Le corps comme étalon de mesure
Jérôme Dubois (a cura di)
M@gm@ vol.7 n.3 Settembre-Dicembre 2009
DES MONTS ET DES MONDES: CE QUE LE CORPS DES MARCHEURS SOLITAIRES FAIT Á LA SOCIOLOGIE
Jérémy Damian
jeremydamian@no-log.org
Doctorant, CSRPC-ROMA, Université
Pierre Mendès France, Grenoble.
Une
à une, derrière moi, les cigales enflent leur voix puis chantent :
un mystère dans ce ciel d’où tombent l’indifférence et la
beauté. Et, dans la dernière lumière, je lis au fronton d’une
villa: «In magnificentia naturae, resurgit spiritus». C’est
là qu’il faut s’arrêter.
A. Camus, La mort dans l’âme
En sociologie, la solitude passe pour le symptôme d’une pathologie
sociale inhérente à nos modes de vie occidentaux urbains et
individualistes. Pourtant, il semblerait que pour nombre de
personnes, la solitude ne soit pas le symptôme mais bien le
remède à un malaise qui se creuse dans les rythmes de la vie
quotidienne. Une solitude qu’il faut entendre comme acte volontaire
et témoignant d’une liberté à la fois prise à la société mais
toujours acceptée par elle. Il existe à ce propos un petit
nombre d’individus qui s’adonnent à une pratique toute particulière,
pratique solitaire, pratique alternative aux mouvements de
la vie urbaine, pratique de lenteur: la marche solitaire.
Elle obéit à un principe de «réaction» – comme on dit d’un
corps qu’il fait une réaction à quelque chose qu’il ne supporte
pas – vis-à-vis du monde que M. Weber décrivait comme étant
dominé par une légitimité légale-rationnelle. Cette pratique
devient une «respiration» qui repose des exigences du vivre-ensemble
et, par la mise entre parenthèses qu’elle permet, suscite
de nouvelles attentes, de nouveaux désirs ou encore de nouvelles
passions sociales. Par les expériences originales qu’elle
engendre et permet de vivre pleinement (solitude, liberté
et confrontation à la nature), la marche débouche sur des
formes originales de rapport à soi et aux «autres».
L’expérience de la marche solitaire, nous fournira l’occasion
de nous pencher sur le corps dans sa dimension sensible et
sur le processus par lequel se rejoue une articulation à soi,
au monde et aux autres, nouvelle. L’essentiel de ce qui va
suivre pourrait découler de cette interrogation: «Que peut
un corps»? A condition de saisir que le corps que nous allons
aborder est un corps pris dans un mouvement, un espace, une
pratique spécifique, soit un corps en train de vivre une «expérience».
Dans le contexte contemporain, le corps occupe une place paradoxale
en ce qu’il est le lieu de la coupure et de la suture sociale.
Coupure, car il est toujours ce par quoi, en dernière instance,
je me singularise des autres (Durkheim, 2005): la sociologie
a eu tendance à se concentrer sur cette dimension en se limitant
à deux perspectives - le corps comme fuite (notamment les
pratiques à risque), le corps comme obstacle (rapport à la
maladie, au handicap…). Celui que nous aimerions placer au
centre de cet article serait l’autre corps, celui de la rencontre,
à partir duquel prévaudrait l’ouverture et la similitude à
l’autre par-delà les apparences: un corps joyeux et plein
de vitalisme. Renouvelons la question: «Que peut un corps»?
Par-delà les apparences, les corps singuliers partagent des
capacités d’affection, partagent un rapport sensible qui se
vit et se savoure dans l’expérience concrète. Le corps reste
toujours un médium par lequel participer à une expérience
et éprouver l’autre en particulier dans la similitude d’émotion
(Simmel, 1981) qui les unit dans un moment bien particulier.
Le corps est donc aussi le lieu de la suture sociale. Il est,
tout d’abord, ce par quoi je perçois le monde et agis sur
lui en retour. Cette interaction est rendue possible par la
médiation sensible qu’il permet entre un individu, un environnement
et d’autres individus (Dewey, 2005). Se pencher sur une mise
en jeu solitaire du corps pourrait paraître bien étrange s’il
ne nous permettait pas, en fait, de pousser notre raisonnement
à l’extrême, de placer le corps dans les conditions expérimentales
de sa plus grande solitude et d’observer moins où le social
filtre et s’infiltre que comment la culture se construit et
s’invente. Nous nous intéresserons donc à une activité: celle
de construire des mondes, de cultiver des manières nouvelles
de s’unir et de se sentir uni à ce qui entoure les marcheurs,
dans le temps même de leur activité, «en l’absence des hommes»,
grâce à une pratique corporelle spécifique dans un univers
«naturel» [1]. Plutôt que
de faire de ce temps de marche une parenthèse sociale et de
limiter l’analyse sociologique à ce qui l’encadre (le pré-texte,
le retour) nous nous intéresserons à la capacité de se lier,
de s’attacher qui se découvre dans et par l’expérience même
de la marche solitaire. Notre démarche, en épurant le corps
des relations sociales qui l’habillent d’ordinaire, entend
explorer, en lui, les bases de la socialité. Nous montrerons
que la récréation sociale (désir de fuite solitaire) des marcheurs
suscite une re-création sociale (désir de «faire des mondes»).
