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  • En Quête De Mythanalyse
    Hervé Fischer (a cura di)

    M@gm@ vol.12 n.3 Settembre-Dicembre 2014

    MYTHANALYSE DE L'IMPUISSANCE : CARNET DE TRANSGRESSION DU CORPS MALADE


    Ana Maria Peçanha

    anamaria@orange.fr
    Sociologue. Responsable du SFB : Séminaire Franco-Brésilien. Centre d’Etudes sur l’Actuel et le Quotidien. Université Paris Descartes, Paris.

    « Hervé Fischer on Instagram
    Observatoire philosophique de l'âge du numérique
    Mutations, mythes et magies.
    À l'opposé des catégorisations traditionnelles, nous nous proposons de lier la philosophie, la mythanalyse et l'art pour explorer l'âge du numérique avec la fascination critique requise.
    Du point de vue de l'épistémologie tout autant que de la méthodologie, nous avons choisi de lier la philosophie, la mythanalyse et l'art pour mieux comprendre l'impact des technologies numériques sur nos civilisations.
    Je parle des civilisations (occidentale, asiatique, indienne, africaine, indigènes), car il faut souligner que nous vivons, à l'heure de la mondialisation, dans un dialogue de civilisations, avec ses vertus et ses heurts, que le numérique ne saurait uniformiser, mais au contraire qu'il renforce. Car nous réinterprétons le mythe de la Tour de Babel comme le fondement de la société de l'information et de la diversité culturelle. »
    Hf

    La mythanalyse explore les imaginaires sociaux actuels, nos mythologies du XXe siècle, celles qui surplombent nos imaginaires individuels, déterminent nos valeurs et nos comportements collectifs d'aujourd'hui, le plus souvent à notre insu. Nos sociétés contemporaines ne sont pas moins mythologiques que celle des Grecs ou des Vikings, mais nous ne le savons pas. En ce sens, la mythanalyse écoute et interprète la société. Les mythes sont créés par les hommes, ils naissent et ils meurent, ils se transforment. Ce sont nos mythes qu'il faut changer, pour changer nos sociétés [1].


    Stade adulte papillons

    Selon Siddartha Gautama, le secret de la santé mentale et corporelle est de ne pas se lamenter pour le passé, de ne pas avoir d’inquiétudes en raison de ce que le futur nous réserve, et de ne se pas s’exposer en avance aux problèmes, mais de vivre sagement et sérieusement le présent.

    Depuis que j’essaye de finir cet article, une pensée me ronge : pourquoi le corps continue-t-il d’être sourd ? Si la vie passe aussi vite, si nos jours sont remplis d’activités, si nos lectures nous font aspirer à des améliorations, nous invitent à résister à la pente et à reprendre notre histoire de vie, c’est quoi ce « ça » qui m’enlève le contrôle de mon corps et de mon Soi ?

    Tous les problèmes qui existent dans le monde sont, surtout, des problèmes humains, parce qu’ils existent dans la mesure où l’homme les perçoit. Et quand celui-ci est confronté à une situation problématique, il désire la comprendre mieux, notamment en l’abordant  sous différents points de vue : social, mythique, éducationnel, artistique, philosophique, économique,  scientifique, technologique, etc.

    En outre, l’homme peut percevoir toute la problématique d’une telle situation, et malgré de considérables connaissances et habilités, ne pas en comprendre les origines, les degrés de signification et les corrélations entre ses diverses composantes, au point d’être incapable de trouver des solutions efficaces. Cet échec se produit en grande partie parce que nous examinons isolément chacun de ses éléments, sans comprendre que le tout est plus important que l’agrégat de ses parties, et que l’altération d’un ou de plusieurs de ses éléments modifie les autres.  

    Lors de son inauguration au début des années 50, la Biennale de São Paulo [2] espérait acquérir un rôle international fécond sur le plan artistique et promouvoir São Paulo en un centre artistique mondial.   J’étais à la 18ème Biennale Internationale de São Paulo [3] et elle était « en crise » comme observait Ferreira Gullar, soulignant que "l’origine de ce problème se place dans sa propre expression artistique ».

    Nous observons que l’art actuel ne peut plus se classifier comme avant entre des démarches et attitudes  innovatrices ou conservatrices. En outre les limites entre les diverses tendances deviennent très subtiles et difficiles à établir. Il devient même très complexe de distinguer les avant-gardes des « trans-avant-gardes ». (Vanguardismo : movimento cultural, artistico, cientifico, etc. que possui tendências combativas e avançadas). Ce que nous voyons, c’est un art “hybride”, plein de courants parallèles et variées, qui s’entremêlent dans une coexistence pacifique totale. Ou presque !

    Est-ce qu’il demeure une ligne de démarcation entre des démarches rationnelles et celles qui se fondent sur la libre intuition ? En réalité, le développement de l’art se produit par la relation entre ces deux courants, dans un processus dialectique qui nous permet de découvrir des créations d’une plus grande richesse grâce à la rencontre de ces deux postures.

