En Quête De Mythanalyse
Hervé Fischer (a cura di)
M@gm@ vol.12 n.3 Settembre-Dicembre 2014
UNE TYPOLOGIE ARCHÉTYPALE DES INTENTIONS DISCURSIVES POUR LA MYTHANALYSE
Andrés Dávila
andres.dvl@gmail.com
Docteur en Sciences de Gestion, Directeur de la recherche à www.praditus.com, étudiant en Master de Psychologie Clinique Psychopathologie Psychanalyse à l’Université Paris Descartes.
Martin Storme
martin@praditus.com
Docteur en Psychologie, Psychométricien à www.praditus.com.
Nils Myszkowski
nils@praditus.com
Docteur en Psychologie, Psychométricien à www.praditus.com.
De nos jours, les discours sont des outils utilisés par tous types d’organisations pour encadrer, former (Weick, 1995, 2005) et transformer les réalités organisationnelles (Boje, 1995, 2004, 2006; Buono et Savall, 2007). Les discours sont monétisés et, parce qu'ils jouent un rôle stratégique, ils deviennent des objets gérés et surveillés. Les discours officiels et communications internes des organisations viennent avec leur lot de risques mais aussi d’opportunités. Produire des discours articulés implique une grande responsabilité et au-delà de l’acte individuel, n’importe quelle organisation comme n’importe quel groupe peut être émetteur ou destinataire d'un discours. Pour ces raisons la communication est de nos jours gérée majoritairement par des spécialistes qui tentent de façonner le discours en fonction d’un but particulier. Pour faire face à la demande croissante de discours modelés à souhait, des départements spécialisés sont créés et financés dans de nombreuses organisations, quel que soit leur secteur d'activité.
Qu’est-ce qu’un discours ? C’est une synthèse limitée ou incomplète utilisée par une personne dans une langue spécifique afin de communiquer une idée. En linguistique, le discours est l'expression des idées et des pensées à l'aide de sons articulés vocaux, ou la faculté d’exprimer ainsi des idées et des pensées. Pour Harris et Komatsu (1993), il s’agit du langage mis en action et pris en charge par le locuteur. Selon les termes de Saussure, le discours est une prise de parole [1]. En somme, le discours est un ensemble de phrases reliées par une logique spécifique et « cohérente », faite de règles et de lois qui ne forment pas nécessairement une langue naturelle, et fournissent des informations à propos d’objets matériels ou immatériels. Nous faisons l’hypothèse que des idées exprimées dans un discours renvoient à un système de références acquises ou apprises qui seraient identifiables et qui tracent le contour des intentions de l’émetteur. De plus nous défendons l’idée selon laquelle chaque discours peut porter en lui certains éléments originaux, mais avant tout une base humainement commune, structurante et qui peut être définie comme archétypale.
Comment intégrer l’analyse des mythes dans l’approche que nous proposons dans ce texte? Nous reprenons dans notre proposition théorique la vision de Paul Ricœur sur la nature discursive des mythes:
“Si le mythe est un discours, c'est-à-dire une suite d'énonciations ou de phrases qui portent sens et référence, il faut admettre que le mythe dit quelque chose sur quelque chose. C'est ce dit du dire qu'il faut maintenant isoler. On adoptera ici l'hypothèse de travail selon laquelle le mythe est un « récit des origines ». Ce caractère n'a pas été dégagé, mais seulement préparé par l'analyse structurale et par l'interprétation métaphorique”.
(Paul Ricoeur, « MYTHE - L'interprétation philosophique », Encyclopædia Universalis consulté le 24/09/2014).
Notre approche s’inscrit donc dans une démarche structurelle visant à identifier les origines des mythes que nous nommons des intentions discursives. Dans cette perspective nous nous inclinons à croire que les origines d’un mythe ou les intentions discursives d’un mythe sont de nature archétypale. La notion d’archétype est centrale dans notre proposition. Nous y reviendrons plus en détail dans la deuxième partie de l’article.
D’une certaine manière nous pourrions imaginer que chaque discours-mythe correspond ainsi à un système qui lui est propre, à un archétype qui s’applique de manière systématique (consciente ou inconsciente) dans l’expression d’un message ou dans un comportement. La variété des discours pouvant exister correspond à une série de valeurs (axiomes), de connaissances (épistèmes) et de besoins (volitions) distincts, souvent contextualisés et portés par des individus ou des organisations. En ce sens, le processus d’élaboration d’un discours peut être envisagé comme étant archétypal, malgré le fait que le contenu puisse sembler inédit de prime abord.
Dans le contexte actuel, des “nouveaux discours” ou des discours améliorés semblent promouvoir une évolution organisationnelle ou sociétale façonnant les réalités personnelles et institutionnelles (développement durable, responsabilité sociale des entreprises, transhumanisme, etc.). Est-ce possible que quelques visionnaires (décideurs, gestionnaires, employés talentueux, artistes, etc.) fournissent et soutiennent de nouvelles idées pouvant contribuer à réécrire ou créer des nouveaux mythes ?
