femmes dans Cendrillon ou le Petit Gant de soie) se mettent en place. D’une part, on constate que les héros masculins perdent virilité et omnipotence ; d’autre part, on note un effroi grandissant face au potentiel effacement des frontières du genre ; enfin, on relève la métamorphose d’héroïnes dans l’expectative d’une délivrance conférée par un personnage masculin en femmes indépendantes se délivrant par l’éducation.
Dans le recueilintitulé "Rags and Bones: New Twists on Timeless Tales", chaque auteur choisissait un conte qui l’avait particulièrement touché (soit inspiré, émerveillé ou profondément agacé), le désossait et le reconstruisait à l’attention des jeunes lecteurs actuels. Ainsi, réécrit d’un point de vue contemporain, chacun des contes du recueil se propose, tout en rendant hommage aux textes sources, de soulever un débat particulier. Nous axerons le nôtre autour du destin des personnages féminins.
Alice’s Adventures in Wonderland fait l’objet d’adaptations cinématographiques dès les débuts du cinéma. De nombreuses analyses soulèvent, et ce dès les années 1990, le lien tacite entre les films de Tim Burton et les aventures d’Alice. Que ce soient les personnages, les univers ou encore l’absurdité des situations, il semblait évident que le cinéaste en viendrait un jour à filmer sa vision des écrits de Lewis Carroll, comme l’aboutissement d’une idée qui serait en germe depuis toujours. Le réalisateur rendant hommage aux premières illustrations mais aussi aux différentes adaptations d’Alice au cinéma, effectue une synthèse visuelle et narrative de l’ensemble de ces œuvres comme si son Alice in Wonderland devait être une transposition-somme.
L’étude comparée de l’exploitation de la figure féerique dans Murkmere et Ambergate de Patricia Elliott tisse donc un lien entre la merveille et le sublime. Cette exploitation semble en effet tendre vers un processus d’amplification et de matérialisation de l’objet-merveille et de l’espace-temps altéré, amplification et matérialisation qui participent à la double réception propre au sublime.
Si aujourd’hui peu nombreux sont ceux qui osent croire en la féerie, il semblerait que l’émergence de la fantasy au XIXe siècle et son développement au cours du XXe ont fait renaître le Petit Peuple et les récits contant ses histoires à travers des formes et des problématiques nouvelles. Il s’agit alors de se questionner sur la réappropriation féerique par les littératures de l’imaginaire, en montrant que les romans et les bandes dessinées concernés dépeignent parfois des paysages apocalyptiques ainsi qu’un bestiaire féerique en voie de disparition, et dénoncent par ce biais le désenchantement de notre société qui ne voit ou n’entretient plus les merveilles de la nature sauvage qui l’entoure. La réactualisation du thème de la disparition des Fées, dans une société de plus en plus angoissée par la pollution, semble alors s’accompagner de préoccupations écologiques fondées sur la nostalgie des espaces naturels et des croyances traditionnelles, soulignant ainsi le caractère ambigu de l’imaginaire féerique qui évoque sa disparition au moment-même où il est l’objet d’un important phénomène de mode…
Nous voulons rester curieux, étonnés, provoqués, mystifiés et édifiés. Nous voulons regarder avec intensité, observer, être bouche bée, contempler et fixer notre attention. Nous voulons que l’on nous donne l’occasion de changer et, au bout du compte nous voulons que l’on nous raconte que l’on peut devenir des rois et des reines, ou les seigneurs de notre propre destinée. Nous nous souvenons d’histoires merveilleuses et de contes de fées qui nous permettent de préserver en nous la vitalité du sens de l’étonnement et du merveilleux et de nourrir notre espoir dans la possibilité qui nous est donnée de prendre en main des opportunités de nous transformer nous-mêmes ainsi que les mondes dans lesquels nous évoluons.
Once Upon a Time, de ce point de vue, est inséparable du libre traitement des contes de Grimm dans Tangled ou Frozen, aussi bien que d’un prequel comme Maleficient, d’une variation comme le Cinderella de Kenneth Branagh ou de parodies enjouées comme Into the Woods ou Descendants Ce que l’on voit à l’œuvre dans ces films, c’est l’affirmation que la clé de l’avenir est dans le bagage intellectuel transmis par la firme à la jeunesse, car c’est là que gisent les idéaux capables de réensemencer le progrès. Ainsi la multinationale retourne-t-elle contre la légion de ses détracteurs les procès en aliénation qui lui ont été faits depuis plus d’un demi siècle. Ce dont souffre notre époque, aux yeux des enchanteurs de Burbank, c’est avant tout d’une grave crise de foi dans les ressources du patrimoine imaginaire dont la jeunesse est la gardienne. Le merveilleux, dans cette logique, n’est pas un leurre propice au divertissement, mais un précieux gisement de vérités et de valeurs dont l’exploitation par une génération émancipée des idéologies peut seule permettre de sortir du cercle vicieux de la postmodernité.
