Le Grand Lifting des fées : avatars postmodernes du merveilleux
Christian Chelebourg et Noémie Budin (a cura di)
M@gm@ vol.14 n.3 Settembre-Dicembre 2016
AVANT-PROPOS : AVATARS DU MERVEILLEUX (1937-2016)
Christian Chelebourg
chelebourg@gmail.com
Professeur à l’Université de Lorraine, où il dirige le laboratoire LIS (Littératures, Imaginaire, Sociétés) et la filière Études Culturelles. Spécialiste de l’imaginaire, il s’intéresse aux productions transmédiatiques à destination de la jeunesse et du grand public. Outre de nombreux articles et quelques ouvrages sur le romantisme, il est notamment l’auteur de Le Surnaturel : Poétique et écriture (2006), Les Écofictions : Mythologies de la fin du monde (2012) et Les Fictions de jeunesse (2013).
William Blake (1757-1827) - Oberon, Titania and Puck with Fairies Dancing (1786) |
Quelle mouche a donc piqué le xxie siècle naissant ? Il y a longtemps que l’on n’avait pas vu autant de fées voltiger dans l’air du temps. Le Petit Peuple féerique n’a certes jamais vraiment déserté la littérature depuis qu’il y est entré triomphalement avec les recueils de Charles Perrault et des frères Grimm, les premières réécritures de Ludwig Tieck et les créations d’Andersen. Mais il est passé par des phases successives de dédain et d’engouement. On sait qu’en France du moins, le merveilleux n’était plus guère de mode au milieu du xviiie siècle, lorsque Mme Leprince de Beaumont est venue brièvement lui donner une nouvelle jeunesse en reprenant La Belle et la Bête. À l’approche de la Révolution, le chevalier de Mayer craignait même qu’il ne disparaisse, au point de lui élever un véritable musée de papier avec les quarante-et-un volumes de son Cabinet des fées. Nos romantiques l’ont ensuite voulu “naturel” ; ils se sont évertué à le rationaliser en explorant le psychisme, à l’instar d’E.T.A Hoffmann [1]. Les enchantements se sont déplacés vers les scènes populaires, où ils ont joué dans l’ombre un rôle d’avant-garde en disqualifiant le système classique des unités [2]. Puis, au tournant du xxe siècle, l’esthétique décadente en a retrouvé les charmes pour se donner le plaisir de les pervertir [3].
Appréhender la dynamique et le sens des évolutions contemporaines de la féerie suppose d’examiner en quoi elles se distinguent du sort qui lui a été réservé dans la seconde moitié du xxe siècle. Cela passe par une approche intermédiatique, la littérature n’étant plus – loin s’en faut – le seul média de référence. Nains, sorcières et enchanteurs peuplent de nos jours tous les supports sur lesquels se racontent les histoires, et ils circulent librement de l’un à l’autre. Cela exige aussi de tenir compte de la manière dont le corpus s’est enrichi au gré de quelques succès majeurs de la littérature de jeunesse. Dans le grand atlas du merveilleux, Oz, Wonderland, Neverland ou Narnia jouxtent désormais la Forêt Enchantée. Au panthéon de l’enfance, Tinker Bell et la bonne fée de Pinocchio n’ont rien à envier aux marraines d’Aurore ou de Cendrillon. Le folklore, la tradition orale, ne sont plus des critères génériques opératoires. Jamais sans doute il n’a été plus net que le merveilleux, comme Albert Wesselski le soutenait des contes [4], est avant tout une affaire d’invention fictionnelle.
L’heure de la récré
Le renversement par lequel, au milieu des années 1930, Walt Disney relocalise dans un décor médiévo-shakespearien les contes de fées qu’il avait actualisés dans ses toutes premières productions, témoigne alors d’une volonté de retour aux sources, à la tradition, qui rejoint le ciblage du public enfantin. La poésie drolatique de Snow White and the Seven Dwarfs (1937), héritière du spectacle monté par Winthrop Ames à Broadway en 1912 et du film qu’en tira James Searle Dawley quatre ans plus tard, caractérisent néanmoins un souci de divertissement et de légèreté en rupture avec le didactisme de l’hypotexte littéraire. L’esthétique détrône l’éthique pour le plus grand plaisir de spectateurs que l’on ne cherche plus à édifier mais à ravir. Avec Peau d’âne, en 1970, Jacques Demy suivra encore une pente similaire : d’opulents costumes médiévaux, les mélodies de Michel Legrand, quelques anachronismes, des valets à la peau bleue, des chevaux à la robe rouge, tout ce qu’il faut pour flatter l’œil et l’oreille. Cette intention récréative culmine dans le burlesque et la parodie qui avaient si bien réussi à Tex Avery dans les années 40. On en trouve un excellent exemple dans les Fractured Fairy Tales, une série animée diffusée entre 1959 et 1964 dans The Rocky and Bullwinkle Show. L’esprit des cartoons, alliant dérision et loufoquerie, y troque la merveille contre le gag. L’approche distanciée participe volontiers du carnavalesque, comme lorsque le Petit Chaperon rouge, en marchande de fourrures, doit trouver pour une riche cliente une peau de loup [5] ; ou que le prince, au lieu de réveiller d’un baiser la Belle au bois dormant, fait commerce de son sommeil en l’exhibant endormie dans son château, transformé en parc d’attraction [6]. Sous les traits du prince moustachu, on reconnaît sans peine Walt Disney dont le long-métrage Sleeping Beauty était sorti en janvier 59, et qui avait ouvert en 1955 son Magic Kingdom sur le site d’Anaheim. Il est la cible privilégiée de cet humour satirique et qui se pose en antidote de ses productions [7]. Dès le milieu du siècle, les films sortis des studios de Burbank font figure de parangons d’un merveilleux au premier degré, qui les expose à toutes les formes de démarquage.
C’est à ce titre que la notoriété de dessins animés comme Snow White and the Seven Dwarfs, Cinderella et Sleeping Beauty valent à leur matière d’inaugurer la vague de parodies érotiques qui fleurissent à partir des années 1960. En 64, Loel Minardi réalise Sinderella and the Golden Bra ; en 69, les trois contes forment ensemble le fond des Grimms Märchen von lüsternen Pärchen de Rolf Thiele. Tout s’emballe par la suite et verse bientôt dans une pornographie féerique toujours bien vivace, dont les anime hentai sont même venus, entre temps, brouiller les frontières médiatiques. La bande dessinée n’est pas en reste avec, en 1972, le sulfureux Biancaneve de Renzo Barbieri et Rubino Ventura, dessiné par Leone Frollo, qui inaugure une série pour adultes bientôt publiée en France sous le titre de Contes malicieux. Dans un registre plus sage mais non moins transgressif, c’est en relatant toutes sortes de débauches et de perversions qu’Angela Carter, en 1979, passe le corpus au filtre du féminisme dans le recueil The Bloody Chamber. Barbe-Bleue est un businessman sadique (« The Bloody Chamber »), le maître du Chat Botté un séduisant libertin (« Puss-in-Boots »), le père de Blanche Neige la viole et la tue à la grande satisfaction de son épouse (« The Snow Child »), Belle se révèle en tigresse bien faite pour la Bête (« The Tiger’s Bride »), le Petit Chaperon rouge ne demande qu’à s’abandonner au Grand Méchant Loup (« The Company of Wolves »). Contre le machisme ordinaire des contes, dénoncé en son temps par Simone de Beauvoir [8], la romancière donne la vedette à des femmes libres et fortes, aux désirs affirmés. À l’aune de son public, Disney ne fait pas autre chose, en 1989, avec The Little Mermaid, qui rétablit les droits du happy end dans l’univers d’Andersen pour entonner un hymne progressiste à l’émancipation des petites filles.
