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    EN QUÊTE DE MYTHANALYSE

    Hervé Fischer (a cura di)

    M@gm@ vol.12 n.3 Settembre-Dicembre 2014


    • ÉDITORIAL

      Hervé Fischer

      Je suis heureux de présenter ce numéro spécial de la revue M@GM@ consacré à une importante quête de ce que pourrait être le champ de recherche et la théorie de la mythanalyse. Les auteurs réunis ici, suite de l’invitation que m’a faite Orazio Maria Valastro, témoignent de l’actualité et de la diversité des centres d’intérêt en mythanalyse. On voit bien que chacun, quant à la grille conceptuelle et à la méthodologie, y suit son propre chemin, car il n’en existe pas encore qui soit balisé et nous réunisse. Et il est fructueux aussi que chacun y aborde ses thèmes de prédilection.


    • LITTÉRATISATIONS ET ÉCRITURES MYTHIQUES

      Orazio Maria Valastro

      Quelles fabulations et imaginaires nourrissent les récits et les narrations contemporaines de l'île dans l'écriture, personnelle et collective, de l'expérience de la vie quotidienne ? C'est la question principale qui retient mon attention dans cette contribution, conjuguant une exploration indispensable de la littérature sur le mythe de l'insularité avec l'imaginaire paradigmatique d'une île, celle de la Sicile. La dégradation et la régénération du mythe de l'insularité dans la littérature et l'écriture autobiographique de l'île, depuis le mythe de l'île paradisiaque et de l'espace insulaire sacré, jusqu'au mythe de l'île australe et de l'espace insulaire utopique, sont soumises à la réécriture créative de l'imaginaire par les narrations contemporaines des quêtes mythobiographiques de soi et du monde pour situer l'expérience ordinaire des sujets dans le tout et dans la vie.


    • Jean-Jacques Vincensini

      Ces lignes souhaitent offrir une sorte de déambulation autour du principe d’immanence qui conduira à s’interroger sur la relation entre les couches géno-physique – le monde naturel, d’une part – et sémiotique (et, peut-être épistémique) – les mondes de l’esprit – de l’autre. Car c’est bien dans la relation entre ces deux mondes que va se poser le statut cognitif et émotionnel particulier de la littérature. Les perspectives suivantes orienteront mon argumentation : penser la relation de Lévi-Strauss avec la littérature implique de considérer tout d’abord avec un peu de précision les fondations philosophiques de l’idée que le mythologue se fait du sens ; cette idée, on l’éclairera, comme il se doit, en l’opposant différentiellement à une thèse concurrente aussi vivace dans les sciences de la nature que dans celle de l’esprit. On pourra alors, dans un deuxième temps, regarder la conception que Lévi-Strauss se fait du passage, crucial, du sensible à l’intelligible afin d’écouter finalement l’hymne à la littérature chanté par son œuvre.

    • DISCOURS MYTHIQUE ET CRÉATION

      Andrés Dávila - Martin Storme - Nils Myszkowski

      Traditionnellement, les analyses de discours se concentrent sur la description des structures et des réseaux socio-sémantiques grâce, entre autres techniques, à l'utilisation d'outils de statistiques textuelles. Dans cet article, nous proposons une démarche alternative qui positionne l'analyse en amont du discours et qui privilégie les éléments constitutifs d’un mythe comme une construction discursive. Se concentrer sur l'intention discursive permet d’appréhender différemment l’étude du discours portée par un mythe en rendant possible le déchiffrement de ses antécédents. Notre démarche vise à réaliser une typologie archétypale des intentions discursives pouvant expliquer l’origine des mythes. L'intention exprimée se réfère à un système de connaissances et de valeurs et vise à satisfaire des besoins précis. La typologie archétypale des intentions discursives émerge de l'ensemble des combinaisons possibles de trois types de connaissances – empiriques, scientifiques et intuitives – de trois types de valeurs – individuelles, contextuelles et universelles – et de trois types de besoins – physiques, sociaux et transcendantaux. Un discours/mythe n’est pas restreint à un seul archétype de la typologie proposée, il est le résultat d’une prioritisation de différents types de besoins, de connaissances, et des valeurs dans une combinaison unique et individuelle. Une telle typologie permettrait non seulement la description des intentions discursives constitutives des mythes mais aussi l'examen des tendances dominantes au sein d'une organisation ou d'un corps de métier, ou dans la société. Ce modèle est actuellement utilisé pour apparier des personnes indécises quant à leur orientation professionnelle à des métiers, sur la base d'un inventaire des intentions discursives déclarées.