Ce raisonnement suppose que les organisations et les individus envisagent leur propre métamorphose (Bakhtin, 1968 ; Boje & Cai 2004) à travers les discours qu’ils génèrent et donc par la construction des mythes. D'importantes sommes d'argent sont investies dans des projets de transformation et de conseil qui trouvent souvent leur justification dans les discours recueillis au moyen d'entretiens et de questionnaires. Ces projets visent à clarifier les discours existants ; mais comment préparer et faire croître les mythes ?
Quel est le sens qui se cache derrière les discours ? Avec l'ambition de développer une meilleure compréhension de leur véritable sens, l'analyse du discours a attiré l'attention de chercheurs dans des domaines variés. La recherche portant sur les discours est le plus souvent qualitative et est conduite d'abord par le biais d'entretiens et puis par le biais de l'analyse textuelle entre autres méthodes. Le but de l'analyse du discours est souvent d'en identifier le sens mais aussi d'en mesurer l’influence dans les milieux sociaux, politiques et économiques. Néanmoins, les discours portent un nombre d'interprétations illimité. Les techniques utilisées pour l'étude et la déconstruction des discours (Derrida, 1973) restent heuristiques et contextuelles. Leurs résultats semblent souvent difficiles à étendre hors du contexte particulier; nous avons besoin d'une méthode systématique et d’une grille synthétique pour pouvoir comparer des archétypes de fonctionnement discursif. Ainsi nous proposons une grille de lecture pour déconstruire les mythes et découvrir ses composantes originaires, comme s’il s'agissait des intentions discursives; concept que nous exposerons en détail dans ce texte. Cette grille ne vise pas à classer ou à figer un discours, un comportement ou encore moins un mythe ni dans le temps ni dans l’espace. Elle donne la possibilité de comprendre le système de besoins, de valeurs et de connaissances constitutives, peut-être, de l’origine du mythe. Notre outil d’analyse permet de placer des éléments selon des coordonnées dans une carte imaginaire dans laquelle un objet peut se déplacer d’un point à un autre et donc évoluer.
Cet article est structuré en cinq parties. La première partie explique l'utilité de notre approche pour étudier les intentions discursives. La deuxième partie permet l'introduction des concepts indiquant le motif du modèle de DI (Intentions discursives). La troisième partie définit les dimensions du modèle des intentions discursives et ses composants. La quatrième partie introduit les combinaisons qui permettent d’établir 27 types d’intentions discursives pouvant servir à expliquer des mythes. La cinquième partie présente l’application actuelle de notre recherche et une mise en perspectives de nos travaux par la mise en pratique de notre méthode dans l’analyse des quelques mythes.
I. POURQUOI ANALYSER LES INTENTIONS DISCURSIVES (DI) DANS LA CONSTRUCTION DES MYTHES?
Au lieu d'étudier la langue ou le discours contenu dans un mythe comme un objet, nous proposons une nouvelle approche qui laisse le terrain libre à un modèle typologique référençant des éléments clairement identifiables. Nous avons choisi de positionner notre analyse en amont de l’analyse du discours “mythique”, en mettant l'accent sur les éléments qui structurent ce discours et qui sont, selon nous, les intentions d'actions discursives. Notre méthode vise à classer les types d'intentions qu'un individu, un groupe ou une organisation ont lorsqu'ils produisent un discours. Cette nouvelle approche vise à éviter les erreurs d'interprétation afin de concilier les idées et les discours véhiculés par les individus. Le discours ne serait donc pas considéré uniquement comme un ensemble sémiotique, mais comme un méta-système (Turchin, 1977) déterminé par des composantes également psychosociales. L'étude des intentions discursives pourraient en outre révéler l’influence d'autres facteurs individuels comme par exemple : la place occupée dans la société, le type d’emploi, le sexe, l'âge, la culture d'origine de l’émetteur d’un discours, etc. Les intentions discursives représentent pour nous les structures des différents processus de raisonnement qui mènent à l'action et donc à la création des mythes. Les intentions discursives ouvrent un nouveau champ à l'analyse du discours. En effet, il est possible de déchiffrer les causes de certains discours, de les comprendre et donc de les anticiper. Au lieu d'étudier ce qui se dit, nous proposons d'étudier le système fondateur de besoins, de valeurs et de connaissances porté dans le récit. Le concept d’intention discursive offre une perspective intéressante. L'étude d'un « discours déjà construit » est évitée pour se concentrer sur le sens originel. Les études menées sur un discours aident à décrypter son contenu, son but et son impact. Toutefois, ces considérations sont souvent loin de l'objectif initial de l'émetteur. Dans l’analyse de mythes cela abouti à une infinité d’intégrations s’avérant selon le cas plus au moins justes.
Il est impossible de réduire toutes les interprétations d'un discours/mythe à un nombre prédéterminé. Néanmoins, la mise en place d'une classification pourrait faciliter la comparaison des différents types de structure d'intentions discursives. Notre approche fournit un outil permettant l'identification par l'agrégation des discours de l'individu et du groupe des « potentiels discursifs » contenus dans un mythe. Cette approche respecte une posture dialogique qui prend en compte la polyphonie organisationnelle (Bakhtin, 1982).