Au Japon, ce sont d’autres puissantes figures féminines qui émergent au milieu des années 60, avec l’avènement du genre mahō shōjo, littéralement « fille magique », qui sera traduit à l’international par l’anglais magical girl. La première de ces enfants dotées de pouvoirs surnaturels, Mahōtsukai Sarī (« Sally la magicienne »), naît en juillet 1966 sous les crayons de Mitsuteru Yokoyama. Une jeune sorcière, appelée à régner sur le Pays Enchanté, renonce à sa couronne et s’installe sur terre pour s’y faire des amies. La magie s’invite, avec humour et tendresse, dans le quotidien d’une écolière, au service d’une morale de l’effort et de l’entraide. Dès le mois de décembre, le manga est animé pour la télévision par les studios Toei. L’analogie avec la série Bewitched, créée sur ABC en 1964, favorise alors l’exportation du programme : Sally, c’est en quelque sorte ma petite sorcière bien aimée. Si les épisodes n’obtiennent pas l’autorisation d’être diffusés aux USA, ils le sont au Canada au début des années 70, sous le titre Minifée, puis en Italie en 1982 ; ils arrivent en France en 1989, dans une nouvelle version intitulée Sally la petite sorcière. Dans le sillage du succès de Mahōtsukai Sarī, le mahō shōjo triomphe au Japon pendant une quinzaine d’années, avant de s’essouffler au début des années 80. Il faudra attendre 1992 pour qu’il revienne en force avec Sailor Moon de Naoko Takeuchi, sous une forme influencée par l’esthétique des sentai, ces groupes de superhéros en costumes de couleurs variées, que l’Occident connaît à travers les Power Rangers. Par l’entremise des magical girls, fées et bonnes sorcières ont contribué à une mutation héroïque de la féminité, qui a culminé dans le girl power, véritable alternative au féminisme, revendiquant la compatibilité des stéréotypes de genre et de l’égalité entre les sexes.
Une quête de vérité
Pour rénover le merveilleux, la fin du xxe siècle se tourne du côté de l’horreur. Le mouvement s’amorce en 1984 avec l’adaptation par Neil Jordan de The Company of the Wolves d’Angela Carter, qui a elle-même collaboré au scénario. Sous prétexte de relater le cauchemar d’une moderne lolita, le film enchaîne les visions d’épouvante. On est transporté dans un Moyen-Âge de convention, au milieu d’une forêt ensorcelée. Le thème omniprésent de la lycanthropie convoque l’héritage du cinéma fantastique et surfe sur les récents succès de Joe Dante et John Landis : The Howling et An American Werewolf in London, tous deux sortis en 1981. Tiraillée entre une grande mère superstitieuse et des parents pragmatiques, le Petit Chaperon Rouge s’éveille au désir et découvre, auprès d’un noble de rencontre, ce que voulait dire sa mère en lui confiant que « s’il y a une bête dans l’homme, elle trouve sa pareille dans la femme [9] ». La bande annonce de l’époque [10] précise la stratégie esthétique et commerciale sur laquelle repose ce type d’inspiration. Elle consiste à cultiver une ambiguïté générique – « Ceci n’est pas un conte de fées [11] », nous prévient-on – chargée de divulguer « le monde crépusculaire qui s’étend entre les pages de tous les contes de fées [12] » et d’ainsi « tuer les rêves de l’enfance [13] ». C’est aussi ce qu’indique, dans le film, le cadre enchâssant du cauchemar. La transposition horrifique fonctionne en somme sur le mode de la prétérition en faisant exactement ce qu’elle nie vouloir faire, pour mieux nous suggérer que la chose en question serait plus complexe qu’il n’y paraît. Elle instaure avec son objet une distance critique caractéristique de l’esthétique postmoderne, et concurrente en cela de la poétique de la parodie. D’une certaine manière, elle se donne pour une forme de parodie sérieuse, substituant à l’humour une démarche analytique. Surtout, elle se distingue par le ciblage exclusif d’un public mature, alors que la parodie fait rire les grands comme les petits. D’un point de vue marchand, elle se rapproche en cela de la pornographie. C’est d’ailleurs de ce côté que penche le recueil Hontō wa osoroshii Gurimi dōwa – littéralement « Les Contes de Grimm sont vraiment horribles » – publié en 1998 par Tsutsumi Sachiko et Ueda Kayoko, sous le pseudonyme de Kiryū Misao. Renchérissant sur de nombreux détournements du conte de Blanche Neige [14], par exemple, la belle aux lèvres de sang se voit croquée en nymphomane incestueuse, puisqu’elle couche avec son père avant de séduire le nains, et finit en proie d’un prince nécrophile. Disons que, dans le continuum des démarquages, l’horreur se situe entre la parodie comique et la réécriture licencieuse, ce qui lui vaut de pouvoir nourrir quelques affinités avec les deux.
L’ambiguïté générique intéresse d’autant plus l’épouvante que, par un effet de contraste entre la référence féerique et la situation horrifique, elle amplifie l’impact émotionnel de celle-ci. C’est ce qui est à l’œuvre lorsqu’en 1996, dans Pinocchio’s Revenge, Kevin Tenney glisse le personnage de Collodi dans un rôle de pantin maléfique si éculé [15] qu’il avait déjà eu plusieurs fois, en librairie comme à la télévision, les honneurs de la série Goosebumps [16] (en français Chair de poule). L’allusion littéraire, que ne renforce même pas une analogie visuelle avec les illustrations du roman ou son adaptation par Disney, ne manque pas d’apparaître gratuite. Elle ne sert qu’à dramatiser tant soit peu l’animisme convenu d’un scénario mêlant un procès pour infanticide à un cas de psychose criminelle juvénile. Elle relaie sur un plan culturel le pathos attaché aux thématiques en miroir de l’enfant tué et de l’enfant assassin.
Gotlib, lorsqu’il parodie « Le Petit Chaperon rouge » en 1972, dans « Trou de mémoire », une double planche de sa Rubrique-à-brac [17], prête à sa fameuse coccinelle quelques remarques éclairantes sur la diversité des variations auxquelles se prête la matière folklorique : « Dans le fond c’est une histoire brutale », « Dans le fond c’est une histoire pleine de bruit et de fureur », « Dans le fond c’est une histoire à rebondissements », « Dans le fond c’est une histoire triste », « Dans le fond c’est une histoire polissonne ». En martelant la révélation d’un fond polysémique, l’anaphore induit son opposition à une superficie ou à une forme, autant dire à une forme superficielle. C’est évidemment le merveilleux qui est ainsi visé, et somme toute disqualifié au profit du paradigme de l’« histoire » et des « rebondissements », c’est-à-dire du romanesque. Autant la forme se prête à la diffusion auprès du jeune public, autant son approfondissement s’y oppose. L’articulation de l’une à l’autre marque une sorte de ligne de partage des âges. Le trou de mémoire qui interdit au conteur de rapporter fidèlement les déboires de son héroïne lui donne ainsi l’occasion de montrer comment la violence et la crudité des contes, mises au jour par l’histoire culturelle et l’ethnologie, légitiment tous les débordements dans une époque qui les cultive. Le succès de The Uses of Enchantment de Bruno Bettelheim, paru en 1976, est symptomatique de la curiosité que suscite alors cette ambivalence du merveilleux. Il est d’ailleurs significatif que chacun des contes, dans Hontō wa osoroshii Gurimi dōwa, soit suivi d’un compte-rendu des principales interprétations critiques ou sociohistoriques des originaux, par des auteurs comme Bettelheim, précisément, ou encore Maria Tatar, Robert Darnton, Carl-Heinz Mallet. La prétention affichée est bien de retrouver une vérité du merveilleux [18], occultée par le ciblage du jeune public. L’opération a d’ailleurs si bien réussi qu’en 2010, un éditeur chinois s’y est trompé, provoquant un scandale en commercialisant, en guise de contes des frères Grimm, une traduction de Kiryū Misao [19].