    • Sylvie Dallet

      Lourd comme une pierre, fluide comme l’eau, chatoyant comme la vie, le mythe a une vie concrète et spirituelle protéiforme. On peut le « regarder de tous côtés sans déception », selon la définition du peintre chinois Liu Dan donne à propos des rochers qu’il aime à dessiner. Les êtres humains, lancés par un pertuis de chair dans le chaos du monde, acceptent leurs destins collectifs par ces formes en résonnance. Naître au monde, c’est refuser et accepter tout à la fois des contractions et des contradictions mythiques, qui vont nourrir aléatoirement une substance intime. Le nu, le naître et la force des choses sont extraordinairement liés aux lieux de vie et au pouvoir des transformations. Répondre à la question “qui invente les mythes?” est donc un exercice difficile : la vérité est la seule chose que l’on peut inventer, sera ma première réponse. Le mythe répond à une nécessité explicative du monde et sa forme concrète participe d’une énigme pérenne du vivant.

    • Ana Maria Peçanha

      Depuis que j’essaye de finir cet article, une pensée me ronge : pourquoi le corps continue-t-il d’être sourd ? Si la vie passe aussi vite, si nos jours sont remplis d’activités, si nos lectures nous font aspirer à des améliorations, nous invitent à résister à la pente et à reprendre notre histoire de vie, c’est quoi ce « ça » qui m’enlève le contrôle de mon corps et de mon Soi ? Tous les problèmes qui existent dans le monde sont, surtout, des problèmes humains, parce qu’ils existent dans la mesure où l’homme les perçoit. Et quand celui-ci est confronté à une situation problématique, il désire la comprendre mieux, notamment en l’abordant sous différents points de vue : social, mythique, éducationnel, artistique, philosophique, économique, scientifique, technologique, etc. En outre, l’homme peut percevoir toute la problématique d’une telle situation, et malgré de considérables connaissances et habilités, ne pas en comprendre les origines, les degrés de signification et les corrélations entre ses diverses composantes, au point d’être incapable de trouver des solutions efficaces. Cet échec se produit en grande partie parce que nous examinons isolément chacun de ses éléments, sans comprendre que le tout est plus important que l’agrégat de ses parties, et que l’altération d’un ou de plusieurs de ses éléments modifie les autres.

    • Lorenzo Soccavo

      La propagation plastique des mythes au sein des civilisations humaines et au fil du temps inscrit leur puissance mémétique dans la conscience des hommes. Nous sommes pris dans le filet tissé par l’évolutionnisme et le créationnisme, deux récits qui présupposent, pour le premier une loi immanente, pour le second une loi transcendante. Ce dualisme là est opérant, il bipolarise comme tout ce qui relève d’une double nature. La pensée mythique s’y originerait dans la faculté exceptionnelle du langage humain à se découpler du réel et à se référer à des réalités de l’espace intérieur et non plus du monde extérieur. L’animal fabulateur qu’est l’être humain a toujours inventé des machines à produire des simulacres, les récits mythiques et les livres en sont. Or, ces technologies de l’illusion fonctionnent trop bien. Elles nous maintiennent dans la croyance que ce que nous appelons du nom de “Réel” serait dans les réalités extérieures. Davantage qu’une matrice sémantique, le corpus mythique doit être envisagé comme une grossesse : un état transitoire entre un moment passé de fécondation, et celui, encore à venir de l’accouchement. Et là où la mythanalyse pourrait se concevoir comme une navigation pour remonter à la source d’un fleuve, la prospective de la lecture s’offre elle comme la quête d’un détroit de Magellan vers un océan intérieur : deux approches complémentaires pour les animaux fabulateurs que nous sommes.