    Aujourd’hui, regardant cette question du point de vue de la nationalité et de l’internationalité de l’art, on observe que les caractéristiques propres à chacun de ces mouvements artistiques se sont diluées dans un large courant d’uniformisation. Le fait que l’information, grâce aux technologies numériques, sur tout ce qui arrive sur la planète est de plus en plus accessible à de larges secteurs de la population, et peut s’imposer à nous, de façon impromptue, alors même que nous ne cherchons pas le nouveau, crée une situation inédite dans nos relations humaines et dans nos créations culturelles. Et cela d’autant plus que ces sources d’informations ne sont pas aussi variées qu’on le dit.

    Pourtant, chaque pays préserve encore des traits culturels spécifiques.  Et une analyse attentive du social peut devenir très révélatrice. En outre, il faut bien comprendre le moment de l’histoire personnelle de l’artiste qu’on étudie, prendre connaissance de son savoir-faire, de son bagage, de sa façon de vivre et d’exister dans le monde.  Ainsi qu’on peut comprendre que chaque pays laisse son empreinte et  affiche des signes distinctifs.

    Ce climat flou, hybride que démontre l’art actuel, sans lignes de force, sans exigence de normes, affaiblit les artistes plus discrets ou de faible personnalité et fait exceller l’art et la créativité d’autres qui vont se mettre en évidence par leur indépendance de vision et leur audace.
    La crise de la 18ème Biennale reflétait la crise de l’art de cette époque Son contexte international était différent de celui qui prévalait lors de sa création.  Les nomes comme John Cage [4], Alex Vallauri.

    Avançons dans le temps. Regardant le cadre artistique et social des acteurs sociaux actuels, comment lire leurs parcours et faire le travail de sociologue ? Constater. Comme un mythologue ? Comme un conteur ? Comme un écrivain ? Peut-être comme un théoricien de l’art ?
    Comment déchiffrer ce qui arrive aux créateurs ? Sans s’en remettre aux nombres et aux statistiques ? En préférant l’approche qualitative à une démarche quantitative. En étudiant le parcours et la vie d’un artiste, d’un point de vue social et personnel.  N’oublions pas que la vie, elle, continue. Une façon de lire les parcours des créateurs, c’est par exemple en les comparants aux récits mythiques. Réfléchir aussi aux tableaux, à l’expression artistique, à des histoires qui nous confortent, qui nous arrivent par la lecture, ou par nos propres expériences. 

    Je me souviens de l’histoire d’un fileur, brodeur, créateur exceptionnel.
    Avant de parler de ses créations et sa vie mythique, quelques observations sont nécessaires pour une meilleure compréhension de son vécu. Nise da Silveira, médecin psychiatre, responsable de la Colonia Juliano Moreira,  a présenté  sa contribution « La schizophrénie en images » lors   du 2e Congrès Nationale de Psychiatrie de Zurich dirigé par Carl Gustav Jung.  Après son séjour et ses études sur la théorie Junguienne, Nise da Silveira a eu la certitude de ses théories non violentes, et mis en application ses méthodes.

    Arthur Bispo do Rosario (1909/1989), un de ses patients,  a passé la majeure partie de sa vie, enfermé  à la Colônia Juliano Moreira, asile d’aliénées situé à Rio de Janeiro, Brésil.
    Pendant ses jours et ses nuits il à créer et exécuter ses broderies faites à partir de tous les types d’accessoires de couture, comme les boutons, les fils, les matériaux les plus divers, trouvés par terre, oubliés, sans utilité, il constituait ainsi son trousseau de création. Transformant  des draps, des vêtements colorés ou décolorées par l’usure, et des matériaux abandonnés, en étendards, capes et vêtements. Ayant vécu dans une inspiration mythique, à partir d’un drap, déstructuré à la main, il se donnait en quelques jours des montagnes de fils à broder. Jamais il ne se pensa un artiste, il était Dieu.  Ses tissages font partie de ses travaux artistiques.
    Bispo do Rosario avait créé aussi sa cape ou son manteau royal pour signaler sa distinction « d’être envoyé du ciel », comme le murmurait le divin, transformant son silence et sa persistance créatrice en une vie parallèle.  Il était habité par le mythe.

    Il a laissé quelques 1000 ouvrages, créés à partir d’emballages en carton, des journaux, des morceaux de papiers de tous types, de bois, etc. Tous les matériaux étaient bons pour réécrire son monde à partir du tissage de son destin. Est-il possible parler de coudre et découdre un destin ?

    Il existe aussi dans la nature une fourmi tisserande, l’Oecophylla smaragdina : La Fourmi tisserande [5] (Oecophylla smaragdina) quiappartient à la famille des Formicidae, sous-famille des Formicinae, de la tribu des Oecophyllini et du genre Oecophylla. C'est l'espèce type pour le genre. Sa particularité c’est de coudre les feuilles des arbres où elle habite avec le fil de soie que ses larves produisent pour construire ses nids. On retrouve cette espèce, l’Oecophylle smaragdina, en Inde, dans la République populaire de la Chine, en Australie et aux Philippines.