Le grand lifting
En butte à un sévère procès en mièvrerie, le merveilleux peine en fait à trouver sa place dans le paysage culturel de la seconde moitié du xxe siècle. En 1987, une sitcom d’ABC, The Charmings, s’en amuse en projetant Snow White, son époux de prince, leurs deux enfants et l’Evil Queen, flanquée de son miroir et d’un nain, dans une maison moderne de la banlieue de Los Angeles. Le décalage entre l’univers des contes et le mode de vie américain devient une source intarissable de gags et de quiproquos avec des voisins interloqués. La féerie apparaît proprement déplacée, sympathique mais rétrograde, dans un environnement qui ne la comprend plus. À part se tourner vers les adultes, l’époque ne trouve guère d’autre alternative que l’humour pour renouveler les enchantements de l’enfance. Briser les rêves ou en rire, tels sont l’alpha et l’oméga des réécritures, dès lors qu’elles n’entendent pas emboîter le pas aux productions des studios Disney. L’influence de ces dernières, même mâtinée d’emprunts aux cartoons de la Warner Bros., est particulièrement sensible dans les adaptations animées des contes d’Andersen qui fleurissent au Japon durant toute la période : les longs-métrages Anderusen monogatari [20] de Kimio Yabuki (1968) et Anderusen dōwa ningyo hime [21] de Tomoharu Katsumata (1975) ; les séries télévisées Anderusen monogatari [22] de Masami Hata pour Mushi Productions (1971) ou Oyayubi hime monogatari [23] de Hiromitsu Morita et Jim Terry (1992-1993). La principale originalité est précisément dans le choix du corpus et le respect de son ambiance souvent mélancolique ; elle consiste à oser représenter la mort de la petite fille aux allumettes ou la fin émouvante de la petite sirène. C’est d’ailleurs cette vérité qui sera saluée par un certain public occidental. Au total, l’hégémonie esthétique de la firme de Burbank est telle sur l’empire du merveilleux qu’elle n’incite guère qu’à l’imitation ou à la réaction, dans un champ clivé entre grand public familial et lecteurs ou spectateurs avertis. Le xxie, en revanche, a pleinement profité de l’émergence des adolescents et des jeunes adultes dans l’économie de la réception pour faire tomber cette barrière, tout en conservant bien sûr une production spécifique pour l’enfance, qui a suivi le mouvement en fonction de ses codes spécifiques.
En 2001, les studios DreamWorks donnent un sérieux coup de vieux à la féerie traditionnelle avec Shrek, adapté d’un récit illustré de William Steig, paru en 1990. La parodie, alliée à l’humour scatologique et à quelques blagues grivoises vise spécifiquement un public sorti de l’enfance, pressé de profaner ce qui naguère l’émerveillait. Comme Shrek entame sa quête pour chasser de son marais le peuple féerique qui s’y est réfugié, les spectateurs rompent dans un éclat de rire avec l’imaginaire disneyen, convoqué par la présence au casting de ses personnages emblématiques : Blanche Neige et les sept nains, Pinocchio, Clochette, Cendrillon, les trois marraines d’Aurore, les Trois Petits Cochons, tant d’autres encore, croisés dans les Silly Symphonies. Jeffrey Katzenberg, cofondateur de la firme avec Steven Spielberg, adresse ainsi un magistral pied de nez à la Walt Disney Company qui lui avait refusé, quelques années plus tôt, le poste de Chief Operating Officer, provoquant sa démission. Le pitch du film explicite sa raison d’être esthétique et commerciale : faire table rase du passé et de ses stéréotypes. Sur le terrain mouvant du marécage de Shrek, c’est à une véritable refondation du merveilleux que procèdent Andrew Adamson et Vicky Jenson, les réalisateurs.
À l’été 2002 [24], paraissent chez Vertigo les premiers épisodes des comic books Fables, conçus par Bill Willingham et réalisés en collaboration avec divers dessinateurs. Le merveilleux cède le pas à l’urban fantasy par un transfert du personnel des contes dans un immeuble new-yorkais, où ils vivent sous couverture. Bigby Wolf, le Grand Méchant Loup, mène l’enquête comme dans un roman noir sur la disparition de Rose Red, dont l’appartement porte toutes les traces d’un crime sanglant. Les histoires originelles n’offrent plus qu’un répertoire d’attributs et de relations, mis à profit dans une diégèse pour laquelle les enchantements sont de l’histoire ancienne, prétexte à intrigues mondaines. La création fonctionne sur le modèle de l’écriture à contrainte : Willingham invente aux personnages une biographie nouvelle tout en respectant ce que le lecteur connaît d’eux. Le cadre enchâssant y invite, puisqu’ils sont censés avoir quitté leur terre natale à la suite de son invasion.
La féerie offre de longue date un répertoire de rôles que des figures iconiques de la jeunesse [25] endossent à leur guise. En 1947, Mickey, Donald et Goofy reprennent l’histoire de Jack et le haricot magique dans une séquence de Fun and Fancy Free, tout comme, en 2002, Barbie prête ses traits à Rapunzel. Des compilations comme le Hello Kitty’s Furry Tale Theater (1987) ou le Muppet Classic Theater (1994) puisent à l’envi dans les Kinder- und Hausmärchen. Leur titre l’indique : tout se passe comme au théâtre, la tradition fournissant des emplois aux contours prédéfinis. La fantaisie s’exprime bien sûr, mais sans nuire à la reconnaissance du canevas d’origine. La règle est au respect d’une sorte de pacte d’adaptation. Bill Willingham renverse ce principe : ce sont les personnages de contes qui font office d’icônes et s’évertuent, en dépit de leur différence, à mener dans notre monde une existence ordinaire. L’horizon d’attente est déplacé de l’intrigue aux caractères. On renoue avec certaines audaces que se permettaient les Fractured Fairy Tales, à ceci près que le comique cède le pas à l’aventure. Par rapport aux hypotextes, considérés comme réalité fictionnelle de référence, on passe, en termes de statut des protagonistes, d’une forme de mode mimétique bas, voire de mode ironique, tous deux propices au burlesque, au mode romanesque qui met en scène « des personnages supérieurs en degré aux êtres humains et à leur environnement [26] », en l’occurrence le milieu citadin dans lequel il sont transférés. On reconnaît un topos des comics dans ce nouvel avatar : conformément au cadre éditorial qui préside à leur naissance, c’est en superhéros que Bill Willingham retravaille les habitants de Fabletown [27], sur le mode du cross-over [28]. Leur cohabitation secrète avec les “Mundys”, autrement dit les gens comme vous et moi, rappelle par ailleurs celle des sorciers avec les “Muggles” dans la saga Harry Potter de J.-K. Rowling. Les jeunes lecteurs sont en terrain de connaissance.