    • MYTHANALYSES ET BASSINS SÉMANTIQUES

      Christian Gatard

      On peut considérer les mythes comme des récits que l’humanité se raconte pour affronter les temps difficiles. C’est Frazer dans le Rameau d’Or qui le formule ainsi. J’aime bien les ethnologues un peu démonétisés comme lui. C’est dans les vieilles poêles qu’on fait les meilleures omelettes. Et puis, il y a toujours eu des temps difficiles. Et tout le monde a toujours pensé que le futur serait difficile. On a donc toujours besoin de récits. Mais comment s’en servir ? C’est là qu’intervient l’automythanalyse considérée instrument de navigation sur le fleuve du devenir. Les travaux d’Hervé Fischer ont montré combien la mythanalyse est un outil essentiel du jardinage de l’inconscient, engin technique spécialisé dans les grands travaux de l’imaginaire. Je propose ici d’adapter l’engin à ma propre course vers les étoiles mais vous allez voir que cela va pouvoir vous servir à vous aussi, lecteur.

    • Mabel Franzone

      Le sujet central de cet article est le passage d’une idée archétypale, la Terre-Mère, la Pachamama au corpus juridique. La loi promulguée en Bolivie remet à l’honneur la cosmogonie des communautés quechuas et aymaras de l’Amérique du Sud, mettant en valeur des notions comme l’équilibre, le communautarisme, le droit à la vie et le droit aux bénéfices de notre Planète pour tous les êtres vivants. Ces notions suggèrent une subversion des systèmes de connaissance et des idéologies surgis durant la modernité. Les éléments analysés aboutissent à la prédominance d’un autre type de raison, la raison poétique qui est toujours présente dans la voix des gens, des peuples. Ce type d’événements permet de penser qu’un autre paradigme ou moment de changement de la connaissance est en train de s’imposer et que dans l’Amérique Latine il ne suit point les canaux officiels, c’est-à-dire les canaux universitaires. Ce paradigme en question inclut un retour du mythique, retour que devrait se traiter aux lumières de la mythanalyse.

    • Patrick Legros

      À partir de la figure mythique de la sirène, nous allons interroger le postulat historiciste de la mythanalyse en tant que méthode d’analyse sociologique. Le polythéisme de cette figure, pouvant être aisément rapprochée d’autres personnages mythologiques singuliers, implique que l’imaginaire tératologique ne disparaît jamais vraiment des productions iconographiques et littéraires et, en tant que tel, ne peut apparaître et disparaître selon un rythme scandant les moments de l’histoire culturelle pour reprendre les termes de Gilbert Durand. Ces entités fantastiques sont autant « puissances » que « formes » à l’œuvre, éclairantes ou souterraines. Elles permettent de relier l’homme à l’anthropologie. Il s’agira alors de dégager les traits caractéristiques de ce monstre mythique et d’étudier si l’évolution du mythe peut s’inscrire dans une histoire sociale.

    • FIGURES MYTHIQUES CONTEMPORAINES

      Georges Lewi

      L’être humain, « un roseau, le plus faible de la nature, mais un roseau pensant », a besoin de trouver sa place dans une quête quasi maladive. Le petit être humain a autant besoin d’une boussole que d’un biberon. Voilà à quoi servent les mythes : à trouver enfin sa place parmi les oppositions binaires qui nous assaillent : dedans/dehors, montagne/vallée, homme/femme, mort/vivant, dominant/dominé, Artiste/artisan… Or dans cette géographie de l’intime social, deux mythes s’opposent depuis la nuit des temps : celui de l’âge d’or, mythe collectif du retour en arrière et celui de Pandore, mythe individuel de la fuite en avant. Notre société et nos contemporains n’échappent pas à cette « fatalité ».