    Dans une autre culture, Robert Desnos, dans son poème « La fourmi » nous fait rentrer dans le monde de l’imaginaire :
    Une fourmi de dix-huit mètres
    Avec un chapeau sur la tête,
    Ça n’existe pas, ça n’existe pas.
    Une fourmi traînant un char
    Plein de pingouins et de canards,
    Ça n’existe pas, ça n’existe pas.
    Une fourmi parlant français
    Parlant latin et javanais.
    Ça n’existe pas, ça n’existe pas
    Eh ! Pourquoi pas ? [6]

    La fourmi joue un rôle important dans l’organisation du monde, selon la pensée cosmogonique des Dogon et Bambara du Mali. À l’origine lors de la première hiérogamie ciel-terre, le sexe de la terre était une fourmilière. A la dernière étape de la création du monde, cette fourmilière devient une bouche, d’où sortirent le verbe et son support matériel, la technique du tissage, que les fourmis transmirent aux hommes. Elles leur fournirent également le modèle de leurs habitations traditionnelles. Les rites de fécondité demeurent associés à la fourmi.
    Pour les Bambaras, les fourmis ndiginew sont réputées être en liaison avec l’eau invisible du sous-sol. Aussi, quand on veut forer un puits, ne saurait-on choisir meilleur endroit que l’emplacement même d’une fourmilière. (ZAHB, 220) [7]. La terre de cette fourmilière, rituellement utilisée par certaines sociétés initiatiques, symbolise l’énergie circulant dans les entrailles de la terre, prête à se manifester sous forme de source (ZAHB) [8].

    Et il y a bien d’autres exemples que je voudrais citer, pour montrer la richesse de ces démarches. En voici quelques-uns.
    Ainsi, Je voudrais souligner que l’Occident a reçu très peu d’informations sur l’immense répertoire mythique de l’Inde. Yves Beibeder nous dit que les grands mythes en Inde, occupent une position très importante, mais qu’ils ne sont pas perçus comme mythes dans le sens actuel du mot – « ils sont vécus.  Infatigablement repris, traduits, adaptés, remodelés pour servir au goût du temps présent. » Ils sont le terrain fertile où germe l’inspiration littéraire servant aussi à d’autres arts. Ces mythes ne portent pas des formes rigides, ses versions varient d’une région à une autre ; ils ont un rôle décisif dans la vie de l’imaginaire. En un mot, ils sont vivants. Y. Beibeder nous informe qu’André Malraux, fut en France l’écrivain qui a plongé de la façon la plus spontané dans les mythes de l’Inde. Et que seule Marguerite Yourcenar semble avoir être séduite par cette aventure de sensualité et de bonheur « Sur quelques thèmes érotiques et mythiques de Gita Govinda. »

    Hervé Fischer nous interroge, et nous n’avons pas les réponses à toutes ses questions. Malheureusement. « Qui invente les mythes ? » Les mythes sont le résultat de l’évolution du temps, de la pensée, de la condition de possibilités que les hommes s’accordent. De son regard vers l’histoire, la mythologie, les us et coutumes, les mœurs, l’art, la science. Et il faut avoir l’ouverture d’esprit pour comprendre que nous avons besoin d’un tout pour faire le monde.  L’homme, les animaux, le feu, l’eau, la terre, le ciel, les sentiments, les saisons. Ce sont les hommes, à partir de leur vécu, qui inventent les mythes. Parce que d’autres qui les ont précédés, les ont déjà racontés, vécus, inventés, transformés. Ils ont eu peur, vécu dans le bonheur, ont connu l’inquiétude du non connaissable, et on inventés des histoires pour se réconforter. 
    « … Mais où situer l’origine de la pensée mythique ? »
    Dans la pensée mythique elle-même, parce que des mythes élémentaires sont à son origine. Le cosmos.
    « Quels sont les domaines d’application de la mythanalyse ? »
    Tous les domaines sensés alléger notre passage dans ce monde.

    Notes

    [2] Primeira Bienal do Museu de Arte Moderna de São Paulo, 20/10/1951 à 23/12/1951.

    [3] La 18ème Biennale Internationale de São Paulo : 04/10/1985 au 15/12/1985.

    [4] Alex Vallauri : 1949 - 1986. John Cage : 1912 - 1992.

    [6] Robert Desnos. Chantefables et chantefleurs. Gründ, p. 42.

    [7] Dominique Zahan. Sociétés d’initiation Bambara. Le N’Domo, le Kore. Paris, La Haye, 1960.

    [8] Dictionnaire des Symboles. Mythes, rêves, coutumes, gestes, formes, figures, couleurs, nombres. J. Chevalier & A. Gheerbrant. Editions Robert Laffont /Jupiter. Paris, 1997. P. 482.



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