Ce numéro monographique est né de l’idée d’inviter des chercheurs francophones à réfléchir sur la nature, sur la conception et sur l’impact de l’addiction dans les sociétés contemporaines. Trois perspectives préalables ont été proposées aux auteurs : celle du mythe, celle de la maladie et celle du problème social. Il était donc possible de réfléchir sur des théories et des débats qui contredisaient l’addiction, sur la pathologisation et la médicalisation de certains usages, comportements ou habitudes et enfin sur le contexte social où les addictions se développent. Les articles de ce numéro monographique mettent à l’épreuve les définitions et les conceptions anciennes et nouvelles, contemporaines et futures de l’addiction pour répondre à la question sur la nature, la compréhension et l’impact de celle-ci dans les sociétés d’aujourd’hui. Je remercie M. Valastro qui m’a invitée à diriger ce numéro monographique et tous les auteurs qui ont bien voulu partager leurs idées sur l’addiction avec les lecteurs.
Dans le cadre de cet article nous reviendrons sur le sens du terme d’«addiction» qui remplaça, il y a quelques années, celui de «toxicomanie». De nos jours, le discours politiquement correct ne stigmatise plus. Il ne présente plus, n’accuse plus. Il culpabilise et met l'accent sur la fonction consommatrice et la relation d’un individu aux pratiques et aux productions des plaisirs. On parle désormais d'usager, de consommateur. Ce personnage décrit par la vulgate contemporaine est distinctement inclus dans le système marchand des biens et des services. Que cachent ces arguties lexicales ? Quelle est le sens de cette démarche économico-politique qui privilégie la fonction sur le sujet ? Quel est donc ce clivage dans la définition de pratiques qui, bien que collectives, n'en restent pas moins singulières et, par conséquent, inaliénables ? L'addiction n'existe pas sans un référentiel théorique, politique et économique, sans un background à partir duquel certains sens se créent et s'échangent. Dans ce mouvement, l’addiction tend à s’effacer, en même temps que la subjectivité, derrière une brume sémantique qui hésite entre la stigmatisation de pratiques pathologiques singulières et comportements transgressifs, apparemment détachés des échanges. Dans ce cadre, nous interrogerons ces théories qui du semblant et de l’apparence proposent un sens à une fonction au détriment de ceux qui pourraient l’habiter ? Comment le sujet est-il déshabillé de sa consistance, de ses souffrances, de sa jouissance, et finalement de sa quête de bien-être ou de mal-être, au profit de discours qui n’entendent que l’enchaînement des actes comme preuves de qui il serait ? Le retrait de la composante maladive de l’addiction a dénaturé sa réalité. Sans la notion de mal ou le concept de maladie, comment faire valoir le bien et par conséquent redonner sens à la notion de «bien-être» ? Les lumières des discours du panoptisme contemporain repoussent les ombres de la subjectivité et de la dialectique. A leur place, elles proposent l’évidence, la preuve, les faits d’une fonction sociale sans jamais en questionner le sens ou les sens. Derrière cette pratique du discours se joue peut-être tout simplement le meurtre de la question dans les sociétés dites «postmodernes».
La mise en évidence du statut de construction socioculturelle de l’addiction, le fait que l’on pourrait devenir addict à tout et la critique de la notion de perte de contrôle parlent, entre autres, en faveur d’un scepticisme vis-à-vis de l’addiction, auquel appartiennent ceux qui pensent que l’addiction consiste dans un choix pleinement assumé de l’individu, au sein d’un mode de vie. Une telle conception, empreinte ou non de moralisme, impute cependant une responsabilité à l’individu addict, un stigmate social ou moral très fort, synonyme d’un moins bon accès au soin. C’est pour contrecarrer cette stigmatisation que s’est instaurée une reconfiguration de l’addiction autour de la notion de maladie : si celle-ci n’est pas neuve, elle va depuis peu de pair avec l’ambition que les maladies mentales, a fortiori l’addiction, ne soient plus considérées comme des « maladies à part » mais « comme les autres » au même titre que le diabète, l’asthme ou le cancer. Dans cette optique, les neurosciences revêtent une importance particulière puisqu’elles offrent à la psychiatrie la possibilité de s’objectiver en identifiant les substrats organiques – neurobiologiques – des troubles mentaux. Mais la question se pose de savoir si une maladie a besoin d’être organique pour être dite réelle. Il nous semble que certains chercheurs, dans leur lutte contre le mythe de l’addiction, risquent de tomber dans l’écueil inverse de la normalisation des maladies mentales. En outre, même si nous n’adhérons pas à la conception sceptique de l’addiction, il y a cependant certains éléments – mis en évidence par les partisans de l’addiction comme mythe – que nous pensons devoir être pris en compte dans une enquête sur la nature de l’addiction.