Notre proposition se fonde entre autre sur la théorie de l'action dans laquelle Davidson (1963) a suggéré de trouver la justification d'une action dans sa causalité en regardant l'intention qui l'a produite. En suivant cette hypothèse, nous considérons le fait de produire un discours comme une action, qui, pour être comprise, doit être analysée en fonction des intentions qui en sont à l'origine. Les intentions peuvent être considérées comme étant les structures qui façonnent l'action (dans notre cas l'acte de produire un discours). Suivant la même inspiration que Davidson, Foucault trouve les sources de langue dans la volonté profonde de son émetteur. Davidson (1963) et Bratman (1990) ont insisté sur l'importance des croyances et des désirs aux fondements de l'intention. En s'inscrivant dans la continuité de leurs idées, nous proposons une classification qui sera utilisée pour organiser ce que nous appelons les «intentions discursives». Finalement, nous rapprocherons notre proposition de la théorie psychanalytique afin de mettre en évidence des éléments équivalents dans notre proposition théorique.
II. LIER INTENTION, DISCOURS ET ARCHETYPES
a. L’intention
L’intention est étudiée en psychologie populaire dans le cadre de l'examen de la relation entre l'esprit et de l'action. Ces questions sont débattues, car elles supposent un lien entre la rationalité et de l'intention. Le monisme anomal de Davidson [2] (Jacob, 1998) dépeint un lien singulier, mais non absolu entre les états mentaux et physiques. Piaget (1967) affirme également qu'il n'y a pas de vie mentale sans vie organique. Selon Bratman (1990), l’intention est à la fois une entrée et une sortie d'un processus de raisonnement intimement liée à l'action. Piaget définit l'interaction entre les mondes externe et interne d'un individu par le principe d'autorégulation, aussi appelée "équilibrage" (Piaget, 1967). Grâce à "l'équilibre", les milieux génétiques et le développement (la vie organique) et les configurations structurelles et cognitives (la vie mentale) s'adaptent. Nous considérons l’intention comme étant l'adaptation entre les configurations structurelles et cognitives.
Définition choisie :
“Intention : l'objectif ou le but à l'origine d'une action spécifique ou d'un ensemble d'actions, la structure de la pensée.”
Ainsi, l'intention repose sur un processus de raisonnement qui précède l'action. Ce processus de raisonnement (qui compare les avantages et les inconvénients) est construit avec des intentions "profondes" et génère des intentions imaginaires, rationnelles, pratiques, etc. menant à l'action (Bratman, 1999). Les intentions profondes sont des éléments métaphysiques qu'un individu a acquis et qu’il ne remettra pas en question (Bratman, 1990). Mais ces intentions profondes alimentent ensuite les intentions d'agir qui supposent des choix influencés par la raison, par la volonté, par des croyances, des désirs. Dans la psychologie populaire, l'intentionnalité est une attitude propositionnelle, un état mental reflétant la croyance, le désir, l'espoir, la peur, etc. Davidson (1963) décrit les croyances et les désirs comme étant à l'origine de l’intention. Pour lui, ces deux dimensions sont suffisantes pour analyser le contenu intentionnel qui précède l'action. Les croyances et les désirs seraient donc des attitudes propositionnelles, mais cette proposition est largement débattue. Nous ne voulons pas entrer dans ce débat philosophique et épistémologique. Notre but est de contribuer en proposant un outil qui doit être testé et amélioré. Cet outil utilise l'action de produire un discours/mythe comme une référence d’étude. En effet, nous pensons que c'est le seul élément à travers lequel nous pouvons accéder aux structures à l’origine d'un discours/mythe.
b. Le discours comme une action: celle de production d’un mythe ?
Foucault analyse le discours dans l'histoire. Ces travaux l’ont amené à proposer une nouvelle représentation de la manière dont le discours évolue. Sous l'influence du professeur Bopp, philologue et linguiste du XIXe siècle allemand, Foucault nous offre l'explication suivante :
« Les analyses de Bopp devaient avoir une importance capitale non seulement pour la décomposition interne d’une langue, mais encore pour définir ce que peut être le langage en son essence. Il n’est plus un système de représentations qui a pouvoir de découper et de recomposer d’autres représentations ; il désigne en ses racines les plus constantes des actions, des états, des volontés ; plutôt que ce qu’on voit, il veut dire originairement ce qu’on fait ou ce qu’on subit ; et s’il finit par montrer les choses comme du doigt, c’est dans la mesure où elles sont le résultat, ou l’objet, ou l’instrument de cette action ; les noms ne découpent pas tellement le tableau complexe d’une représentation ; ils découpent et arrêtent et figent le processus d’une action. […] Comme l’action, le langage exprime une volonté profonde. » (Foucault M., 1966)
Ainsi, Michel Foucault insiste sur la "volonté" d'un locuteur d'élaborer une langue. À la lumière d'une réflexion similaire, Davidson (1963) propose que l'action soit la conséquence directe de croyances et de désirs. Cette approche souligne l'intentionnalité comme une condition suffisante qui détermine l'action. Foucault considère la volonté comme la racine de la langue et du discours qui la contient, Davidson considère l'intention comme cause de l'action. La théorie de Davidson de l'action d'une part et le concept de Foucault de la langue comme l'expression d'une volonté fondamentale profonde d'autre part nous amènent à rechercher les causes d'un discours dans son intentionnalité, ce qui explique l'accent mis sur «l'intention discursive» dans notre recherche. L'objectif est d'étudier les structures ou les structures de la pensée résultant de l'internalisation progressive des comportements. Cela permet d'établir expérimentalement les effets de ces structures, même lorsque le sujet étudié ignore l'existence de ces structures (Piaget, 1967).