Le corps serait alors le lieu et le moyen de cette re-création
mêlant ensemble l’intime et le social. Et si le sociologue
parvient à résister à la tentation de vouloir trop prématurément
distribuer les rôles entre ces deux instances – soit refuser
le dualisme qui fait reposer le principe essentiel de l’expérience
sociale soit sur l’individu, soit sur la société (Zask, 2007)
– le corps nous permettra d’appréhender l’expérience sensible
dans son indétermination profonde et nous autorisera à repenser
la manière dont l’individuel et le collectif s’articulent
ainsi que la manière dont des mondes se forment, s’inventent,
se créent.
L’espace-temps quadrillé et fragmenté du corps urbain
Le paradoxe de l’espace social contemporain vient de ce qu’il
surimpose un ensemble de logiques visant à encadrer les corps
dans leurs mouvements, leurs déplacements, en leur intimant
la mobilité la plus extrême en même temps qu’il les confine
dans un espace quadrillé, borné (Foucault, 1975). Tout mouvement
devant répondre d’une exigence de fonction et d’utilité, l’espace
est investi de manière «utile» et «productif». La mise en
mouvement des corps dans l’espace urbain est soumise à cette
exigence de production, c’est un mouvement «tendu vers…»,
dans un espace qui se structure de manière à encadrer les
flux qui le traversent. Il se sature au point que même les
lieux de loisirs, de récréation, semblent être construits
en vue d’un divertissement programmé. Car non seulement on
ne traverse pas les lieux par hasard, mais on n’y fait pas
ce que l’on veut: espaces fléchés, espaces contraints.
Les personnes que nous avons interrogées ont toutes exprimées
un certain malaise vis-à-vis de la vie urbaine pour les rythmes
qu’elle impose et le stress qu’elle génère. La ville leur
apparaît comme un lieu plein de «pollutions» – voitures, foule,
bruits – de «tensions» qui «vampirisent» les gens qui ne peuvent
faire autrement que se résigner à la cadence qu’elle impose.
Elle soumet les corps à des régimes de vitesse qui altèrent
leur relation à ce qui les entoure: «les gens vont à fond,
ils sont essorés, ils n’entendent plus rien, ils ne voient
plus rien» regrettait l’un d’entre eux. Le corps s’efface
derrière le quasi-automatisme des ritualités journalières
et ne sait plus rien faire d’autre qu’être occupé et pressé
[2].
Cet emballement des vitesses, de flux, des cadences, serait
à la source d’une crise de la socialité contemporaine. Société
«liquide» à l’intérieur de laquelle les corps seraient constamment
assaillis et saturés de flux ininterrompus. Cette «fluidité»
entraînerait un déséquilibre suffisamment profond dans l’économie
psychique des individus pour remettre en cause «la possibilité
même de structuration, voire d’existence du moi» (Haroche,
2008). Une telle perspective semble refléter la manière dont
les marcheurs interrogés perçoivent leur insertion dans l’espace
urbain et la vie qu’ils y mènent; de l’autre côté, elle ne
se rend pas disponible à tout ce qui est déployé pour parer
cette réalité.
Pourquoi devrions-nous accepter l’idée condamnant par avance
l’individu à subir les travers de «l’hypermodernité» sans
qu’il ne puisse agir et réagir, le fixant dans une passivité
sans recours? Quand, au contraire, dans un contexte de crise
du vivre-ensemble et de mise en retrait des engagements du
corps dans la vie quotidienne, tout semble indiquer que quelque
chose se passe en marge de celle-ci. C’est en marge de la
vie quotidienne, dans un «temps social spécifique» et régénérant,
qu’il faut rechercher les pratiques visant à freiner cette
érosion par des activités de compensation destinées à une
reconquête cinétique, sensorielle et physique de l’individu.