Le souffle de l’épopée
Les téléspectateurs qui ont suivi, de 1987 à 1990, les épisodes de Beauty and the Beast peuvent tout autant retrouver des accents familiers : là aussi une communauté magique subsistait en plein Manhattan, dans les sous-sols de Central Park. La série de Ron Koslow peut à bon droit passer pour pionnière en la matière. On lui doit notamment d’avoir annexé le merveilleux à l’empire de la sérialité où règnent rebondissements et cliffhangers. Son remake en 2012 témoigne d’ailleurs qu’elle préfigurait, quoique dans un registre nettement plus poétique, la vogue contemporaine d’une féerie tous publics, alliant surnaturel et action dans un décor souvent hybride, où les espaces référentiels jouxtent les terres enchantées. Sur le plan esthétique, ce qui se joue à la faveur de cette mutation, c’est un brouillage générique des frontières du merveilleux et du fantastique ; ou plutôt, c’est l’application au personnel folklorique de ce brouillage inhérent à la low fantasy. Sur le plan diégétique, c’est la greffe de la féerie et de l’imaginaire héroïque, avec sa logique d’affrontement entre des forces contraires. Comparer les deux versions de la série Beauty and the Beast permet de mesurer la différence. En 2012, la Belle n’est plus avocate, mais lieutenant à la brigade criminelle. Vincent, la Bête, apparaît moins comme l’ange gardien de la Belle que comme l’auxiliaire de sa lutte contre la criminalité, et n’a plus rien d’un poète mystique aux traits léonins. Dernier survivant d’un programme génétique de super-soldats, il n’est bestial que lorsqu’il devient agressif. Son animalité fait penser à Batman [29] bien plus qu’au héros de Madame Leprince de Beaumont ou au Fantôme de l’Opéra qu’évoquait son profil en 1987.
C’est un merveilleux de combat, un merveilleux herculéen qui s’est mis en place. C’est ainsi que Blanche Neige chevauche avec une armée à l’assaut du château de sa marâtre dans Snow White and the Huntsman de Rupert Sanders (2012), ou qu’Hansel et Gretel deviennent chasseurs de sorcières dans un film éponyme de Tommy Wirkola (2013). C’est ainsi qu’au sommet de sa puissance, un supervillain comme Gepetto, dans Fables, invente une figure majestueuse et inquiétante d’empereur en armure pour assurer son pouvoir tentaculaire [30]. Le pouvoir occulte qu’il s’est octroyé en remplaçant un à un tous les puissants par ses pantins animés métaphorise sans mystère les manœuvres mafieuses de l’impérialisme économique ; ses armées de marionnettes évoquent irrésistiblement notre robotique guerrière et le mythe du supersoldat ; mais la représentation archaïque qu’il donne de l’autorité ainsi acquise la ramène à sa valeur archétypale : il est l’éternel chevalier noir, de la couleur qu’il attribue sans surprise à son double. Son successeur dans la saga se reliera au même imaginaire par son seul nom : Mr Dark. Ainsi nos modernes féeries rejouent-elles l’éternelle lutte cosmique de la lumière contre la nuit.
Les frères Grimm, à la faveur de ce mouvement, sont eux-mêmes entrés dans la légende aux côtés de leurs personnages. Ils apparaissent en charlatans exorciseurs, bientôt confrontés à de vrais envoûtements dans le film de Terry Gilliam, The Brothers Grimm, sorti en 2005. En 2011, la chaîne NBC lance Grimm, une série de fantasy policière mettant en scène leurs descendants en chasseurs de monstres ; on apprend du même coup que les célèbres compilateurs ont jadis tiré leurs récits de leur propre expérience. Dans les romans de Cameron Jace, les séries The Grimm Diaries et The Grimm Diaries Prequels, entamées en 2012, on apprend que les deux frères ont jadis jeté un sort aux Immortels, les enfermant dans un sommeil qu’ils espéraient éternel. Mais ils se réveillent une fois tous les cent ans, et les Bons essaient d’en profiter pour révéler la vérité sur les contes de fées, les Méchants pour la dissimuler et se venger de notre monde.
L’axiologie des contes s’est amplifiée en lutte manichéenne, retrouvant du même coup, sur fond de surnaturel, les codes de l’épopée chrétienne. De là l’ostentation du symbolisme diaïrétique dans la version que Tim Burton a donnée d’Alice in Wonderland, en 2010. Inspirée d’une illustration de sir John Tenniel, retravaillée dans l’esprit des jeux vidéo, l’héroïne en armure, affrontant le Jabberwock épée Vorpal en main, a tout d’un preux chevalier affrontant un dragon. Pour son second voyage à Wonderland, le scénario de Linda Woolverton enrôle Alice dans une quête dont l’enjeu n’est autre que le triomphe des forces du Bien, rangées derrière la Reine Blanche, contre celles du Mal incarnées par la Rouge. L’intrigue se politise à travers l’opposition des deux souveraines, dans laquelle on retrouve une déclinaison sociétale de l’antithèse caractéristique du régime diurne de l’imaginaire. Elle se spiritualise conjointement en se centrant sur l’attente du « Frabjous Day » de la libération, annoncé par l’Oraculum qui prophétise l’histoire du monde souterrain. Elle se fait messianique, avec une Alice en Élue. Et, dans l’histoire enchâssante, il faut bien sûr comprendre son renoncement au mariage comme une rupture avec les clichés de la féerie. Une série comme Once Upon a Time, gigantesque cross-over de l’univers Disney signé par Edward Kitsis et Adam Horowitz, retrouve de même les topoï de l’épopée en convoquant, dans sa saison 5, la légende arthurienne et le thème de la catabase. Il n’est pas jusqu’à une franchise comme My Little Pony qui n’ait suivi cette pente sur le segment des programmes enfantins. Les dessins animés de la quatrième génération, amorcée en 2010, allient en effet une posture édificatrice appuyée, avec une leçon à la fin de chaque épisode des deux premières saisons, et un arc narratif structuré autour du combat de Twilight Sparkle contre Nightmare Moon, la licorne de la nuit, jalouse de la lumière du jour. La transposition lumineuse de l’opposition axiologique participe de son élargissement épique.
Un regain de morale
Cette évolution a incontestablement été favorisée par le succès de la fantasy. C’est très net dans les scènes de bataille d’un film comme Maleficient de Robert Stromberg, où les arbres vivants rappellent les Ents de Tolkien filmés par Peter Jackson. Mais sans doute est-elle aussi redevable à l’évolution des mentalités dans l’Amérique du xxie siècle, avec un retour en force de la morale et des valeurs dans la jeunesse [31]. Elle s’est en tout cas accompagnée d’un renouveau de l’édification avec le début des Grimm Fairy Tales de Ralph Tedesco et Joe Tyler, des comic books de dark fantasy au trait glamour [32], publiés par Zenescope Entertainment. Le procédé de départ consiste à mettre en parallèle un drame de la vie et un conte de fées revisité. Dans les tout premiers volumes, « Le Petit Chaperon rouge » encourage une vierge à rompre avec un boyfriend trop pressant (no 1), « Hansel et Gretel » met les fugueurs en garde contre le risque de tomber en de mauvaises mains (no 3), « Rumpelstiltskin » soutient le désir d’enfant d’une jeune-fille que son petit ami pousse à vendre leur bébé comme mère-porteuse (no 4). L’idée sous-jacente, soutenue et mise en pratique par Sela Mathers, une jeune professeur de Lettres bientôt vêtue en super-héroïne à lunettes [33], c’est que les sagesses anciennes gardent toute leur actualité : « Il y a toujours une vérité dans les contes de fées. Tout dépend des questions que tu te poses [34] », déclare-t-elle à l’adolescente à qui elle vient de raconter l’histoire de la sorcière mangeuse d’enfants, pour la convaincre de regagner avec son frère le domicile familial. La série se livre à une forme de défense et illustration de la littérature, entendue comme mémoire d’un patrimoine fictionnel. Par-delà une certaine raideur didactique, la plongée dans les histoires du temps passé suscite une introspection qui fonctionne un peu à la manière d’une psychanalyse du contemporain. Morale et épopée vont de pair dans cette saga graphique. On apprend, au fil de volumes, que Sela Mathers n’est humaine qu’à demi et que son livre de contes lui a été confié pour contrecarrer les menées d’un supervillain associé au démon, dans le contexte d’une vaste guerre entre le Bien et le Mal, qui fait rage au sein d’un multivers. Conçue de la sorte, la portée édificatrice des contes de fées n’est que l’écume terrestre, la part humaine d’une lutte épique aux dimensions eschatologiques.