Cet article s’interroge sur les addictions dans le bodybuilding. A partir de données qualitatives recueillies auprès de 30 bodybuilders masculins et d’une analyse de 27 magazines spécialisés, nous mettons en évidence que les pratiquants les plus engagés ont de fortes probabilités d’expérimenter trois types d’addictions : addictions liées au surentraînement, addictions liées au mode de vie consommatoire, addictions liées au mode de vie identitaire. Ces addictions se construisant dans le temps dans le cadre d’un processus, nous interprétons celles-ci à partir du concept sociologique de « carrière », ce qui nous permet de construire une pyramide de l’engagement et des addictions dans le bodybuilding, reliée notamment à la problématique du genre.
La principale cause de l'accroissement de cette dépendance est à mon avis la dépersonnalisation continue et constante, au détriment d'une individualité saine, d'une conséquente connaissance et approfondissement des émotions intimes. Cette accablante normalisation se produit également dans la dépersonnalisation de l'écriture. Pour Carl G. Jung, l'écriture est comme la création, et tous processus de création sont thérapeutiques en soi. Écrire renforce la conscience de soi et constitue une forme de soutien individuel, ce qui peut encourager l'individu à passer d'une forme de dépendance à une auto-assistance, car il met en évidence la possibilité de puiser dans ses propres ressources intérieures. La graphologie est la science de l'identification, à travers l'analyse du geste graphique interroge les caractéristiques psychophysiologiques de l'écrivain, sa réalité intérieure, ses humeurs et émotions. Graphologie et alphabétisation émotionnelle vont nous mettre en contact avec notre essence la plus authentique, la redécouverte de la composante sexuelle saine, authentique, joyeuse et libre de toute obsession, celle que chaque adulte doit posséder et être en mesure de vivre consciemment.
La frontière entre la santé et la pathologie est un lieu fascinant et dangereux, au caractère poreux et riche de familiarités des deux côtés, inavouées et coûteuses. Le terme d’addiction semble s’installer précisément sur cette frontière, gagnant en étendue médiatique ce qu’il perd en précision nosographique ; ainsi, aujourd’hui, nous serions « tous addicts » – au sucre, au téléphone portable, au chocolat, au café, aux soldes, à la chirurgie esthétique, à Facebook, à l’amour, cette liste pouvant être continuée par chacun d’entre nous puisque nous avons tous fait, nous faisons et ferons tous, l’expérience de la force des (mauvaises) habitudes, du désir, voire de la pulsion, de l’abus et de la dépendance. Notre société contemporaine semble stimuler cette expérience, en multipliant tant les objets addictogènes que les comportements addictifs : d’une part par le statut attribué aux biens sériels, d’autre part par la dimension pulsionnelle revendiquée dans les habitudes de consommation. Société du plaisir, peut-être plus hédoniste qu’épicurienne, l’époque contemporaine impose le plaisir et son désir comme nouvelle norme. Dès lors, quel est notre rapport à la pulsion, au désir compulsif, au dépassement des limites imposées aux besoins et aux envies socialement acceptables ? Comment notre société régule le désir ? Comment la politique et les médias concourent-ils à le structurer, voire à le prescrire ? Quels mécanismes à l’œuvre dans l’addiction contredisent cette prescription, et surtout : s’agit-il véritablement d’une contradiction ? Notre culture de performance et satisfaction rapides peut effectivement expliquer certaines dépendances induites par leur objet ; néanmoins, la véritable addiction mentale se nourrit d’éléments plus profondément constitutifs de l’identité de l’homme moderne et contemporain : avant tout, la fragilité des acquis, la proximité du vide, le décollement du besoin et du désir, la contrainte de l’indépendance esquissent un abîme, dont seuls les mots, le récit, pourra peut-être nous sauver.