Souscrire, donc, à l’attitude intellectuelle consistant à
supposer et laisser aux individus la capacité de se créer
une manière de pratiquer le quotidien de telle sorte qu’ils
n’en soient jamais que les simples consommateurs (De Certeau,
1990).
La marche solitaire a retenu notre attention entre autre pour
le fait qu’a priori elle pourrait passer pour le symptôme
de l’individualisme contemporain. Face à «l’avancée de l’individualisme»
de nos sociétés, le corps du marcheur tendrait à devenir son
refuge ultime, «ce qui reste[rait], comme l’écrit C. Haroche,
quand les autres se font évanescents et que toute relation
sociale se fait précaire», le lieu du repli pour l’individu
«délié». On pourrait donc d’emblée réduire la «sensibilité
intense à soi» qui se découvre dans l’ensemble des pratiques
corporelles, à des formes d’individualisme et de narcissisme,
sans penser que ce «souci de soi» est en fait l’effort même
par lequel se rassemble et s’unifie une identité personnelle
morcelée dans une société morcelante. Contre l’idée selon
laquelle le sujet contemporain, aux prises avec une société
à l’individualisme galopant, coupé des autres, s’abandonnerait
et se replierait dans un corps qu’il désire parfait, nous
voudrions défendre l’hypothèse inverse selon laquelle ce même
individu vivant une certaine crise de la socialité redécouvrirait
dans son corps le point d’ancrage à soi et aux autres.
Découvrir et construire un corps de marcheur: de l’épreuve
de la marche à une poétique du corps
S’il a été évoqué ce que les marcheurs souhaitaient fuir de
leur réalité quotidienne, nous aimerions à présent nous pencher
sur les effets spécifiques de la marche solitaire, ce qu’elle
permet et provoque dans son présent. En somme, c’est à une
tentative de plongée phénoménologique au cœur de l’expérience
de la marche que nous allons nous livrer afin de sentir ce
qui fournit aux marcheurs une sensation de «mise en retrait»,
de «respiration» à même de nourrir un rapport à soi, aux autres
renouvelé. Par la solitude, les rythmes, la liberté et les
joies qu’elle provoque, la marche ouvre des «voies perceptuelles
nouvelles» (Bateson) en faisant surgir un corps qui contraste
avec celui qui prévaut dans les univers urbains et quotidiens
qui ont été décrits. Un corps qui opère le pont entre l’espace
du soi interne et celui de la nature externe (Shusterman,
2007, p.196) en indéterminant ce qui appartient au dedans
et au dehors, au subjectif et à l’objectif.
En premier lieu, la solitude permet aux marcheurs une mise
en relation directe et «sans bruits» avec les éléments naturels,
de vivre sans intermédiaire, entre leur corps et le monde
qu’ils côtoient, leur relation à celui-ci. Partir seul(e)
inquiète parfois (la première fois surtout), mais une fois
la solitude apprivoisée, offre aux marcheurs une qualité de
contact et de présence à leur environnement rare. La solitude
intensifie l’expérience du rapport aux choses. Un marcheur
évoque une «confrontation plus directe avec les éléments,
les paysages… Avec l’impression que si les autres étaient
là, ça atténuerait cette sensation». D’une certaine manière
«les autres amortissent la rencontre avec l’extérieur et l’intérieur».
Dans l’expérience de la marche solitaire, si les autres finissent
par disparaître, c’est au final moins parce qu’il en a été
décidé ainsi que parce que, dans l’espace et le temps qui
s’ouvre, ont disparu les référents culturels – le premier
de ces référents étant le corps d’autrui – par lesquels d’ordinaire
on éprouve sensiblement leurs présences [3].
Ce qui se perd en premier lieu, ce n’est pas tant la capacité
d’action mais d’interaction. Le corps devient le référentiel
– les autres référentiels «sociaux» ayant disparus – à partir
duquel est senti un ensemble de manifestations identifiées
comme appartenant au monde de la «nature totale». La perception
du solitaire, en accroissant son acuité, donne la sensation
de «retrouver un être global» non séparé des bruits de la
nature, de ses fragrances et de ses sensations. La solitude
particularise le marcheur, au sens où elle le fait se sentir
une partie d’un tout.