La stratégie de Sela Mathers déconstruit les procédés de modernisation par lesquels la coutume s’est installée de transposer les contes de fées dans une époque historique, de préférence assez proche, souvent contemporaine du temps de l’écriture. Au cinéma, on songe au Bluebeard d’Edward Dmytryk et Luciano Sacripanti qui, en 1972, faisait du monstre éponyme un baron autrichien des années 30, héros de la Grande Guerre et membre de la S.A. ; ou encore à Freeway de Matthew Bright, qui démarquait en 1996 l’histoire du Petit Chaperon rouge en rapportant la cavale d’une adolescente paumée, victime d’un riche tueur en série alors qu’elle part chercher refuge chez sa grand-mère. En littérature, on peut évoquer The True Story of Hansel and Gretel: A Novel of War and Survival de Louise Murphy (2003), où deux enfants juifs polonais dissimulés dans les bois, pendant la Seconde Guerre Mondiale, sont pris en charge par une vieille excentrique que tout le monde appelle la “sorcière”. Les quatre comédies de la série A Cinderella Story sorties entre 2004 et 2016 témoignent de la vitalité de cette inspiration. L’article indéfini du titre revendique, au nom de la plasticité du conte, le droit de glisser dans le rôle principal des orphelines d’aujourd’hui, qui rencontrent le prince Charmant sur internet, à un concours de danse, une compétition de chant ou une audition pour une comédie musicale.
En décomposant les mécanismes intertextuels de ces adaptations, Sela Mathers fait apparaître qu’ils sont à double sens. Le folklore contenu dans son livre magique n’est en effet pas celui que l’on connaît : « C’est la version originale… très différente de l’histoire que vous avez pu entendre dans votre enfance [35] », lance-t-elle, par exemple, à propos de son Blanche Neige. On reconnaît l’argument de vérité, prétexte de tous les renouvellements. En l’espèce, il attire l’attention du lecteur sur les aménagements opérés pour rendre efficientes ces « allégories morales [36] ». Si les contes nous parlent du présent, c’est parce qu’on les fait parler en leur posant les bonnes questions. Leur socialisation instaure entre tradition et actualité une interaction réciproque : l’original dont se réclame Sela n’est de fait qu’une version appropriée à son propos. L’origine à laquelle elle remonte n’est pas à entendre du point de vue de l’érudition historique, mais comme source de sens. Sela ne prétend rien d’autre, au fond, que redonner aux fées leur fonction originelle en leur rendant le pouvoir d’infléchir le destin des mortels. Comme l’origine mythifiée est censée enrichir les contes d’un sens plus pur, plus sensible, l’élaboration de celui-ci implique une continuelle révision de leur matière.
Lorsque Daniel Barnz, dans Beastly (2011), s’empare de la Belle et la Bête pour donner une bonne leçon à un gosse de riche aussi beau que vaniteux, aussi imbu de lui-même que populaire dans son lycée, il ne se contente pas d’actualiser le personnage, il interroge en même temps une malédiction sur laquelle la tradition est fort peu diserte. Cela passe par un recentrage de la fiction sur la Bête et un approfondissement de sa psychologie : c’est le parcours d’une âme que l’on est invité à suivre, de sa damnation à sa rédemption. Alors qu’on est habitué à suivre la lente éclosion de l’amour dans le cœur de la Belle, on s’intéresse ici à sa quête douloureuse par un monstre menacé de garder son apparence hideuse s’il ne peut, en un an, conquérir une jeune fille. On a en somme affaire à une réécriture en miroir, qui teinte de sentimentalisme le procès féministe des discours misogynes sur le physique des femmes. Les contes ont pour ceci pour eux qu’ils fournissent à l’imagination des canevas moraux aussi intuitivement décryptables qu’aisément transposables.
Le sens du signal
Le signe est arbitraire, le symbole est surdéterminé, la sémiotique de l’intertextualité féerique oscille entre ces deux pôles. Elle opère selon le principe du signal, entendu comme « signe (simple ou complexe) intentionnel, c’est-à-dire produit intentionnellement par l’émetteur, et dont l’intention est donnée à reconnaître au récepteur [37] ». Elle est affaire non de langage, mais de communication. C’est dans la reconnaissance de l’intention que réside son processus de sémantisation. Plus précisément, la trace d’une intention induit une réception interprétative qui, par elle-même, est productrice de sens. La série animée Fairy Tale Police Department de Ron Isaak et Leora Kamenetzky (2002-2003) éclaire ce mécanisme en conduisant les policiers chargés de préserver l’intégrité des contes à considérer leur modification en termes d’indices et de mobiles. Ainsi, lorsque la pomme dans laquelle doit croquer Blanche Neige est dérobée, l’enquêtrice est-elle amenée à réviser son opinion sur l’innocence des nains lorsqu’elle apprend qu’ils lui font faire le ménage, la lessive et la cuisine. Ils se retrouvent au premier rang des suspects parce qu’ils ont tout intérêt à ce qu’elle reste à leur service [38]. Le larcin par lequel ils changent l’ordre des choses signale le machisme qui leur a été si souvent reproché par la critique, et réhabilite dans une certaine mesure l’Evil Queen, qui n’est plus que l’instrument du bonheur de sa victime. La signification d’un conte n’est donc fixée ni par la convention, ni par la tradition, mais par l’interaction entre une situation fictionnelle et la conscience d’une intention soumise à l’interprétation. Au final, l’effet d’une réécriture originale peut être rapproché de celui de l’image surréaliste, telle que la définissait Pierre Reverdy : plus le rapport entre le signal intertextuel et la situation fictionnelle est lointain et juste, plus la fable porte – plus elle a de profondeur sémantique et de réalité poétique.
En 2015, les téléspectateurs de Disney Channel font la connaissance des progénitures de leurs personnages préférés dans le téléfilm Descendants de Kenny Ortega. L’action se situe dans le royaume d’Auradon, où tous les Gentils vivent heureux après avoir relégué leurs antagonistes sur une île, au large. À la veille de son couronnement, le fils de la Belle et de la Bête, Benjamin, décide, en signe d’apaisement, d’inviter quatre Méchants en herbe à étudier au collège de la ville. Bien décidés, au début, à profiter de l’occasion pour montrer à leurs parents qu’ils sont aussi mauvais qu’eux, ils sont rapidement conquis par cette nouvelle vie et ses valeurs, si bien que Mal, la fille de Maleficient, finit par renoncer à exécuter le plan machiavélique de sa mère, pour filer le parfait amour avec le nouveau roi. Sur le ton de la comédie de mœurs, le scénario aborde en chansons le problème des ghettos et les questions d’éducation. Mais il s’agit en outre, pour la Walt Disney Company, d’un produit de lancement, chargé d’introduire un nouveau concept : le shortcom d’animation Descendants: Wicked World commence en septembre, moins de deux mois après la première diffusion du téléfilm. Lu sous cet angle, la fable sociale se double d’une dimension métafictionnelle touchant l’invention en féerie et la mission dont se sentent investis les conteurs contemporains par rapport à leurs aînés. C’est du reste en termes littéraires que le finale, « Set It Off », évoque la situation : « Rois et reines, / C’est à nous, debout ! / À nous d’écrire le livre, / L’histoire de nos vies [39] ! » L’intention qui se dégage de la métaphore n’est pas difficile à interpréter : personnages et auteurs sont dans le même bateau. Tout comme Mal, pour s’épanouir, sort de la trame narrative dans laquelle l’emprisonnait sa mère, les nouveaux contes de fées doivent s’affranchir de leur héritage s’ils veulent le perpétuer en continuant à parler aux jeunes : « Soyez vous-mêmes / Oubliez l’ADN [40] », lance à ses camarades de toutes origines celle qui personnifie la désobéissance salutaire.