Dans les débats académiques académiques ainsi que dans le débat public, le jeu problématique est souvent perçu soit comme une affection médicale et psychiatrique, soit comme étant de la responsabilité de l’individu qui joue. Les sociologues, en particulier, ont critiqué ces deux perspectives individualistes du jeu problématique, en avançant l’argument que le jeu n’a pas de sens inné, mais que sa définition dépend des conditions sociales. Au cours de cette discussion nous retracerons les racines de ces deux propos afin de montrer que les définitions sociales des jeux de hasard et d’argent de même que du jeu problématique dépendent de l’époque, des disciplines académiques et des contextes socioculturels. En poursuivant la réflexion en ce sens, nous proposerons ici de passer d’un point de vue individualiste à une vision plus sociale du jeu problématique au regard de la santé publique. En effet, en décloisonnant la prise en compte des conséquences du jeu problématique au seul individu et en élargissant la prise en compte de celles-ci à son entourage mais aussi à sa communauté, on attribue alors les problèmes à des comportements et non plus uniquement à des individus. Cette perspective permettrait dès lors d’avoir une vision plus globale et moins centrée sur l’individu, des problèmes liés aux jeux tout en discutant également de la responsabilité de l’industrie du jeu et des acteurs étatiques.
Le but de cette étude est de comprendre la relation complexe qui peut se nouer entre l’argent, le jeu et l’addiction dans la vie moderne. La conception de l’argent varie selon les significations données, les époques et les lieux. L’argent altère l’essence du jeu en y faisant entrer le défi du risque. Le fait de gagner de l’argent en jouant a souvent partagé les opinions : la séparation du jeu et du travail se base sur des croyances chrétiennes, mais aussi sur l’ambivalence dont le jeu a été doté dans la Modernité. La dépendance à l’habitude de jouer transforme l’usage et la valeur de l’argent chez les joueurs pathologiques. La dépense devient un jeu de gaspillage et la dépendance un outrage à la raison des joueurs. L’addiction est un mot-clé qui représenterait un dérangement dans la vie moderne : de nos jours, la dépendance est devenu un problème multiforme, car son développement n’est plus tributaire de l’usage des substances, mais souvent latent dans les habitudes quotidiennes (cf. les jeux, l’Internet, les achats).
Johanna Järvinen-Tassopoulos
Ce numéro monographique est né de l’idée d’inviter des chercheurs francophones à réfléchir sur la nature, sur la conception et sur l’impact de l’addiction dans les sociétés contemporaines. Trois perspectives préalables ont été proposées aux auteurs : celle du mythe, celle de la maladie et celle du problème social. Il était donc possible de réfléchir sur des théories et des débats qui contredisaient l’addiction, sur la pathologisation et la médicalisation de certains usages, comportements ou habitudes et enfin sur le contexte social où les addictions se développent. Les articles de ce numéro monographique mettent à l’épreuve les définitions et les conceptions anciennes et nouvelles, contemporaines et futures de l’addiction pour répondre à la question sur la nature, la compréhension et l’impact de celle-ci dans les sociétés d’aujourd’hui. Je remercie M. Valastro qui m’a invitée à diriger ce numéro monographique et tous les auteurs qui ont bien voulu partager leurs idées sur l’addiction avec les lecteurs.
Thierry Jandrok
Dans le cadre de cet article nous reviendrons sur le sens du terme d’«addiction» qui remplaça, il y a quelques années, celui de «toxicomanie». De nos jours, le discours politiquement correct ne stigmatise plus. Il ne présente plus, n’accuse plus. Il culpabilise et met l'accent sur la fonction consommatrice et la relation d’un individu aux pratiques et aux productions des plaisirs. On parle désormais d'usager, de consommateur. Ce personnage décrit par la vulgate contemporaine est distinctement inclus dans le système marchand des biens et des services. Que cachent ces arguties lexicales ? Quelle est le sens de cette démarche économico-politique qui privilégie la fonction sur le sujet ? Quel est donc ce clivage dans la définition de pratiques qui, bien que collectives, n'en restent pas moins singulières et, par conséquent, inaliénables ? L'addiction n'existe pas sans un référentiel théorique, politique et économique, sans un background à partir duquel certains sens se créent et s'échangent. Dans ce mouvement, l’addiction tend à s’effacer, en même temps que la subjectivité, derrière une brume sémantique qui hésite entre la stigmatisation de pratiques pathologiques singulières et comportements transgressifs, apparemment détachés des échanges. Dans ce cadre, nous interrogerons ces théories qui du semblant et de l’apparence proposent un sens à une fonction au détriment de ceux qui pourraient l’habiter ? Comment le sujet est-il déshabillé de sa consistance, de ses souffrances, de sa jouissance, et finalement de sa quête de bien-être ou de mal-être, au profit de discours qui n’entendent que l’enchaînement des actes comme preuves de qui il serait ? Le retrait de la composante maladive de l’addiction a dénaturé sa réalité. Sans la notion de mal ou le concept de maladie, comment faire valoir le bien et par conséquent redonner sens à la notion de «bien-être» ? Les lumières des discours du panoptisme contemporain repoussent les ombres de la subjectivité et de la dialectique. A leur place, elles proposent l’évidence, la preuve, les faits d’une fonction sociale sans jamais en questionner le sens ou les sens. Derrière cette pratique du discours se joue peut-être tout simplement le meurtre de la question dans les sociétés dites «postmodernes».