Cette sensation est accentuée, en second lieu, par un «accordage»
rythmique à l’environnement dans lequel il évolue. Tous les
récits de marches font état de cette première découverte d’un
rythme propre à la nature dans laquelle les marcheurs cheminent:
cette «rondeur des jours» chère à J. Giono (1943). La surprise
semble venir toujours de ce que le marcheur découvre dans
ce rythme propre une manière de l’habiter et de s’y plaire,
où la faim et la fatigue sont dictées par la lente succession
des heures qui passent, où l’homme se met au diapason de la
nature qu’il éprouve alors différemment, ce qu’exprime le
romancier Stevenson: «On ne saurait concevoir, à moins d’avoir
essayé, la longueur d’une journée d’été que l’on mesure seulement
par la faim et que l’on termine seulement quand on a sommeil».
L’expérience de la marche, en se basant sur la répétition
des mouvements du corps, en favorisant son ouverture perceptive
à un environnement aussi riche qu’inhabituel, est une manière
de re-convoquer le corps dans une société qui en assure l’effacement
ritualisé (Le Breton, 2003), de se le réapproprier en se concentrant
sur les perceptions qu’il capte du monde qui l’environne et
les sensations qu’il nous fait sentir.
Et si le marcheur parvient à accorder son rythme propre avec
celui de la nature, c’est bien parce qu’il progresse dans
un environnement au sein duquel il se découvre quelques familiarités.
Au terme de quelques allers-retours entre le paysage et le
psychisme, les frontières entre une intériorité subjective
et une extériorité objective deviennent poreuses. La marche
commence réellement au moment où «l’apnée lâche», pour reprendre
l’expression d’un marcheur. Lorsque un rythme s’est installé,
lorsque la nature vit en nous au moins autant que nous vivons
en elle. Marcher nécessite d’harmoniser son rythme de marche
avec, d'une part, son rythme corporel et, d'autre part, le
rythme naturel du monde traversé. Une bonne marche harmonise
le mouvement d’un corps sur celui du monde et de ses reliefs.
Or pour J. Dewey, «l’harmonie n’est atteinte intérieurement
que lorsque, par certains moyens, on conclut un accord avec
notre environnement». Cet accord consiste, pour le marcheur,
à accepter au moyen de son activité un rythme naissant de
l’entre-deux des conditions géographiques du terrain pratiqué
et de la condition physique de son corps, ainsi que de l’entre-deux
des rythmes naturels et de ses rythmes intimes. Très concrètement
le rythme se compose à plusieurs, à condition d’accepter dans
l’assemblée de son établissement non plus seulement des êtres
mais aussi des choses: une pente, un sentier sinueux, une
pente raide, une température… Le marcheur ne se soumet pas
passivement à un temps abstrait, il se l’approprie et le redéfinit:
son pas rythme son avancée dans le monde. Par lui, il en prend
la mesure, par lui se scandent à la foi les images et les
sensations de tout ce qui l’entoure.
D’où, en troisième lieu, une irrépressible sensation de liberté
qui se découvre dans le temps de la marche, comme l’exprime
un marcheur interrogé: «Ce qui est motivant, c'est l'appel
de la liberté, de ce sentiment que l'on a quand on marche
et que l'on est seul. On a tous envie d'être libre, et marcher
t’apporte ce sentiment de liberté parce que tu es mobile,
parce que tu as besoin de rien. Matériellement tu es très
libre, tu n'as pas la charge de conventions, de tendance à
suivre. Tu choisis ton temps, ton rythme, tu t'arrêtes quand
tu veux… Tout ce qui va se jouer dans ce moment de déplacement,
sans autre contrainte que notre capacité à nous déplacer par
nous-même, et bien ça, j'ai vraiment le sentiment, que c'est
l'essence de l'idée de liberté: je ne dépends de rien, si
ce n'est de mes jambes, je sais d'où je pars, je sais où je
vais aller, la seule question c’est comment je le fais? Et
ça, je suis libre d’y répondre ».
Il est évident que ce sentiment de liberté est associé au
mode de déplacement bien particulier de la marche: «liberté
d’errer» là où il n’y a «pas forcément de chemin», à son propre
rythme, dans une «nature totale» où ont disparu les référents
culturels. Même si la référence à une «nature totale» vierge
est largement fausse [4],
la sensation demeure. Marcher c’est la liberté de «tracer
un trait» et de pouvoir lui donner la forme qu’on lui souhaite
dans les limites de ce que le corps se sent capable d’accomplir
par rapport à l’espace dans lequel il est plongé. L’instrument
premier de cette liberté est le corps du marcheur: par lui
se réalise la mise à l’écart temporaire de la société, par
lui s’explorent les coins les moins fréquentés. Grâce à l’habileté
du corps, sa résistance physique, le marcheur se sent pouvoir
«sortir des sentiers battus».