À son lancement en 2013, la web série Ever After High, diffusée par Mattel sur You Tube, allait dans le même sens en utilisant les mêmes termes. Raven, la fille de l’Evil Queen, y prétend « écrire [s]a propre destinée [41] » au risque de bouleverser celle des autres, à commencer par Apple White, la fille de Blanche Neige, chef de file des “Royals” qui ne demandent qu’à perpétuer l’histoire de leurs parents. La comparaison avec l’écriture apparaît d’autant plus signifiante que les désirs d’émancipation de Raven, bientôt partagés par les autres “Rebels”, font écho à une chicane métaleptique entre un conteur, enthousiaste à l’idée des changements, et une conteuse qui les redoute. Et comme pour s’assurer que l’on saisisse bien l’importance de leur querelle, elle était mise en valeur par le titre de la première compilation pour la télévision : A Tale of Two Tales. Les conteurs, comme les élèves, se répartissent donc en deux camps : les “Royals”, légitimistes, attachés à la tradition, ceux dont les appréhensions justifiaient, dans Fairy Tale Police Department, la création d’une brigade chargée de veiller à ce que rien ne change ; et les “Rebels”, partisans de laisser la nouvelle génération agir à sa guise, sans se tenir tenue par son héritage. Le débat est tranché par un arc narratif du Chapter 3 [42]. À Ever After High, chaque promotion rédige un journal de son année sur un gland-USB que l’on plante à la fin, en grande cérémonie, dans le Verger de l’Héritage (Legacy Orchard). Il y donne aussitôt naissance à un nouvel arbre des contes . L’allégorie est un peu alambiquée, mais elle traduit à l’intention des digital natives une représentation bien connue du patrimoine féerique. Toujours est-il qu’Apple et Raven se portent volontaires pour écrire ensemble le récit de leur scolarité. Leur collaboration ne va pas sans difficultés, mais elle arrive à son terme à la satisfaction de tous. Cette exercice d’écriture à quatre mains réconcilie la tradition et l’invention, la féerie et le romanesque. Il revendique une forme de filiation qui ne soit pas répétition mais continuation, au sens médiéval du terme. Pour les conteurs d’aujourd’hui, le legs ne doit pas représenter une contrainte, mais un défi.
Une rupture générationnelle
La socialisation des fictions mainstream, parce qu’elle vise l’adhésion du plus grand nombre, est révélatrice des grands mouvements d’opinion qui traversent leur cible commerciale. De ce point de vue, le renouveau de la féerie, jusque dans sa composante édificatrice, exprime à l’évidence un besoin de repères. Si enthousiastes que soient les filles d’Auradon pour chanter en chœur « Le Bien est le nouveau Mal » et « Le Mal est le nouveau Bien [43] », elles ne font qu’exprimer le malaise d’une génération déboussolée. En tendant la main aux enfants des bannis, le prince Ben conteste les certitudes morales de son père, comme le fait Mal en désobéissant à sa mère. Qu’ils soient bons ou qu’ils soient méchants, qu’on les admire ou qu’on les craigne, les parents n’apparaissent plus qualifiés pour fixer les valeurs et les comportements d’une jeunesse qui se cherche. Il n’est d’ailleurs pas exclu que le retour en force des contes de fées dans les fictions grand public du xxie siècle soit en partie dû à ce qu’elles font écho, en matière d’héritage esthétique et éthique, aux préoccupations de la jeunesse concernant ses liens avec les générations précédentes.
Parce qu’ils ne reconnaissent plus d’autorité incontestable, les adolescents en sont réduits à explorer par eux-mêmes les limites entre le Bien et le Mal. Les réécritures féeriques enregistrent cette évolution en substituant à des préceptes qui ont fait leur temps une morale de la responsabilité. Sela Mathers en explique les ressorts dans une série de récitatifs, au dénouement de Goldilocks and the Three Bears : « Tout le monde pense mériter une seconde chance. Mais il n’y a pas de bouton “Rembobinage” dans la vie. | Pour chaque acte qu’on commet, il y a des conséquences auxquelles il faut faire face. | Des conséquences qui peuvent être désastreuses. | Tout le monde pense mériter une seconde chance. Tout le monde n’en a pas une [44]. » L’insistance sur le thème de la « seconde chance » tient à la place centrale qu’il occupe dans l’imaginaire américain : il s’agit de distinguer la vie réelle du mythe national. La morale se résout en prise de conscience, sur le modèle de celle qui saisit Mal, alors qu’en préparant la revanche de sa mère, elle imagine d’une voix hésitante que « les villains vont enfin envahir Auradon, et commencer à piller […] et détruire tout ce qu’il y a de bon et de beau [45] ». Maleficient, dans le film de Stromberg, fait quant à elle l’expérience douloureuse d’une décision imprudente en échouant à révoquer le sort qu’elle a jeté à Aurore, dans son berceau. La fée meurtrie ne pouvait certes anticiper qu’elle s’éprendrait d’une enfant alors détestée ; mais elle a présumé de sa résolution en obérant l’avenir. L’irrévocable ne se prononce pas à la légère.
L’attrait pour le merveilleux tient sans doute en partie à ce que le cliché des fins heureuses rencontre les aspirations au bonheur individuel. Dans un monde où il ne s’agit plus de respecter des codes établis, cela passe avant tout par des choix déterminants. C’est tout le sens de la structure diégétique par laquelle Tim Burton envoie son Alice à Wonderland entre la demande en mariage de lord Hamish Ascot et sa réponse. Vaincre le Jabberwock lui donne l’assurance nécessaire pour opposer un refus catégorique à une alliance que toute la bonne société approuve : « Je suis désolée, Hamish, je ne peux pas vous épouser. Vous n’êtes pas l’homme qu’il me faut [46] », lui oppose-t-elle sans détour. En retournant à Wonderland, l’héroïne s’est proprement retrouvée ; elle en revient, en tout cas, bien résolue à prendre son destin en main : « Je t’aime Margaret, mais c’est ma vie. Je déciderai moi-même ce que je dois en faire [47] », explique-t-elle à sa sœur aînée, qui avait tout arrangé en fonction de ses propres critères. Avec les quatre Cinderella Stories, l’encouragement à s’accomplir touche au développement personnel. L’essentiel est d’aller au bout de ses rêves, de ne céder à aucun fatalisme, de ne se laisser arrêter par aucun préjugé, de croire en soi-même et en son talent. Déclinée de toutes les manières, l’idée générale est que chacun est maître de sa vie et responsable de son destin. Que chacun peut, en somme, être à soi-même sa bonne fée, à condition de bien se connaître et de s’accepter. La véritable épopée de ces contes revisités n’est autre, tout bien considéré, que la quête de son identité.