Néanmoins, l'intentionnalité n'est pas suffisante pour expliquer toutes les actions. D'autres facteurs entrent en jeu comme la conscience ou les «qualia [3]» (Dokic, 2000). Ces éléments liés à des perceptions physiques ou états mentaux ne sont pas pris en compte dans notre approche. Il serait nécessaire de valider l'influence des intentions discursives en analysant les discours enregistrés au cours d'un processus expérimental sur un échantillon représentatif et en les confrontant aux types proposés dans le présent document. Aussi d’un point de vue psychanalytique il serait intéressant de travailler sur les instances qui peuvent entrer en jeu dans divers discours mythiques sur un personnage (le héros, le clown, le martyr, etc.) ou sur une histoire (l’odyssée, l’épopée, saga légendaire, etc.).
c. Le mythe comme construction discursive archétypale
Un archétype (du grec arkhetupon, du latin archetypum) est au sens étymologique un modèle général. Cette notion est souvent rattachée aux travaux de Jung (1950-1954) pour qui les tendances comportementales sont structurées par des thèmes universels. Ces thèmes universels ou archétypes font partie des constituants élémentaires de la culture. Ils se manifestent sous différentes formes, dans les récits ou encore dans les rêves, et sont communs aux différentes civilisations qui se sont succédées dans l’histoire. En somme, on peut trouver la manifestation des archétypes dans la diversité des productions de la culture. Le discours et donc le mythe étant aussi un produit de la culture, nous faisons l’hypothèse qu’une démarche analytique comparable à celle de Jung (1950-1954) pourrait être appliquée à la classification des intentions discursives ou origines de certains mythes. Dans d’autres termes, cela signifie que chaque nouveau discours serait structuré à partir d’éléments archétypaux. Ces éléments façonneraient ainsi les inconscients individuels et collectifs et traverseraient toutes les époques et les organisations humaines.
III. LE MODÈLE DI (Intention Discursives)
Dans cette partie nous souhaitons mettre en parallèle notre proposition avec des théories psychologiques, neurobiologiques, philosophiques et finalement psychanalytiques que nous considèrerons comme fondamentales. Ce qui nous intéressera principalement dans ces différentes théories et leur manière d’approcher leur objet de recherche par une démonstration théorique qui intègre systématiquement 3 niveaux de complexité. Nous nous inspirerons de ce paradigme “en 3” qui parait archétypal pour concevoir nos trois dimensions, contenant chacune trois niveaux de complexité.
- Dans le cadre de la psychologie: nous définissons les « intentions discursives », comme les éléments proposés par Davidson pour l'intention - à savoir: les croyances et les désirs - puis nous les avons mis en rapport avec la vision de Foucault du discours et avec ce que Piaget appelle « Les structures de la pensée formelle » (Piaget, 1967).
Nous avons re-catégorisé "les croyances” de Davidson en deux dimensions : l'une est axiologique (Valeurs - Hartman, 1969), l'autre épistémologique (Connaissances). Nous redéfinissons aussi les désirs comme étant équivalents à des besoins et utilisons la théorie de la motivation qui hiérarchise les besoins humains afin d’intégrer différents niveaux de référence (Forbes, 2011). Grâce à une logique inductive résultant d’une recherche appuyée sur des méthodes qualitatives (entretiens), nous avons observé en comparant des récits, l'existence de paradigmes ou archétypes que nous avons volontairement choisi de classer dans un modèle à trois dimensions toujours rattachées au concepts définis précédemment (besoins, valeurs connaissances). Ces trois niveaux sont récurrents dans chacune des dimensions. Le premier niveau est fondé sur la perception individuelle de l'existence et de l'expérience : le discours est construit autour de la préoccupation de son émetteur. Le second niveau est fondé sur l'interaction sociale : le discours est construit avec des préoccupations collectives. Enfin, le troisième est communément qualifié par un grand nombre de philosophes comme étant une recherche transcendantale : le discours est construit avec une idée lumineuse, au-dessus des personnes et des préoccupations temporelles (Kant, 1781). Ces trois dimensions et ces trois niveaux sont utilisés pour construire non seulement un discours ou un mythe, mais aussi un cadre de perception et d'action.
- Dans le cadre de neurobiologie : MacLean en 1967 a développé la théorie des Trois Cerveaux. Il se représentait les pensées humaines et la perception comme le résultat de l'agencement de trois parties du cerveau apparues à différentes étapes de l'évolution : une partie proto-reptilienne, une partie paléo-mammalienne (liée au cerveau limbique) et enfin une partie néo-mammalienne (liée au néocortex). Dans cette logique évolutionniste, le cerveau reptilien peut être considéré comme un premier niveau qui implique des comportements instinctifs tels que : l'alimentation, les combats, la fuite, et la reproduction. Les choix instinctifs nourrissent les intentions avec une concentration particulière sur la survie et les besoins physiologiques. Le cerveau paléo-mammalien favorise l'interaction sociale dans la formulation des intentions : un besoin de reconnaissance et d'affiliation devient central, le partage des connaissances une norme standard, logique et rationnelle. Le cerveau néo-mammalien ajoute de nouvelles capacités à l'homme : ce dernier est désormais capable de mobiliser le symbolisme et l'abstraction dans la création de nouvelles alternatives. Cette capacité est similaire aux processus intuitifs décrits par Kant (1781) et Bergson (1946).