Ce sentiment de liberté se paye d’un certain effort par lequel
le marcheur ressent intimement qu’un espace de liberté peut
s’aménager dans l’espace du monde. Une liberté pleine d’un
sens intimement senti et construit, avec la conscience que
le sens (signification) des choses émerge des sens (sensations)
de celui qui est censé le recevoir (Bergson, 1896).
Un des marcheurs raconte rechercher dans la marche un «lâcher
prise, avec le but de partir et de [se] noyer dans des expériences
de pertes contrôlées, en sentant qu’[il] va découvrir une
forme de liberté qu’il ne pourrait pas découvrir autrement».
Être libre pourrait alors ne plus consister à être le maître
de toute action, mais de parvenir à cet état de dissolution
dans les choses, dans la nature environnante, un état qui
ne permettrait plus de distinguer ce qui meut de ce qui est
mu. Être libre, consisterait à découvrir les liens possibles
avec des choses que d’anciens attachements rendaient impossibles.
Reconnaître librement une multiplicité d’instances, à l’œuvre
dans le perpétuel processus d’individuation, qui se révèlent
dans les attachements des choses les unes aux autres, rompant
ainsi avec l’idée d’une référence unique comme source de toutes
les déterminations façonnant l’individu. La liberté octroyée,
en somme, ne ressemble en rien à un caprice, c’est une liberté
qui se dévoile, se révèle pour qui accepte d’abandonner un
peu de maîtrise sur les choses et de se laisser ravir par
elles et par l’expérience par laquelle elles l’affectent.
Ainsi que nous commençons de le voir et comme le suggère A.
Hennion (2003), à propos de toute pratique culturelle, la
marche est une «activité corporée» bien plus qu’«incorporée»,
selon le concept bourdieusien. Si le second insiste sur une
construction sociale du corps par des dispositifs et des normes
contraignantes, le premier n’évoque plus un social venant
imprimer sa marque sur un corps mais tout autant «un corps
qui s’ignore, qui doit se révéler, apparaître à lui-même au
fur et à mesure que son interaction prolongée avec des objets
et son entraînement par des pratiques répétées le rendent
plus apte, plus habile, plus sensible à ce qui se passe».
Si le corps se révèle à lui-même, c’est qu’il se découvre
des manières nouvelles de se mouvoir et de s’émouvoir. Il
ne peut, en conséquence, se contenter des registres préconçus
que lui fournirait un habitus corporel, dont l’incorporation
lui fournirait un ensemble de propriétés déterminées. Il doit,
au contraire, se rendre sensible aux différences qui se forment
et s’inventent dans l’épreuve de la marche dans son propre
corps. A la question «que peut un corps qui marche?», nous
pouvons désormais répondre qu’il se découvre un potentiel
de force, de vigueur, d’endurance qu’il ne se connaissait
pas. Notre corps consiste en un ensemble de rapports plus
ou moins stables qui se nouent avec d’autres corps – humains
ou non. Ces rapports nous affectent de façon triste ou joyeuse,
et il apparaît que la marche affecte les corps d’affects joyeux,
les remplissent de valeurs légères: «plaisir du corps qui
bouge» pour une des marcheuses, plaisir de sentir [s]es poumons»
pour une autre, ou encore «sentir les éléments sur [s]on corps».
Il ne serait pas correct de penser qu’au bout d’un temps le
marcheur «fixe» un ensemble de plaisirs qu’il sait connaître
et reconnaître en une «essence» figée. Si notre relation au
monde est ordinairement rendue possible par la perception
du magma sensible qui nous entoure, l’expérience sensible
peut devenir, pour peu qu’on la provoque et qu’on s’y soit
entraîné et préparé, une base de lancement pour de l’extra-ordinaire.
En elle, par elle, adviennent et surgissent des émotions,
des formes d’attachements absolument inédits, originaux, dont
la singularité se rejoue à chaque nouvel épisode. Comme pour
toute activité, le punctum [5]
(Barthes, 2002) de la marche – soit ce moment où un courant
torrentiel de sensations, d’émotions, de plaisirs, saisit
celui qui s’y livre, le ravit et l’emporte en redoublant les
plaisirs qu’il avait auparavant identifiés (le studium) et
qu’il venait rechercher dans la pratique de cette activité
– est par nature, non seulement imprévisible, mais encore
incertain. Il est indéterminé par sa forme, son fond et son
surgissement.