Christian Chelebourg
Quelle mouche a donc piqué le XXIe siècle naissant ? Il y a longtemps que l’on n’avait pas vu autant de fées voltiger dans l’air du temps. Le Petit Peuple féerique n’a certes jamais vraiment déserté la littérature depuis qu’il y est entré triomphalement avec les recueils de Charles Perrault et des frères Grimm, les premières réécritures de Ludwig Tieck et les créations d’Andersen. Mais il est passé par des phases successives de dédain et d’engouement. Le merveilleux fonctionne comme un langage avec son lexique – les personnages, leurs attributs, les décors – et sa grammaire – les histoires. Ses évolutions racontent celles de son temps avec une acuité d’autant plus vive qu’elles s’inscrivent de façon naturelle dans une perspective de long terme. Les inflexions et les ruptures, les innovations comme les reprises, sont d’autant plus repérables qu’elles se détachent, pour ainsi dire, sur un fond de pratiques antécédentes. L’étude culturelle de ces phénomènes à l’époque contemporaine s’inscrit dans une approche sociohistorique, que le contexte de la mondialisation des productions de masse favorise en affranchissant pour partie de leurs contextes nationaux les œuvres plébiscitées de par le monde.
Justine Breton
La série Kaamelott reste fidèle à l’esprit des textes médiévaux, au sens où les personnages merveilleux demeurent des figures secondaires, limitées à des rôles d’adjuvant ou d’opposant sur le chemin du héros. Toutefois, la série d’Alexandre Astier accentue l’ancrage terrestre de ces figures d’un autre monde. Même si leur apparence met en évidence leur caractère surnaturel, leurs propos et leurs comportements sont chaque fois orientés dans une perspective humaine : Kaamelott insiste sur la faillibilité – et donc, sur la part humaine – des personnages merveilleux. La série n’efface pas la magie, mais la subordonne aux enjeux terrestres, lesquels sont prioritaires dans la narration et permettent de faciliter le processus d’identification du spectateur. Si les fées sont des personnages secondaires, leur intervention apparaît toutefois comme décisive dans le parcours et le règne d’Arthur. Ainsi, Kaamelott fait le choix d’un merveilleux certes divertissant, mais avant tout orienté vers des problématiques humaines.
Caroline Duvezin-Caubet
Avec October Daye, Seanan McGuire propose une émigration du folklore des îles britanniques vers la fantasy urbaine américaine. La présence des fées et de leurs contes dans un contexte urbain moderne (souvent américain) est même devenu extrêmement courant, en revanche, une utilisation aussi rigoureuse de folklore spécifiquement gaëlique est beaucoup plus rare. Une œuvre de fantasy atypique, et pas seulement parce qu’elle compte des protagonistes asexuels et transgenres, saluée à raison par la critique pour son univers complexe et son style envoûtant. Un livre qui nous apprend que chaque cœur est un portail, que les squelettes dansent, que « réel » est un vilain mot et que nous seuls avons le pouvoir de décider comment l’histoire se finit.
Viviane Bergue
Au début des années 2000, Léa Silhol s’est imposée comme l’une des voix les plus originales de la fantasy française. Son œuvre, au style recherché, plonge dans les racines du folklore et des mythes pour mieux nous proposer une vision magnifiée de la féerie, emplie de glamour, de fureur, d’intrigues et de cruauté. La fantasysilholienne apparaît sans conteste comme une fiction mythopoétique, dont l’histoire des fées, commencée dans le passé et se perpétuant dans le présent, constitue le cœur. Ce type d’œuvre, à son meilleur, devrait conduire le lecteur à examiner l’importance de la mythologie dans son propre développement spirituel, moral et créatif.
Isabelle-Rachel Casta
Un lieu - et un genre – topique pour le déploiement contemporain des nouvelles fééries noires paraît sans conteste résider en poétique sérielle : le temps court de l’épisode marié au temps long de la saison, puis de la série accomplie, donne le rythme d’un épanouissement progressif et significatif, et renouvelle par là même nos attentes et notre rapport aux créatures qui s’y ébattent ; ce préambule souhaite signaler qu’à de nouveaux avatars d’archétypes anciens, ici féériques, il convient d’associer des formes de consommation culturelle et/ou formulaire elles aussi émergentes et différemment « énergiques ».
Hermeline Pernoud
Les trois contes retenus pour cette étude délaissent cette vision passive de la femme et proposent une analyse des nouveaux rapports de force masculin-féminin. Il faudra donc se demander par quels moyens les guerres contre les dominations sexuées (ici masculines et symbolisées par le loup-barbu dans La Petite à la Burqa rouge, par Barbe-Bleue dans le conte éponyme de Ben Jelloun, et par l’interdiction d’étudier aux femmes dans Cendrillon ou le Petit Gant de soie) se mettent en place. D’une part, on constate que les héros masculins perdent virilité et omnipotence ; d’autre part, on note un effroi grandissant face au potentiel effacement des frontières du genre ; enfin, on relève la métamorphose d’héroïnes dans l’expectative d’une délivrance conférée par un personnage masculin en femmes indépendantes se délivrant par l’éducation.