- Dans le cadre de la philosophie : sans faire une analogie directe, Foucault (1966) voit aussi une mise en place progressive de trois niveaux de connaissance:
1. Pour Foucault, l'époque classique précède le XVIIIe siècle, les mots sont utilisés dans leur valeur résiduelle, les mots et les choses sont équivalents. Cela représente le mode d'expression unique de la connaissance. Aucune distance n'est maintenue entre l'idée exprimée par un mot et le mot lui-même (mots = choses).
2. Après le XVIIIe siècle, la connaissance est considérée comme un élément essentiel de la modernité. Un nouveau niveau de complexité est assimilé. La linguistique apparaît et révèle un sens profond dans un langage qui pervertit le sens visé par l'émetteur du discours. Les mots et les discours ne reflètent pas toute la complexité des idées qu'ils soutiennent. La connaissance est compartimentée, classée de manière semblable à la finitude biologique de l'homme.
3. Mais Foucault décrit un troisième niveau de connaissance. Dans une quête pour ressusciter le discours, un langage transcendantal est élaboré. Cette position est fondée sur le « surhomme » de Nietzsche, mais pourrait également renvoyer à l'œuvre de Kant (1781), qui spécifie une constante évolution de l'humanité. Ce mouvement avec l'idée d'un potentiel non-limitée, permet d'imaginer une étape au-delà de la finitude humaine. Au-delà de la pensée est l'impensé. Cet état supérieur de la transcendance autorise le retour des discours sur la conciliation de mots (intégrant la profondeur d'idées) et des choses.
Les trois niveaux que nous avons exposés s’inspirent entre autres des travaux de Foucault et de MacLean. Nous intégrons ces trois niveaux au sein de chacune des dimensions (valeurs, connaissance et besoins) qui structurent l'intention discursive. La combinaison des trois niveaux de discours avec les trois dimensions constitue notre modèle de 27 types d’ « intentions discursives ».
- Dans le cadre d’une perspective psychanalytique pouvant s’appliquer aux intentions discursives : Il nous parait important de souligner que notre proposition peut se rapprocher par des équivalences à des concepts psychanalytiques des diverses écoles pouvant paraitre parfois éloignés ou même incompatibles. Nous avons cité précédemment Jung (1950-1954) dans l’explication de la notion d’archétype, néanmoins, il nous parait opportun de citer aussi les travaux freudiens sur le ça, le moi et le sur-moi - idéal du moi (Freud, 1922/1923). En effet, malgré les divergences bien connues entre ces deux auteurs, nous ne voyons pas que des incompatibilités mais aussi des convergences entre eux.
Ainsi les trois niveaux dans chacune des dimensions composant notre modèle « d’intentions discursives », seraient archétypaux (selon l’idée de Jung) et correspondraient aux instances psychiques de la psychanalyse freudienne (le ça, le moi, le sur-moi/idéal du moi). Dans notre analyse nous proposons trois dimensions : besoins, connaissances, valeurs, et trois niveaux qui composent ces dimensions : l’individu, le social et le transcendantal. En rapprochant nos dimensions et leurs niveaux des trois instances freudiennes nous pourrions dire que : 1) le « ça » répond à des besoins basiques ou physiologiques gouvernés par les lois ou les valeurs du désir (Freud, 1920). Il répond à son désir par la connaissance empirique de la satisfaction (avoir, manger, dominer). Nous pourrions dire du « moi » qu’il se construit et se développe par la satisfaction des besoins du lien avec l’autre (objet) en répondant à des règles du « socius » (valeurs sociales), suivant un ensemble de connaissances protocolaires, scientifiques, sociologiques communément partagées en communauté. Finalement nous pourrions dire que le couple sur-moi – idéal du moi correspond à la recherche de satisfaction des besoins métaphysiques ou d’un idéal. Ce type de besoin est lié à des composantes narcissiques (Freud, 1914). Ici la satisfaction des idéaux (besoins de transcendance) est gouvernée par une recherche « du vrai, du beau, du juste », dont la quête des connaissances est poussée par l’intuition et la créativité. La théorie des pulsions (Freud, 1915) est également à prendre en compte dans la manière où ces différents niveaux interagissent et pourraient intégrer les récits des mythes. Nous proposerons plus tard dans ce texte une analyse appliquée des mythes grâce à notre modèle « des intentions discursives » en intégrant également la notion de pulsion.
IV. 27 INTENTIONS DISCURSIVES POUVANT SE TROUVER DANS L’ORIGINE DES MYTHES
Ainsi, grâce au modèle proposé, nous pensons qu'il serait possible d'identifier les intentions qui façonnent les discours - mythes. Suite à cette proposition, les intentions discursives sont bâties sur trois échelles :
dimensions |
niveau 1 |
niveau 2 |
niveau 3 |
besoins |
basiques et de survie |
sociaux |
transcendantales |
connaissances |
empiriques |
scientifiques |
intuitives |
valeurs |
individuelles |
sociales |
universelles (spirituelles) |
Pour construire les échelles, nous avons adopté les définitions suivantes :
Dimension 1 – Besoins :
Niveau 1: Besoins physiologiques de base qui peuvent renvoyer aux désirs ou à l'instinct. Les intentions viennent du besoin de manger, de boire, de survivre, pour répondre aux préoccupations de santé et de sécurité (Maslow, 1987; Forbes, 2011).