Ces moments, où se créent des sensibilités nouvelles, s’inventent
en même temps que s’identifient de nouveaux rapports au corps
(à soi), sont des temps qui, dans l’ordinaire, font advenir
de l’extra-ordinaire par un ravissement sensible, sans qu’une
frontière ne puisse attester clairement le passage de l’un
à l’autre. C’est ce ravissement qui fait passer la marche
d’un des marcheurs interviewés d’une fuite à un émerveillement.
L’expérience sensible déborde l’habitus, transcende ses formes
typiques du sentir. Elle est une poétique: poétique du mouvement,
poétique du corps. Créer sa propre sensibilité à soi et aux
choses qui nous entourent. Poétique du corps, car le corps
est lui aussi un inconnu qu’il faut faire surgir et se révéler.
D’un mot: la marche permet de (re-)découvrir l’expérience
corporelle de la continuité: continuité du corps et du monde
(le corps comme entremetteur), continuité de l’espace (le
corps comme vecteur), continuité du temps (le corps comme
épreuve). Le marcheur, ayant accepté de lâcher prise, se laisse
entraîner dans un espace et une durée continus, ravi par le
rythme propre de l’univers dans lequel il se fond. A cette
condition, il vit une «expérience esthétique» (Dewey, 2005):
sa marche se remplit d’énergies, se colore d’une intensité
corporelle et émotionnelle qui s’intensifie, qui approfondit
toujours plus sa «perte contrôlée», elle revêt alors un caractère
esthétique et donne ses lettres de noblesse à l’expérience
du banal – marcher – en la portant jusqu’à son accomplissement
le plus profond, puisque le plus intime: «Tout acte humain
peut posséder des caractères esthétiques pour peu qu’il soit
conduit jusqu’à sa plénitude» (Ibid).
Le «fantasme du lien»: les corps «articulés» des marcheurs
Ainsi nous pourrions comparer la marche à ce que P. Descola
(2005), dit de la méditation: «Tout homme grâce à la méditation
est réputé pouvoir puiser en lui-même la capacité d’expérimenter
la plénitude d’un monde sans fondements préalables, c’est-à-dire
débarrassé des fondations particulières qu’une tradition locale
pourrait lui assigner» (p.412).
Portons notre attention sur ce point. Le marcheur participe
d’une expérience qui, lui faisant se servir de son corps différemment,
lui fait vivre autrement le monde qui l’entoure. Tout se passe
comme si l’expérience de la marche solitaire débouchait sur
une remise en cause et un dépassement des grandes catégorisations,
des coupures sociales, sur lesquels la pensée occidentale
s’est construite depuis plusieurs siècles. L’errance du marcheur
offre un nouveau tour de piste à tout ce qui a été bridé par
la conception rationaliste, par le «Grand partage» du naturalisme
moderne (Latour, 1991). Que ces propos heurtent le dualisme
opposant strictement nature et culture ne doit pas les faire
basculer dans l’ésotérisme. S’ils existent, c’est qu’ils manifestent
quelque chose, un état par lequel se conçoivent ou s’envisagent
de nouvelles manières d’être au monde. Nous aimerions nous
saisir de cette définition et faire du marcheur solitaire
un «organisme d’un genre particulier» (Descola, 2005) s’insérant
dans un monde qu’il contribue à former à mesure qu’il approfondit
les liens qui l’unissent à lui. Si cette approche est séduisante,
c’est qu’elle nous permet de réintégrer la puissance de l’expérience
sensible dans l’ordonnancement du monde.
B. Latour (2006) défini le social par ce qui lie les êtres
et les choses entre elles dans un mouvement continu d’agencements
et de réagencements. Si nous avons rendu compte de la manière
dont les marcheurs parvenaient à se sortir de ces liens, il
faut à présent s’intéresser au soin qu’ils prennent à en reconstruire
de nouveaux. Soit ne pas se satisfaire de ce mouvement de
déliaison et entrevoir l’activité inverse qui se déploie et
qui prend la forme d’un attachement (Hennion, 2004). Il nous
fallait, jusque-là, patienter le temps que nos marcheurs se
détachent d’un univers social dont ils désiraient momentanément
la fuite, qu’ils adoptent ensuite le mouvement de la marche
à la faveur duquel un corps sensible surgirait, un corps plus
apte à percevoir et à sentir le monde alentour. Un corps ayant
acquis la capacité d’être affecté par la multitude d’êtres
et de choses qui peuplent leurs marches: un corps articulé
(Latour, 2004). Or qu’est-ce qu’être affecté sinon «être en
relation» avec quelque chose (Despret, 1999). Le corps affecté
est un corps relié: ici, relié au paysage et à tout ce qui
le compose, soit un magma de couleurs, de formes, d’odeurs,
de matières, de fraîcheurs, mais aussi une flore et une faune
spécifiques, une multitude d’êtres et de choses. Plus le marcheur
progresse dans sa marche, plus il se construit un corps sensible
aux choses du monde et donc (re-)lié, articulé, à elles. De
là, le monde qu’il perçoit n’a plus les mêmes propriétés,
les articulations nouvelles le coloriant différemment, ouvrant
des «voies perceptuelles nouvelles». En se rendant sensible
à ce monde, le marcheur se construit donc la capacité d’être
affecté par lui. Mais il ne décide pas de ce phénomène, le
renversement de la perception en affection correspond exactement
au basculement du studium au punctum de l’expérience sensible,
que nous avons caractérisé comme étant indéterminé [6].