De là, sans doute, la place de choix que les fées se sont octroyées dans les fictions à destination des petites filles, alors que le marché culturel renforçait, au tournant du siècle, la segmentation genrée de ses produits. Dans le sillage des magical girls, le magazine italien Topolino introduit en avril 2001 W.I.T.C.H., une BD écrite par Elisabetta Gnone, dessinée par Alessandro Barbucci et Barbara Canepa. Cinquante-deux épisodes animés seront produits entre 2004 et 2006. La maîtrise des éléments qui distingue les cinq filles du groupe en fait autant de fées de la nature. Ensemble, elles luttent pour empêcher le Mal de conquérir le monde parallèle de Meridian avant de déferler sur le nôtre. Leur succès international est tel qu’elles seront même adaptées en manga. En France, le groupe Disney auxquelles elles appartiennent débaptise pour elles Minnie Mag, qui devient W.I.T.C.H. Mag de 2002 à 2012 : leur féminité héroïque supplante ainsi l’image très lisse de l’éternelle compagne de Mickey. En 2003, la firme reprend la recette avec Winx Club et ses écoles de magie. En 2005, une nouvelle approche se met en place via la création de la franchise Disney Fairies qui donne la vedette à Tinker Bell, la fée de Peter Pan, à travers une série de romans et de jouets. Trois ans plus tard, elle est à l’affiche d’un premier long métrage animé, dans son rôle de fée bricoleuse. Alors que W.I.T.C.H. et Winx Club se relient au mouvement du Girl Power [48] qui réconcilie l’action et les stéréotypes de genre en mettant en scène des héroïnes aussi coquettes que vigoureuses, la figure de Tinker Bell, reconfigurée pour la circonstance, participe d’un féminisme plus classique : elle dénonce les clichés en les transgressant. À côté de la gamme Disney Princess, lancée en 1999, Disney Fairies est venue installer la fée comme icône alternative de la féminité juvénile.
À la même époque, Mattel a d’ailleurs emprunté le même chemin avec Barbie: Fairytopia (2005), puis Barbie: Mariposa and her Butterfly Fairy Friends (2008). Qu’elle soit Elina, la fée née sans ailes, ou Mariposa, la servante rêveuse et effacée, la fameuse poupée tourne à chaque fois ses faiblesses en atouts et se distingue par une persévérance, un courage et une abnégation qui lui permettent de sauver les royaumes enchantés contre d’odieuses machinations. Loin de flatter le culte des apparences, ces films instaurent une morale du mérite et invitent leurs spectatrices à prendre confiance en elles-mêmes. Tandis que la princesse figure un idéal d’héritière, la fée valorise les qualités personnelles.
*
* *
Le merveilleux fonctionne comme un langage avec son lexique – les personnages, leurs attributs, les décors – et sa grammaire – les histoires. Ses évolutions racontent celles de son temps avec une acuité d’autant plus vive qu’elles s’inscrivent de façon naturelle dans une perspective de long terme. Les inflexions et les ruptures, les innovations comme les reprises, sont d’autant plus repérables qu’elles se détachent, pour ainsi dire, sur un fond de pratiques antécédentes. L’étude culturelle de ces phénomènes à l’époque contemporaine s’inscrit dans une approche sociohistorique, que le contexte de la mondialisation des productions de masse favorise en affranchissant pour partie de leurs contextes nationaux les œuvres plébiscitées de par le monde [49]. On a vu la place qu’Andersen a occupée, à partir de 1968, dans les productions japonaises ; on a vu les magical girls, démarquées d’une série américaine familiale, inspirer à leur tour des créateurs européens travaillant sous licence Disney, pour revenir habillées en manga au pays du soleil levant. Il ne s’agit pas de nier les ancrages locaux, mais ils se voient subsumés par ce qui assure les succès cosmopolites. Tout est affaire de plus grand dénominateur commun. Les enjeux sociétaux peuvent bien varier d’un continent à l’autre, même d’un pays à l’autre, la réception internationale témoigne que ces fictions apparaissent partout suffisamment en phase avec les mentalités du public pour susciter l’adhésion à leur discours. Cela tient sans doute à ce qu’elles sont centrées sur des problématiques plus générationnelles que culturelles, comme l’identité de genre ou la rupture avec l’héritage parental. Le ciblage des adolescents et des jeunes adultes est évidemment impliqué dans la réussite de cette stratégie. Il y a une vraie convergence entre la strate du public visé, les intérêts commerciaux et le traitement réservé aux fées.
Notes
[1] Je me permets sur ce point de renvoyer à une précédente étude : Christian Chelebourg, « La Quadrature du conte : la féerie en France au temps du Romantisme (1800-1848) », Romantisme, no 170, 2015-4, Le Merveilleux, p. 35-48.
[2] Roxane Martin, La Féerie romantique sur les scènes parisiennes (1791-1864), Paris, Champion, 2007.
[3] Je reprends l’expression à Jean de Palacio, Les Perversions du merveilleux : Ma Mère l’Oye au tournant du siècle, Paris, Séguier, 1993.
[4] Voir entre autres Albert Wesselski, « Märchen des Volkes und der Literatur », p. xi-xxiii, in Märchen des Mittelalters, Berlin, Stubenrauch, 1925.
[5] A.J. Jacobs, Fractured Fairy Tales, 01x20, Little Red Riding Hood © Jay Ward Productions, 1960. Diffusé le 07/05/1960.
[6] A.J. Jacobs, Fractured Fairy Tales, 01x18, Sleeping Beauty © Jay Ward Productions, 1960. Diffusé le 29/04/1960.
[7] Notons qu’à cette époque, Rocky and His Friends – titre initial du Rocky and Bullwinkle Show – est diffusé sur ABC, une chaîne déjà très étroitement liée à Disney. Les studios lui fournissent entre autres la série Zorro et l’émission hebdomadaire Disneyland, présentée par Walt en personne, en contrepartie du financement du parc d’Anaheim. Qu’un épisode satirique de ce type puisse passer à l’antenne dans ce contexte témoigne, de la part du magnat, d’un solide sens de l’humour et de l’autodérision.
[8] Qu’on se rappelle la célèbre citation : « La femme, c’est La Belle au bois dormant, Peau d’Âne, Cendrillon, Blanche Neige, elle reçoit et elle subit. » (Simone de Beauvoir, Le Deuxième sexe, II, L’Expérience vécue, Paris, Gallimard, 1949, p. 44).
[9] « if there’s a beast in men, it meets its match in women too. » (Neil Jordan, The Company of the Wolves © Palace Productions, 1984, 00:36:20).
[11] « But this is no fairy tale ».
[12] « the twilight world which lies between the pages of any fairy tale ».
[13] « to kill the dreams of childhood ».
[14] Voir, pour ne citer qu’un seul cas, la parodie pornographique de Michel Caputo, Blanche-Fesse et les sept mains © Zoom 24, 1981.
[15] La série des films consacrés à Chucky avait commencé en 1988 avec Child’s Play de Tom Holland. Elle s’était déjà poursuivie avec Child's Play 2 de John Lafia (1990) et Child’s Play 3 de Jack Bender (1991).
[16] R.-L. Stine, le célèbre auteur de romans d’horreur pour enfants, avait publié en 1993 un premier Night of the Living Dummy (Goosebumps, no 7). En mai 1995, il en publiait un second, Night of the Living Dummy II (Goosebumps, no 31), dont l’adaptation télévisée fut diffusée sur la Fox le 12 janvier 1996, dix mois avant la sortie du film Kevin Tenney le 22 novembre.