Mélanie Trouessin
La mise en évidence du statut de construction socioculturelle de l’addiction, le fait que l’on pourrait devenir addict à tout et la critique de la notion de perte de contrôle parlent, entre autres, en faveur d’un scepticisme vis-à-vis de l’addiction, auquel appartiennent ceux qui pensent que l’addiction consiste dans un choix pleinement assumé de l’individu, au sein d’un mode de vie. Une telle conception, empreinte ou non de moralisme, impute cependant une responsabilité à l’individu addict, un stigmate social ou moral très fort, synonyme d’un moins bon accès au soin. C’est pour contrecarrer cette stigmatisation que s’est instaurée une reconfiguration de l’addiction autour de la notion de maladie : si celle-ci n’est pas neuve, elle va depuis peu de pair avec l’ambition que les maladies mentales, a fortiori l’addiction, ne soient plus considérées comme des « maladies à part » mais « comme les autres » au même titre que le diabète, l’asthme ou le cancer. Dans cette optique, les neurosciences revêtent une importance particulière puisqu’elles offrent à la psychiatrie la possibilité de s’objectiver en identifiant les substrats organiques – neurobiologiques – des troubles mentaux. Mais la question se pose de savoir si une maladie a besoin d’être organique pour être dite réelle. Il nous semble que certains chercheurs, dans leur lutte contre le mythe de l’addiction, risquent de tomber dans l’écueil inverse de la normalisation des maladies mentales. En outre, même si nous n’adhérons pas à la conception sceptique de l’addiction, il y a cependant certains éléments – mis en évidence par les partisans de l’addiction comme mythe – que nous pensons devoir être pris en compte dans une enquête sur la nature de l’addiction.
Guillaume Vallet
Cet article s’interroge sur les addictions dans le bodybuilding. A partir de données qualitatives recueillies auprès de 30 bodybuilders masculins et d’une analyse de 27 magazines spécialisés, nous mettons en évidence que les pratiquants les plus engagés ont de fortes probabilités d’expérimenter trois types d’addictions : addictions liées au surentraînement, addictions liées au mode de vie consommatoire, addictions liées au mode de vie identitaire. Ces addictions se construisant dans le temps dans le cadre d’un processus, nous interprétons celles-ci à partir du concept sociologique de « carrière », ce qui nous permet de construire une pyramide de l’engagement et des addictions dans le bodybuilding, reliée notamment à la problématique du genre.
Alessandra Lumachelli
La principale cause de l'accroissement de cette dépendance est à mon avis la dépersonnalisation continue et constante, au détriment d'une individualité saine, d'une conséquente connaissance et approfondissement des émotions intimes. Cette accablante normalisation se produit également dans la dépersonnalisation de l'écriture. Pour Carl G. Jung, l'écriture est comme la création, et tous processus de création sont thérapeutiques en soi. Écrire renforce la conscience de soi et constitue une forme de soutien individuel, ce qui peut encourager l'individu à passer d'une forme de dépendance à une auto-assistance, car il met en évidence la possibilité de puiser dans ses propres ressources intérieures. La graphologie est la science de l'identification, à travers l'analyse du geste graphique interroge les caractéristiques psychophysiologiques de l'écrivain, sa réalité intérieure, ses humeurs et émotions. Graphologie et alphabétisation émotionnelle vont nous mettre en contact avec notre essence la plus authentique, la redécouverte de la composante sexuelle saine, authentique, joyeuse et libre de toute obsession, celle que chaque adulte doit posséder et être en mesure de vivre consciemment.