Le basculement de l’un à l’autre correspond, en d’autres termes,
au ravissement déjà évoqué, c'est-à-dire à l’instant où le
mouvement s’inverse: moment d’indétermination où l’on ne peut
plus décider qui de moi ou des choses saisissent l’autre.
Soit cet instant stupéfiant où le marcheur solitaire, en suspens
par rapport à ses références culturelles, évoluant dans un
univers qui lui paraissait à l’origine l’altérité même, sent
physiquement qu’il est de nouveau en contact avec un monde
dans lequel il n’a plus qu’à se fondre. Une sociologie de
l’expérience sensible permet de mettre en lumière que la manière
dont nous établissons notre rapport au monde dépend de la
manière dont nous le pratiquons, l’expérimentons sensiblement.
Dans la pratique de la marche solitaire se découvre un rapport
au monde privilégiant le mouvement, la durée, la lenteur,
le rapport sensible aux choses, soit un rapport au corps bien
marqué induisant un rapport au temps et à l’espace, ainsi
qu’aux êtres de la nature, à ses paysages, original. C’est
que quelque chose se découvre et s’invente dans la marche
solitaire et la confrontation au paysage qui ne préexistait
pas à cette expérience et qui finit par rendre cet univers,
à l’origine étranger, familier. Descola montre, par exemple,
que la tradition monastique japonaise s’est établie sur la
recherche d’un contact intensément intime et profond avec
la dimension sensible du paysage par la pratique de la marche
et de la contemplation (Descola, 2005). D’une certaine manière,
nos marcheurs obéissent à un même dessein : ils ne gagnent
pas la montagne, la nature, pour les transformer mais pour
y éprouver une expérience fusionnelle et intime. La marche
solitaire devient alors une expérience intime qui bouleverse
l’objectivation moderne du monde.
Le charme des grand récits ethnographiques vient de ce qu’ils
lient intimement l’expérience de la réalité – «schématisation
de l’expérience» dans le langage conceptuel de Descola – à
l’appartenance à une «culture» spécifique, sans d’ailleurs
réduire cette expérience à des déterminations issues de cette
appartenance. Ils tentent, de plus, d’imposer l’idée qu’aucune
de ces cultures ne fournit le principe à partir duquel dériver
les principes régissant les autres. Avançons l’hypothèse suivante
qu’il s’agira ici seulement d’ébaucher : la marche solitaire
serait une expérience par laquelle nous pourrions nous constituer
notre propre ethnologie intime et explorer en soi-même le
champ de sa propre relativisation de l’appréhension du réel
qui préside à notre supposée culture. Cette ethnologie intime
ne se réfléchirait pas, elle se vivrait, se ressentirait au
contact de la nature et se pratiquerait. Ce qui se découvre
dans les paysages de la marche est une expérience par laquelle
le marcheur se sent «attaché», lié, à de nouvelles entités
avec lesquelles il forme une manière de société. La force
du corps venant de ce que ce lien n’est pas seulement une
chimère, un fantasme, elle est une sensation. Goffman (1991,
p.10) se demande dans quelles circonstances nous pensons les
choses qui nous entourent comme étant réelles. Lorsqu’il est
question de réalité, pense-t-il, ce qui importe est la conviction
que la chose est réelle. La question se déplace alors aux
conditions permettant de nourrir cette conviction. Ici, la
conviction naît de la sensation [7].
Comme l’ont souligné les marcheurs eux-mêmes, cette conviction
ne se résume pas à du «croire» mais à du «sentir». Elle «ne
passe pas par le cerveau, nous explique un marcheur, par une
analyse, elle vient complètement du ventre: ce n’est pas réfléchi,
c’est purement senti».