Stéphanie Schneider
Dans le recueilintitulé "Rags and Bones: New Twists on Timeless Tales", chaque auteur choisissait un conte qui l’avait particulièrement touché (soit inspiré, émerveillé ou profondément agacé), le désossait et le reconstruisait à l’attention des jeunes lecteurs actuels. Ainsi, réécrit d’un point de vue contemporain, chacun des contes du recueil se propose, tout en rendant hommage aux textes sources, de soulever un débat particulier. Nous axerons le nôtre autour du destin des personnages féminins.
Florence Cheron
Alice’s Adventures in Wonderland fait l’objet d’adaptations cinématographiques dès les débuts du cinéma. De nombreuses analyses soulèvent, et ce dès les années 1990, le lien tacite entre les films de Tim Burton et les aventures d’Alice. Que ce soient les personnages, les univers ou encore l’absurdité des situations, il semblait évident que le cinéaste en viendrait un jour à filmer sa vision des écrits de Lewis Carroll, comme l’aboutissement d’une idée qui serait en germe depuis toujours. Le réalisateur rendant hommage aux premières illustrations mais aussi aux différentes adaptations d’Alice au cinéma, effectue une synthèse visuelle et narrative de l’ensemble de ces œuvres comme si son Alice in Wonderland devait être une transposition-somme.
Anne-Lise Bégué
L’étude comparée de l’exploitation de la figure féerique dans Murkmere et Ambergate de Patricia Elliott tisse donc un lien entre la merveille et le sublime. Cette exploitation semble en effet tendre vers un processus d’amplification et de matérialisation de l’objet-merveille et de l’espace-temps altéré, amplification et matérialisation qui participent à la double réception propre au sublime.
Noémie Budin
Si aujourd’hui peu nombreux sont ceux qui osent croire en la féerie, il semblerait que l’émergence de la fantasy au XIXe siècle et son développement au cours du XXe ont fait renaître le Petit Peuple et les récits contant ses histoires à travers des formes et des problématiques nouvelles. Il s’agit alors de se questionner sur la réappropriation féerique par les littératures de l’imaginaire, en montrant que les romans et les bandes dessinées concernés dépeignent parfois des paysages apocalyptiques ainsi qu’un bestiaire féerique en voie de disparition, et dénoncent par ce biais le désenchantement de notre société qui ne voit ou n’entretient plus les merveilles de la nature sauvage qui l’entoure. La réactualisation du thème de la disparition des Fées, dans une société de plus en plus angoissée par la pollution, semble alors s’accompagner de préoccupations écologiques fondées sur la nostalgie des espaces naturels et des croyances traditionnelles, soulignant ainsi le caractère ambigu de l’imaginaire féerique qui évoque sa disparition au moment-même où il est l’objet d’un important phénomène de mode…
Thierry Jandrok
Nous voulons rester curieux, étonnés, provoqués, mystifiés et édifiés. Nous voulons regarder avec intensité, observer, être bouche bée, contempler et fixer notre attention. Nous voulons que l’on nous donne l’occasion de changer et, au bout du compte nous voulons que l’on nous raconte que l’on peut devenir des rois et des reines, ou les seigneurs de notre propre destinée. Nous nous souvenons d’histoires merveilleuses et de contes de fées qui nous permettent de préserver en nous la vitalité du sens de l’étonnement et du merveilleux et de nourrir notre espoir dans la possibilité qui nous est donnée de prendre en main des opportunités de nous transformer nous-mêmes ainsi que les mondes dans lesquels nous évoluons.
Christian Chelebourg
Once Upon a Time, de ce point de vue, est inséparable du libre traitement des contes de Grimm dans Tangled ou Frozen, aussi bien que d’un prequel comme Maleficient, d’une variation comme le Cinderella de Kenneth Branagh ou de parodies enjouées comme Into the Woods ou Descendants Ce que l’on voit à l’œuvre dans ces films, c’est l’affirmation que la clé de l’avenir est dans le bagage intellectuel transmis par la firme à la jeunesse, car c’est là que gisent les idéaux capables de réensemencer le progrès. Ainsi la multinationale retourne-t-elle contre la légion de ses détracteurs les procès en aliénation qui lui ont été faits depuis plus d’un demi siècle. Ce dont souffre notre époque, aux yeux des enchanteurs de Burbank, c’est avant tout d’une grave crise de foi dans les ressources du patrimoine imaginaire dont la jeunesse est la gardienne. Le merveilleux, dans cette logique, n’est pas un leurre propice au divertissement, mais un précieux gisement de vérités et de valeurs dont l’exploitation par une génération émancipée des idéologies peut seule permettre de sortir du cercle vicieux de la postmodernité.