Niveau 2 : Besoins sociaux qui impulsent les intentions de satisfaire un besoin d'appartenance à un groupe, de trouver la reconnaissance, un statut et une interaction en groupe (Maslow, 1987; Forbes, 2011).
Niveau 3: Besoins transcendantaux qui sont liés à la poursuite d'un sens, d'un but, un besoin d'aller au-delà des structures contemporaines, pour satisfaire les besoins de la création (Kant, Nietzsche, Derrida et Foucault).
Dimension 2 – Connaissance :
Niveau 1: L'expérience est un ensemble de techniques et de principes appliqués à l'action et qui sont acquis physiquement, verbalement ou mentalement. Ils renvoient généralement à un savoir-faire ou à des connaissances procédurales. En philosophie, ce niveau est décrit comme « la connaissance empirique » ou « une connaissance a posteriori " (Kierkegaard, 1981, 1989).
Niveau 2: La Science construit des connaissances et des principes accumulés par l'utilisation de méthodes, de protocoles, de l'expérimentation, de la déduction / induction. La Science (du latin scientia, ce qui signifie « connaissance ») est une entreprise qui construit et organise les connaissances sous la forme d'explications et des prédictions du monde qui peuvent être testées (Karl, 1959, Turchin, 1977). Dans notre modèle, il décrit le raisonnement rationnel ou logique.
Niveau 3: L'Intuition correspond à un troisième niveau de connaissance (Bergson, 1946). Ce niveau est intuitif - il s'agit de la connaissance par l'inspiration et les principes qui sont uniques, nouveaux et qui perturbent les normes en les dépassant. Ces discours contestent les hypothèses passées ou apportent des innovations révolutionnaires (Kant, Nietzsche, Derrida, Foucault).
Dimension 3 – Valeurs (Schwartz & Bilsky, 1987) :
Niveau 1: les valeurs individuelles soutiennent les intentions discursives d'une valeur individuelle de base qui permettent à une personne de faire la distinction entre le bien et le mal en partant de sa seule perspective.
Niveau 2: les valeurs contextuelles sont à l’origine d’intentions sur les normes et valeurs assimilées dans des environnements spécifiques tels que l'église, le travail ou l'éducation.
Niveau 3 : Les valeurs universelles correspondent à des intentions qui transcendent l’individu, le groupe, l’organisation, ou les valeurs sociales et à les défendre comme valides et applicables à tous.
La combinaison des trois échelles permet de définir 27 types. Notre recherche tente d’établir le type d’intention discursive qui pourrait être constitutif d’un mythe. Ces 27 archétypes ont été nommés et expliqués dans le site de Praditus https://www.praditus.com/#!/c/types :
Voici les détails des types qui ont été définis selon le modèle que nous avons expliqué précédemment.
TYPHOLOGIE ARCHETYPALE D’INTETIONS DISCURSIVES POUR L’ANALYSE DES MYTHES
besoins |
connaissances |
valeurs |
Types ( www.praditus.com) |
basiques |
empiriques |
individuelles |
The Cave Dweller |
basiques |
empiriques |
contextuelles |
The Observer |
basiques |
empiriques |
universelles |
Average joe/ jane |
basiques |
scientifiques |
individuelles |
The Opportunist |
basiques |
scientifiques |
contextuelles |
The Pragmatist |
basiques |
scientifiques |
universelles |
The Caregiver |
basiques |
intuitives |
individuelles |
The Hunter |
basiques |
intuitives |
contextuelles |
The Improviser |
basiques |
intuitives |
universelles |
The Wizard |
sociaux |
empiriques |
individuelles |
The Challenger |
sociaux |
empiriques |
contextuelles |
The Peacemaker |
sociaux |
empiriques |
universelles |
The Activist |
sociaux |
scientifiques |
individuelles |
The Recognition Seeker |
sociaux |
scientifiques |
contextuelles |
The Sociaux Planner |
sociaux |
scientifiques |
universelles |
The Researcher |
sociaux |
intuitives |
individuelles |
The Communicator |
sociaux |
intuitives |
contextuelles |
The Sociaux Chameleon |
sociaux |
intuitives |
universelles |
The Team Player |
transcendantaux |
empiriques |
individuelles |
The Explorer |
transcendantaux |
empiriques |
contextuelles |
The Entrepreneur |
transcendantaux |
empiriques |
universelles |
The General |
transcendantaux |
scientifiques |
individuelles |
The Overachiever |
transcendantaux |
scientifiques |
contextuelles |
The Diplomat |
transcendantaux |
scientifiques |
universelles |
The Innovator |
transcendantaux |
intuitives |
individuelles |
The Autonomous Thinker |
transcendantaux |
intuitives |
contextuelles |
The Politician |
transcendantaux |
intuitives |
universelles |
The Visionary |
V. L’APPLICATION DU MODELE D’INTENTIONS DISCURSIVES
Dans cet article, nous cherchions à mettre en place un modèle de classification des intentions discursives (DI) qui conduisent un individu, un groupe ou une organisation à émettre un discours ou à créer un mythe. Le niveau de «sophistication» et la maîtrise de la langue permet certes des descriptions plus précises d'un objet. Cependant, même sans la maîtrise d'une langue spécifique, une personne peut concevoir des idées qui sont au-delà du vocabulaire disponible pour les exprimer. Ces structures peuvent être identifiées en appliquant le modèle DI. Le modèle DI pourrait permettre d’identifier trois niveaux contenus dans les récits des mythes: primaire (individuel), social et transcendantal. Ces niveaux sont des éléments intrinsèques aux échelles utilisées dans notre proposition (besoins, connaissances, valeurs).