Il est sans doute difficile de trancher sur ce qui est réel
ou ne l’est pas. Sauf que les sciences sociales, en reconnaissant
que le monde vit à la fois en nous et hors de nous, devraient
pouvoir reconnaître comme réelle l’expérience que ce monde
nous fait vivre. Le «fantasme du lien» du marcheur est à prendre
dans sa réalité. La marche actualise un mode d’être au monde
qui altère l’expérience que le marcheur fait de la réalité
et modèle son attitude dans l’environnement avec lequel il
est en train de «former un monde». Réactivation sensible du
corps dans et par une expérience solitaire ayant consistée
à le remettre en mouvement, à l’articuler au monde qui l’entoure,
à le faire surgir non comme le rejeton délié d’une société
dont il voudrait se protéger, mais comme le lieu de la coalescence
à la fois de l’intime et du social.
Conclusion
L’expérience de la marche solitaire, par rapport à la démarche
de cet article, aura été un détour nécessaire, comme il l’aura
été pour les marcheurs, pour éclairer les racines sensible
et la dimension corporelle du vivre-ensemble que la culture
moderne refoule et rend inopérante. Loin de rester dans l’ombre
dans laquelle on voudrait le laisser se dissiper, le corps
surgit dans des temps sociaux spécifiques de respiration et
se réapproprie l’espace, les formes, les capacités qui sont
les siennes et qui président à un mode d’être «intimement
social». Les marcheurs solitaires obligent la sociologie à
reconnaître ce qu’avoir un corps implique, en liant cela à
une expérience de liberté: faire l’expérience intime d’être
au cœur du processus par lequel je me lie aux êtres et aux
choses qui forment la réalité sociale dans laquelle je compte
m’épanouir. Avoir un corps, être ému, être libre, c’est aussi
rendre possible l’émergence de liens différents, d’instances
différentes avec lesquelles se lier et au final affirmer sa
volonté d’être attaché à quelque chose.
Notes
1] Il sera, à ce propos,
fait mention de «la nature», de «la nature totale», etc.,
entendues ici non pas comme une objectivation ou une naturalisation
d’une nature «sauvage», mais comme l’expression de ce qui
est vécu par les marcheurs eux-mêmes. Descola (2005) et Ingold
(1993) nous ont appris à nous méfier de cette idée d’une «nature»
pure. L’important, ici, sera donc non pas de décrire une quelconque
réalité «naturelle» mais de rendre au plus près l’expérience
des marcheurs, c'est-à-dire la manière dont ces derniers la
perçoivent et la vivent.
2] Pascal DIBIE étend ce
constat aux campagnes «rurbanisées»: «Même retiré au fond
de mon village quelque chose s’est emballé qui n’a pas de
nom. C’est le rythme, notre rythme de vie qui s’est profondément
modifié, et par contagion notre mode de vie lui-même» (Dibie,
2006, p.32).
3] «Dans l’objet culturel,
j’éprouve la présence prochaine d’autrui sous un voile d’anonymat
[…] c’est par la perception d’un acte humain et d’un autre
homme que celle du monde culturel pourrait se vérifier» (Merleau-Ponty,
1945, p.405).
4] Il existe en fait une
multitude de traces humaines dans la montagne, du sentier
à la physionomie même des paysages (alpages…). T. Ingold propose,
à ce titre, de considérer le paysage «landscape» comme un
«taskscape» qui serait la forme et le fruit de l’interaction
du travail des hommes, de leur occupation et habitation des
terres sur un espace donné (Ingold, 1993).
5] Barthes définit le punctum
d’une photo comme ce qui part de la scène, «comme une flèche,
et vient me percer», comme le «hasard qui, en elle, me point».
6] Grossièrement, le studium
c’est lorsque, percevant, je touche les qualités des choses
en elles-mêmes, je fais le mouvement d’aller puiser en elles
les qualités qui m’y plaisent. Le punctum, c’est lorsque d’un
coup ces qualités des choses me touchent en m’affectant. Nous
superposons à dessein deux couples conceptuels étrangers l’un
à l’autre, l’un issu de la philosophie de la perception de
Bergson (1896) – Perception/Affection – l’autre issu du travail
de Barthes sur la photographie – Studium/Punctum : ce rapprochement
nous semble pertinent en ce que ces deux couples dessinent
un même mouvement, un même renversement ou encore ravissement
à même de décrire l’expérience sensible.
7] En vivant cette expérience
singulière le marcheur y recueille ce que W. James (2007,
p.230) nomme des «vérifications directes tangibles» à ce qu’il
a ressenti. «Tous les processus vrais, écrit-il, finissent
par nous conduire quelque part, jusqu’à des expériences sensibles
directement vérificatrices».
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