Rita Di Lorenzo
La frontière entre la santé et la pathologie est un lieu fascinant et dangereux, au caractère poreux et riche de familiarités des deux côtés, inavouées et coûteuses. Le terme d’addiction semble s’installer précisément sur cette frontière, gagnant en étendue médiatique ce qu’il perd en précision nosographique ; ainsi, aujourd’hui, nous serions « tous addicts » – au sucre, au téléphone portable, au chocolat, au café, aux soldes, à la chirurgie esthétique, à Facebook, à l’amour, cette liste pouvant être continuée par chacun d’entre nous puisque nous avons tous fait, nous faisons et ferons tous, l’expérience de la force des (mauvaises) habitudes, du désir, voire de la pulsion, de l’abus et de la dépendance. Notre société contemporaine semble stimuler cette expérience, en multipliant tant les objets addictogènes que les comportements addictifs : d’une part par le statut attribué aux biens sériels, d’autre part par la dimension pulsionnelle revendiquée dans les habitudes de consommation. Société du plaisir, peut-être plus hédoniste qu’épicurienne, l’époque contemporaine impose le plaisir et son désir comme nouvelle norme. Dès lors, quel est notre rapport à la pulsion, au désir compulsif, au dépassement des limites imposées aux besoins et aux envies socialement acceptables ? Comment notre société régule le désir ? Comment la politique et les médias concourent-ils à le structurer, voire à le prescrire ? Quels mécanismes à l’œuvre dans l’addiction contredisent cette prescription, et surtout : s’agit-il véritablement d’une contradiction ? Notre culture de performance et satisfaction rapides peut effectivement expliquer certaines dépendances induites par leur objet ; néanmoins, la véritable addiction mentale se nourrit d’éléments plus profondément constitutifs de l’identité de l’homme moderne et contemporain : avant tout, la fragilité des acquis, la proximité du vide, le décollement du besoin et du désir, la contrainte de l’indépendance esquissent un abîme, dont seuls les mots, le récit, pourra peut-être nous sauver.
Virve Marionneau
Dans les débats académiques académiques ainsi que dans le débat public, le jeu problématique est souvent perçu soit comme une affection médicale et psychiatrique, soit comme étant de la responsabilité de l’individu qui joue. Les sociologues, en particulier, ont critiqué ces deux perspectives individualistes du jeu problématique, en avançant l’argument que le jeu n’a pas de sens inné, mais que sa définition dépend des conditions sociales. Au cours de cette discussion nous retracerons les racines de ces deux propos afin de montrer que les définitions sociales des jeux de hasard et d’argent de même que du jeu problématique dépendent de l’époque, des disciplines académiques et des contextes socioculturels. En poursuivant la réflexion en ce sens, nous proposerons ici de passer d’un point de vue individualiste à une vision plus sociale du jeu problématique au regard de la santé publique. En effet, en décloisonnant la prise en compte des conséquences du jeu problématique au seul individu et en élargissant la prise en compte de celles-ci à son entourage mais aussi à sa communauté, on attribue alors les problèmes à des comportements et non plus uniquement à des individus. Cette perspective permettrait dès lors d’avoir une vision plus globale et moins centrée sur l’individu, des problèmes liés aux jeux tout en discutant également de la responsabilité de l’industrie du jeu et des acteurs étatiques.
Johanna Järvinen-Tassopoulos
Le but de cette étude est de comprendre la relation complexe qui peut se nouer entre l’argent, le jeu et l’addiction dans la vie moderne. La conception de l’argent varie selon les significations données, les époques et les lieux. L’argent altère l’essence du jeu en y faisant entrer le défi du risque. Le fait de gagner de l’argent en jouant a souvent partagé les opinions : la séparation du jeu et du travail se base sur des croyances chrétiennes, mais aussi sur l’ambivalence dont le jeu a été doté dans la Modernité. La dépendance à l’habitude de jouer transforme l’usage et la valeur de l’argent chez les joueurs pathologiques. La dépense devient un jeu de gaspillage et la dépendance un outrage à la raison des joueurs. L’addiction est un mot-clé qui représenterait un dérangement dans la vie moderne : de nos jours, la dépendance est devenu un problème multiforme, car son développement n’est plus tributaire de l’usage des substances, mais souvent latent dans les habitudes quotidiennes (cf. les jeux, l’Internet, les achats).