    • Luc Dellisse

      Le rôle du hasard dans la production des œuvres l’esprit est connu depuis l’antiquité. Il n’est pas un accident mais un élément implicite en œuvre, dans l’élargissement du champ du savoir. Ajouter, à cette notion stable, l’idée qu’il y aurait un trait distinctif de la nouveauté quand elle se produit ailleurs ou autrement que le résultat postulé, paraît contradictoire en poésie, et de façon générale dans le domaine de l’art. Il est possible que cette idée de sérendipité soit contradictoire aussi dans les domaines des sciences qui sont dites exactes non parce qu’on en définit à l’avance les limites, mais parce qu’on cherche comment en vérifier et à en reproduire les résultats. De ce point de vue, l’apparence d’un phénomène de langage glisse vers l’apparition d’un mythe nouveau. Ce mythe est-il une figure de notre époque ? Une signature de modernité ? Peut-il, au fond, exister des mythes modernes ?

    • Christian Chelebourg

      La mythanalyse, dans sa tentative pour « cerner les grands mythes directeurs des moments historiques et des types de groupes et de relations sociales », a mis l’accent sur la part d’imaginaire qui structure, à chaque époque, les systèmes de représentation et de pensée. Mais l’identification de ces mythes suppose un tel brassage de références que les choix opérés par l’observateur et déterminés par ses jugements de valeur influent grandement sur l’analyse. L’étude du contemporain est particulièrement délicate. Outre qu’elle se prête plus qu’aucune autre peut-être aux lectures partisanes, elle souffre en général d’un déficit de prise en compte des fictions de masse et de jeunesse. L’art et les spectacles ont certes leur place dans la démarche, mais filtrés par les goûts et les aversions de la culture savante. Cette forme de sélection, dont l’habitude a été prise dans le traitement des époques passées, présente l’inconvénient méthodologique d’ignorer les fictions les plus nécessairement en phase avec un vaste public, et donc les plus révélatrices de l’état des mentalités dominantes. On doit, semble-t-il, à cette lacune doublée de préjugés politiques et moraux, d’avoir donné de la culture post-moderne une interprétation sinon erronée, du moins parcellaire. Frapper une époque au sceau d’un mythe n’est pas un geste innocent, cela engage le sens de sa dynamique historique et sa philosophie de la vie. Raison de plus pour ne pas s’y risquer à la légère.

    • Jawad Mejjad

      Un mythe fondateur de notre vivre ensemble est celui de Protagoras : bien que le plus démuni de tous les animaux, l’homme a pu survivre, bien sûr grâce à l’habileté technique et le feu (merci Prométhée), mais surtout par les liens de l’amitié qui lui perminrent de s’organiser avec ses congénères et faire face aux dangers (merci Hermès). L’amitié est donc devenue, sans que l’on y pense vraiment, et ce qui est le propre du mythe, le socle de l’organisation de la cité. Or la modernité est venue, sans crier gare, jeter le trouble dans ce lac de l’amitié. En effet un des piliers de la modernité est la primauté de l’individu, tant dans la conception cartésienne (Je pense, donc je suis) que dans la réforme luthérienne mettant en relation directe l’individu avec Dieu. De cette conception individualiste, naîtra le sujet moderne, égal à son alter ego, mais concurrent. A la dualité amis - ennemis, succédera la dyade égaux – concurrents, avec pour corollaire l’abolition de l’amitié. Nous nous attacherons à montrer comment ce mythe de l’amitié a repris toute sa place dans cette postmodernité naissante, notamment à travers les réseaux sociaux et l’usage, abusif, du vocable « ami ».



    Collana Quaderni M@GM@


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    M@gm@ ISSN 1721-9809
    Indexed in DOAJ since 2002

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