Nous voyons dans notre proposition théorique deux applications immédiates. La première est actuellement en phase de test dans l’entreprise Praditus dans le cadre de l’orientation professionnelle. La deuxième serait de type méthodologique et pourrait servir à la « Société Internationale de Mythanalyse » comme référence pour une analyse systématique de mythes. Bien évidemment, il est nécessaire de prendre des précautions pour ne pas noyer la liberté créatrice et le style littéraire et artistique nécessaire à la création des nouveaux mythes, dans un cadre trop schématique. Notre approche sert à identifier la nature de ce que nous appelons les intentions discursives et en aucun cas à la figer.
- Pour l’orientation professionnelle: le modèle DI est implémenté actuellement sur le site web www.praditus.com . Ce site permet à un grand nombre d'individus de mieux se connaitre et ainsi de mieux planifier leur orientation professionnelle. En passant un questionnaire qui vise à évaluer les types de besoins, valeurs et connaissances, les individus peuvent estimer leur degré de proximité avec les métiers qui les intéressent pour leur futur professionnel. Par le biais de cette plateforme, nous avons l'intention de tester notre modèle. Ce projet implique la traduction du questionnaire original en trois langues au moins: anglais, français et espagnol. Pour être couronné de succès, ce projet ambitieux nécessite la participation active des psychologues, des linguistes et des concepteurs de sites Web.
- Dans le cadre d’une méthodologie adaptée à l’analyse de mythes: nous avons décidé de mettre en application notre modèle en rapprochant deux de nos archétypes à des mythes existants. Nous nous concentrerons sur notre premier archétype “The Cave Dweller” ainsi que sur l’archétype 25 “The Autonomous Thinker” (cf. Typologie archétypale des intentions discursives).
Le “Cave Dweller” est un archétype défini par une combinaison de besoins basiques, de connaissances empiriques et de valeurs individuelles. Cet archétype est à rapprocher du mythe bien connu de “l’homme sauvage”:
« La figure de l’Homme Sauvage tel qu’il est issu de notre folklore, des sculptures de nos maisons à colombage et des chapiteaux ou piliers d’églises romanes, ainsi que de nos anciens Blasons, est évidemment un amalgame “post évangélique”, c’est-à-dire qu’il est composé d’une part de données archaïques de la Vieille Coutume (d’anciens mythèmes païens) qui furent cependant plus ou moins cryptés pour survivre à l’oppression de la nouvelle foi conquérante et, d’autre part, de la description péjorative du personnage par les clercs puisque l’Église avait le monopole de l’instruction. Cette description a donc toujours été fortement dévalorisante à tel point que notre Homme Sauvage – émasculé par l’Église – finit par figurer essentiellement pour elle le Paganisme tant dans son essence que dans toutes ses manifestations ». Christian MANDON (Racines et traditions en pays d’Europe, 2006).
“Le "bon sauvage" symbolise les aspects de la condition humaine et traduit ses aspirations à savoir, la quête du bonheur et d'une vie harmonieuse. En proposant une vision idyllique, utopique, du primitif naïf, bon, vivant en osmose parfaite avec la nature qui le fait vivre, le dix-huitième siècle exprime son désir d'un bonheur simple et traduit aussi ses angoisses. On peut y voir un regret d'une forme de paradis perdu. D'ailleurs, il convient de souligner que même Rousseau, dans la préface de son discours sur l'origine des inégalités, présente l'homme à l'état de pure nature comme étant un idéal et non une réalité” (Elisabeth Kennel, consulté en ligne le 28/09/2014).
L’“Autonomous Thinker” est un archétype défini par une combinaison de besoins de transcendance, de connaissances intuitives et de valeurs individuelles. C’est un archétype à rapprocher par exemple du personnage mythique bien connu de “l'Ermite” (Sainsaulieu, 1974). En effet l’Ermite recherche à dépasser la réalité humaine, motivé par une intuition certaine de l'existence d’un au-delà. Dans ce dessein, il s’isole et applique un système de valeurs qui lui est propre.
Cette méthodologie d’analyse pourrait aussi s’appliquer à l’étude d’un objet symbolique non personnifié, le “Vin” en est un exemple. Ainsi le vin dans notre typologie archétypale va pouvoir, selon le contexte, être étudié dans un discours qui peut correspondre à plusieurs registres: le vin de l’individu dépendant à l’alcool qui devient le seul besoin à satisfaire; une question de vie ou de mort. Le vin de la relation et du partage avec les autres en société, de recherche du lien social. Et finalement le vin qui devient le sang du Christ, breuvage sacré qui délivre de tous les pêchés dans la littérature biblique. Ce même objet symbolique peut donc renvoyer selon l’interprétation et le récit à différents niveaux de nos dimensions: besoins, connaissances, valeurs. Ainsi la première situation se réfère à des besoins basiques, la deuxième aux besoins sociaux et la troisième à des besoins de transcendance. Chacune de ces situations pourrait renvoyer ensuite à différents systèmes de valeurs et de connaissances.