[17] Marcel Gotlib, Rubrique-à-brac : Taume 3, Paris, Dargaud, 1972.
[18] Voir Mayako Murai, From Dog Bridgeroom to Wolf Girl: Contemporary Japanese Fairy-Tale Adaptations in Conversation with the West, Detroit, Wayne State University Press, 2015, p. 31-32. Mayako Murai parle de “Grimm Boom” pour évoquer l’impact éditorial du recueil de Kiryū Misao au Japon. Voir son article « Before and after the “Grimm Boom”: Reinterpretations of the Grimm’s Tales in Contemporary Japan », p. 153-177, in Vanessa Joosen, Gillian Lathey (ed), Grimm’s Fairy Tales Around the Globe: The Dynamics of their International Reception, Detroit, Wayne State University Press, 2014.
[19] Voir Xu Tianran, « Lurid edition of fairy tales pulled », Global Times, 07/12/2010, [consulté le 08/01/2017].
[20] Aux USA The World of Hans Christian Andersen (1971).
[21] En VF La Petite Sirène (1979 au Québec), puis Marina la petite sirène.
[22] Littéralement « Histoires d’Andersen ».
[23] Aux USA Thumbelina: A Magical Story (1993).
[24] Le premier volume, daté de juillet 2002, a été mis en vente un peu avant, le 8 mai de la même année.
[25] J’adapte ici aux personnages de fiction la définition des icônes culturelles comme « figures emblématiques qui jouent un rôle central dans la construction de l’imaginaire collectif et la formation du sentiment d’appartenance culturelle » (Denis C. Meyer, « Icônes culturelles : lecture textuelle et contextuelle », Synergies Chine, n° 6, 2011, p. 223-233, p. 224).
[26] François Jost, De Quoi les Séries américaines sont-elles le symptôme ?, Paris, CNRS Éditions, 2011, p. 18. La nomenclature est reprise des travaux de Northrop Frye.
[27] Mark C. Hill remarque même que la série réactive dans l’Amérique post-11 septembre l’imaginaire héroïque de la virilité combattante qui a longtemps fait le succès des comics (« Negotiating Wartime Masculinity in Bill Willingham’s Fables », p. 181-195, in Susan Redington Bobby [ed], Fairy Tales Reimagined: Essays on New Retellings, Jefferson-London, McFarland & Company, 2009).
[28] Le caractère transgressif de ce traitement est souligné par l’auteur lui-même à propos d’un projet de film basé sur le même principe : « You can’t do that. Those are all characters from different stories, they aren’t part of the same fictional universe » [Vous ne pouvez pas faire ça. Ce sont des personnages tirés d’histoires différentes. Ils ne font pas partie du même univers de fiction »], oppose un collaborateur, aussitôt viré (Bill Willingham, Fables, no 34, Jack Be Nimble. Part One of Two,05/04/2005, p. 18).
[29] Le héros de Bob Kane et Bill Finger est cité à trois reprises dans l’épisode 3 de la saison 1, et Vincent y reconnaît qu’il aimerait être Batman (Sherri Cooper-Landsman, Jennifer Levin, Beauty and the Beast, 01x03, All In © CBS Television Studios, 2012, 37:48).
[30] Voir Bill Willingham, Mark Buckingham, Steve Leialoha, Fables, no 40, He’s Only a Bird in a Gilded Cage : Chapter Four of Homelands, 10/08/2015.
[31] Voir Neil Howe, William Strauss, Millenials Rising: The Next Great Generation, New York, Vintage Book, 2000 ; et Hal Marcovitz, Teens, Religion & Values, Broomal, Mason Crest, 2014.
[32] Un numéro spécial Swimsuit, exhibant les héroïnes en maillot de bain, est venu confirmé la tendance, en 2012.
[33] Cape noire, bustier bleu à bretelles rouges, mini-jupe et bas résille à jarretières apparaissent dans le no 22, de février 2008. Les lunettes de l’intellectuelle restent de rigueur.
[34] « There’s always truth in fairy tales. It just depends on what questions you need answered. » (Joe Tyler, Ralph Tedesco, Al Rio, Grimm Fairy Tales, no 3, Hansel & Gretel, 01/12/2005, p. 26).
[35] « It’s the original version -- much different than the story you may have heard as a child. » (Joe Tyler, Ralph Tedesco, Al Rio, Grimm Fairy Tales, no 7, Snow White, 01/06/2006, p. 7).
[36] « moral allegories », (Joe Tyler, Ralph Tedesco, Al Rio, Grimm Fairy Tales, no 10, The Frog King, 01/09/2006, p. 22).
[37] Nicole Everaert-Desmedt, Le Processus interprétatif : introduction à la sémiotique de Ch.S. Peirce, Paris, Pierre Mardaga, « Philosophie et langage », p. 13.
[38] Voir Ron Isaak, Leora Kamenetzky, Fairy Tale Police Department, 01x03, Black Day for Snow White © Yoram Gross-EM TV, 2002.
[39] « Kings and queens, / It’s our time to rise, / Write the book, / The story of our lives » (Kenny Ortega, Descendants © Bad Angels Productions, 5678 Production, Disney Channel, 2015, 01:47:10).
[40] « Be yourself, / Forget the DNA » (id., 01:47:21).
[41] « I’m going to write my own destiny » (George Doty IV, Ever After High : The Beginning, ep. 04, The Tale of Legacy Day © Mattel Entertainment, 2013, 04:39).
[42] Voir George Doty IV, Ever After High : Chapter 3, ep. 12, The Legacy Orchard ; ep. 17, Croquet-Tastrophe ; ep. 21, Tri-Castle-On © Mattel Entertainment, 2015.
[43] Voir Jennifer Magee-Cook, Aliki Theofilopoulos, Descendants: Wicked World, 01x09, Good Is the New Bad, Bad Angels Productions, 5678 Production, Disney Television Animation, 2015.
[44] « Every one thinks they deserve a second chance. But there are no Rewind buttons in life. For every act committed there are consequences that must be faced. Consequences that can be dire. Every one thinks they deserve a second chance. Not every one gets one. » (Joe Tyler, Ralph Tedesco, Al Rio, Grimm Fairy Tales, no 9, Goldilocks and the Three Bears, 01/08/2006, p. 22-24).
[45] « the villains finally do invade Auradon, and begin to loot […] and destroy all that is good and beautiful » (Kenny Ortega, Descendants, op. cit., 2015, 01:20:29).
[46] « I’m sorry, Hamish, I can’t marry you. You’re not the right man for me. » (Tim Burton, Alice in Wonderland © Walt Disney Pictures, Roth Films, The Zanuck Company, Team Todd, 2010, 01:37:20).
[47] « I love you, Margaret, but this is my life. I’ll decide what to do with it. » (id., 01:37:30).
[48] Sur ce mouvement, voir Dawn H. Currie, Deirdre M. Kelly, Shauna Pomerantz, ‘Girl Power’: Girls Reinventing Girlhood, New York, Peter Lang, 2009.
[49] Steven Swann Jones a justement pointé le risque, pour les approches sociohistoriques, de se focaliser sur des œuvres singulières, dès lors que le contexte sociétal s’avère difficile à saisir du fait de son exotisme (The Fairy Tale: the Magic Mirror of the Imagination [1995], New York-London, Routledge, « Genres in Context », 2002, p. 134).
newsletter subscription
www.analisiqualitativa.com