Nos exemples précédents montrent que le modèle s’applique aussi bien à des personnages qu’à des symboles. Nous pensons que notre modèle peut également servir à l’analyse d’autres types de récits mythiques qui pourraient renvoyer également à d’autres notions analytiques comme, par exemple, celle de pulsion (Freud, 1995) ainsi qu’à d’autres récits mythiques.
Dans ce sens Christian Gatard (2014) dans son ouvrage “Mythologies du futur”, inspiré par Raymond Abellio nous parle d’une spirale et de récits d'ascension: “Pour Raymond Abellio, dans l’écoulement du devenir s’enchevêtrement deux spirales, l’une montante, l’autre descendante”.
Gatard (2014) parle également de forces centripètes et de forces centrifuges qui créent une tension entre le dedans et le dehors. Cette notion de spirale et de forces centripètes et centrifuges qui mènerait vers l’évolution ou la destruction, l’isolement ou l'expansion, serait à rapprocher, par exemple, de la métaphore bakhtinienne (Bakhtin, 1968, 1982, 1986) de la spirale ascendante et descendante. En effet dans son approche épistémologique du discours Michael Bakhtine souligne les forces de création et de destruction présentes dans des récits mythiques. Ces deux postulats sont pour nous équivalents des notions psychanalytiques de pulsion de vie et de pulsion de mort (Freud, 1915). Tenant compte de ces concepts dans notre proposition théorique, nous considérons que ces forces et ces pulsions jouent un rôle premier dans la formation, l’évolution, la dégradation et la transformation des intentions discursives. Précédemment, nous avons mentionné que notre outil d’analyse permettait de placer des éléments selon des coordonnées sur une carte imaginaire dans laquelle un objet peut se déplacer d’un point à un autre et donc évoluer. C’est dans ce sens que les pulsions et les forces centripètes et centrifuges interviennent : elles sont au cœur du déplacement d’intentions discursives qui évoluent ou régressent d’un point à un autre dans l’espace et le temps de notre carte imaginaire. Cette carte pourrait être représentée graphiquement de la manière suivante :
Il nous semble que dans notre logique, l’impulsion que l’on prête à nos 27 types d’archétypes dans le sens d’une évolution ascendante ou descendante, est particulièrement proche du “Conatus” de Spinoza:
“Spinoza affirme que « Le désir est l’essence de l’homme ». Le désir est l’humanité même. L’homme est par nature une puissance d’exister, un mouvement pour persévérer dans l’être c’est-à-dire pour exister encore et toujours plus. Tout existant est un conatus, c’est-à-dire un effort pour persévérer dans l’être, un conatus d’auto affirmation. Le conatus au sens spinoziste n’est pas une volonté de puissance (Nietzsche) mais une force qui s’affirme et poursuit son propre accroissement parce que celui-ci est vécu comme Joie”. (Simone Manon, 2008).
Nos archétypes ne sont donc pas des cases pour enfermer ou capturer une réalité ou des récits mythiques, mais simplement des points de repère dans un univers de discours, repérables par leurs éléments constitutifs d'origine mais en constante évolution.
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Autres références
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Notes
[1] L'école linguistique structuraliste, initiée par Ferdinand de Saussure en 1916 et en déclin depuis les années 1980, développa une nouvelle approche de l'étude de la langue. En effet, les membres de cette école veulent faire de la linguistique une discipline scientifique en appliquant le principe de l'observation des corpus langagiers (élément fini d'énoncés produits). D'autre part, ils mettent en l'avant l'idée que la langue est décomposable en systèmes d'éléments identifiables plus petits (phonèmes, morphèmes,...) que l'on peut identifier selon une technique de classement. Cette approche est donc empirique et taxonomique.
[2] JACOB, P., Esprit et cerveau, article publié dans "La Recherche", N°309, Mai 1998, p. 53 et sq. : Selon le monisme anomal de Davidson, les activités mentales sont des processus physiques mais les concepts psychologiques grâce auxquels nous les décrivons sont irréductiblement distincts des concepts neurophysiologiques. Le monisme anomal est la conséquence des trois prémisses suivantes : il existe des relations causales entre les événements mentaux et les événements physiques, comme l’attestent le fait qu’une pensée (événement mental) peut produire un geste corporel (événement physique) et le fait qu’un percept (événement mental) peut être l’effet d’un événement physique. Il n’y aurait pas de relation causale singulière s’il n’existait pas de lois physiques fondamentales strictes. Il n’existe pas de lois psychophysiques (et a fortiori purement psychologiques) strictes.
[3] Dans le dictionnaire de la langue française et en philosophie une « qualia » est : « une propriété de la perception, c'est-à-dire ce qui est ressenti par une personne au moment de la perception d'un objet. Les qualia ne sont connus que par intuition directe et ne peuvent donc pas être communiqués ».
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